Management

Managers : comment répondre à la fronde de vos équipes suite aux annonces Macron

Face aux gilets jaunes, le gouvernement a présenté en conseil des ministres un projet de loi destiné à mettre en place des « mesures d’urgence économiques et sociales » – au programme, une prime d’activité bonifiée, ainsi qu’une prime de fin d’année et des heures supplémentaires défiscalisées. Dans ce contexte, nombre de salariés devraient probablement se tourner vers leur manager. Comment ce dernier peut-il répondre à leurs revendications, faire face à leurs inquiétudes, et instaurer un dialogue apaisé ? Le regard de Jean-Claude Ancelet, directeur d’Adeios Consulting, cabinet de conseil en management et stratégie.

 

Pensez-vous que les managers vont prochainement faire face à une « fronde » des salariés ?

Beaucoup d’entreprises, moyennes et grandes, sont confrontées à cette problématique : dans la foulée des annonces d’Emmanuel Macron, le 10 décembre, nombre d’organisations syndicales (OS) ont interpellé les DRH et les directions générales, en leur demandant ce qui était prévu. Certaines sociétés ont déjà signé avec les syndicats la politique salariale 2019, avec des augmentations générales ou individuelles, et d’autres ne négocieront qu’en février-mars prochain. Dans tous les cas de figure, les OS sont montées au créneau, demandant à leurs entreprises si elles comptaient ouvrir ou rouvrir des négociations, donner une prime de fin d’année, une augmentation générale ou un intéressement, mais il leur a bien souvent été rétorqué que dans l’attente de véritables annonces détaillées, tout ceci était prématuré.

Actuellement, tout est encore en stand-by, et les salariés n’ont pas encore porté de réelles revendications, mais cela pourrait changer très vite… Les dirigeants et les managers opérationnels ne sentent pas pour l’instant d’exaspération, de demandes pressantes, de tensions particulières, mais la question se pose, et ils auront probablement bientôt fort à faire. Ils se retrouveront pour certains, dans les deux mois qui viennent, avec les négociations salariales obligatoires, et ils seront dans ce cadre en relation avec les équipes, qui devraient attendre beaucoup d’eux.

Concernant la prime de fin d’année défiscalisée, la question se pose dès maintenant, de nombreux salariés étant aujourd’hui en attente de réponses à propos de cette rémunération exceptionnelle…

 

Comment les managers peuvent et pourront-ils répondre aux revendications de leurs collaborateurs ?

Ils peuvent d’ores et déjà répondre qu’à côté des annonces du gouvernement, l’entreprise a sa propre politique, son propre système de négociation avec les OS, et que la question se posera en février-mars 2019. Aujourd’hui, les managers entendent, prennent note, et essaient de renvoyer les salariés à la réalité, qui est que les négociations salariales annuelles seront l’occasion de faire des propositions. Bientôt, ils devront probablement faire face à des revendications plus concrètes. Dans tous les cas, le plus important pour les managers est d’instaurer et d’entretenir un dialogue constructif. On attend surtout d’eux qu’ils soient à l’écoute, et surtout pas dans une posture de rejet.

Le manager ne doit ainsi pas être catégorique et dire par exemple que « ce n’est pas le sujet », que « ce n’est pas son problème », que cela ne « concerne pas » l’entreprise. Il doit écouter, interroger, recueillir l’avis des salariés, être attentif à leurs émotions… tout cela dans une posture d’empathie constante. Tous les chefs d’équipe ont plus ou moins été formés à cela : par définition, le manager doit écouter, entendre, accepter, comprendre, puis informer les collaborateurs de ce qui est prévu dans l’organisation, leur préciser le cadre légal – les négociations obligatoires du printemps prochain, en particulier. Il peut aussi faire remonter des choses à sa DRH s’il sent que la tension monte ou que des propositions peuvent être enrichissantes, afin de permettre à la direction de réfléchir éventuellement à une nouvelle politique salariale.

A propos de la prime de fin d’année, dans l’immédiat, le manager a intérêt à se rapprocher de sa direction, afin de connaître la position officielle de l’entreprise, et de pouvoir la communiquer à ses collaborateurs. Sur ce sujet, il ne doit surtout pas prendre d’initiatives personnelles : il doit s’assurer de ce qu’il est habilité à dire ou pas, afin de ne pas se mettre en danger. Il a le droit d’avoir son opinion personnelle sur le sujet, mais en tant que chef d’équipe, s’il est assailli de questions par des salariés empressés, pas question de leur répondre sans connaître l’argumentaire de la direction.

 

En cas de tensions, comment le manager peut-il les apaiser au sein de son équipe ?

Le rôle du manager, c’est encore une fois d’écouter, d’accorder de l’intérêt, d’être authentique, de discuter. En cas de conflit interne, il doit aussi essayer d’expliquer, de donner du sens, mais sans prendre position, car la politique salariale n’est pas de son ressort. Le manager doit donc rester en écoute, sans montrer de positions cassantes ou rudes (même s’il a le droit d’avoir son avis sur le sujet).

Si la tension ne baisse pas, il ne doit pas avoir honte de repousser le sujet en se retranchant derrière les obligations légales de l’organisation – à savoir les négociations entre OS et direction. Car calmer le jeu n’est pas l’une de ses missions particulières. Sans être délégué syndical, le manager est finalement un porte-parole : il fait remonter les préoccupations, car on attend de lui qu’il soit à l’écoute de sa troupe, et qu’il soit capable de parler des inquiétudes potentielles et des ressentis de son équipe à sa hiérarchie, sans essayer d’atténuer les choses.

En règle générale, au-delà de l’actualité, le sujet des salaires est devenu sensible dans les entreprises, et les managers seront amenés de plus en plus à y faire face, dans une discussion sereine avec leurs collaborateurs, qui attendent davantage de reconnaissance. Les chefs d’équipe sont ainsi de plus en plus amenés à expliquer, argumenter, dialoguer et apporter des éléments de réponse… Les salariés attendent même d’eux qu’ils alimentent le débat, ce qui est compliqué : ils ne peuvent ni se taire, ni donner clairement leur avis, car leur parole fait autorité. Ce sont des référents de la parole, des « capitaines », des leaders de proximité vers qui les collaborateurs vont se tourner pour avoir un (bon) son de cloche. Ils ont le recul, l’écoute, et on attend d’eux qu’ils posent les choses, les régulent, dans un contexte où les informations circulent tous azimuts, où la parole est aujourd’hui très versatile.

Mais le manager ne doit pas oublier qu’il doit accomplir ces différentes missions (formelles ou informelles) avec bienveillance, en respectant ses collaborateurs, en les soutenant et en cherchant à les (re)motiver, collectivement et individuellement.

 

 

Ajouter un commentaire

Votre adresse IP ne sera pas collectée Vous pouvez renseigner votre prénom ou votre pseudo si vous êtes un humain. (Votre commentaire sera soumis à une modération)