Organiser un team building pour souder les équipes et inviter les salariés à se surpasser part d’un bon sentiment, mais attention à ne pas compromettre leur sécurité et leur santé. Le licenciement d’un manager d’Airbus en octobre dernier pour avoir incité ses collaborateurs à marcher sur du verre brisé illustre bien l’obligation de sécurité auxquels tout salarié est soumis.
Souder ses équipes grâce à un “team building” et les pousser à se surpasser à travers des activités originales n’est pas interdit par la loi. Mais encore faut-il que la santé des autres salariés et leur sécurité ne soient pas compromises. En octobre dernier, un cadre d’Airbus l’a appris à ses dépends, quand la cour de cassation a donné raison à son employeur pour l’avoir licencié, après avoir fait marcher des salariés sur du verre pilé.
L’affaire remonte à fin 2014. Pour créer un esprit d’équipe, le manager organise un “stage de motivation” en Allemagne, et a une idée pour le moins originale : faire casser par ses salariés des bouteilles enroulées dans du tissu, avant de marcher pieds nus sur les morceaux de verre. Tous ses collaborateurs l’ont fait, sauf un, qui est “sorti de la salle en larmes”, puis a été sommé d’expliquer en public les raisons de son refus, à savoir qu’il était “porteur d’une pathologie”.
Craignant des représailles de son manager pour s’être désolidarisé du groupe, mais aussi d’être “ostracisé” par ses collègues, le salarié s’adresse dès le lendemain au médecin du travail. Après enquête menée auprès des autres collaborateurs, qui ont révélé “que si l’activité était basée sur le volontariat, certains ont estimé devoir être obligés de participer sous la pression du groupe et qu’il était évident qu’il y avait des risques de coupures”, l’employeur a licencié début 2015 le cadre en charge du team building, pour faute grave.
Le manager, qui s’est ensuite défendu en précisant que cette expérience sans danger n’était pas contrainte, a alors saisi les juges, estimant que son licenciement n’était pas justifié, contestant une sanction “sans cause réelle et sérieuse”. Le cadre estimait n’avoir fait que suivre les instructions de son employeur en organisant ce team building avec l’aide d’un “prestataire référencé” par lui. “L’employeur qui exige du salarié qu’il supervise une activité à risque ne peut lui reprocher la réalisation de ce risque dans le cadre de cette activité organisée dans les conditions qu’il a imposées”, indiquait-il à la cour de cassation.
L’inaction, “un manquement aux obligations en matière de sécurité”
Le 23 octobre 2019, le tribunal a finalement reconnu qu’en effet, “le salarié n’a fait que se conformer aux instructions de son employeur”, mais que sa faute consistait à “ne pas être intervenu durant le stage pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, en méconnaissance de ses obligations”. En effet, selon l’article L. 4122-1 du Code du travail, “il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.”
Selon la cour de cassation, “au regard des événements qui se sont déroulés lors de la troisième partie du ‘Team Booster’, et en particulier vu l’état de mal-être vécu par son collaborateur”, le cadre licencié “aurait dû arrêter immédiatement l’activité”. Ainsi, “son inaction constitue un manquement à ses obligations en matière de sécurité et de santé”, ceci constituant une faute grave “rendant impossible son maintien dans l’entreprise”.
La justice rappelle ainsi qu’il incombe à chaque salarié (cadre ou non) de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ; ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes au travail.