Dans Néantreprise, Marc Estat, ancien cadre dirigeant dans une grande société, dépeint sans langue de bois les absurdités hiérarchiques qu’il a pu observer, amenant parfois à la démotivation : consultants “brasseurs de vent”, piloteurs de réunions, ressources humaines zombiesque, jeunes ingénieurs ingénus, secrétaires acariâtres… Tout y passe. L’auteur, qui est aujourd’hui en poste à la direction générale d’une nouvelle entreprise*, revient sur ce qui l’a poussé à entreprendre un tel projet littéraire.
Pourquoi utiliser le terme de néanentreprise ?
C’est un jeu de mot. On parle beaucoup de résultats dans les entreprises. Je voulais m’axer sur ce qui est l’inverse des résultats, toutes les pertes qu’il y a dans le travail actuel. D’où le terme de néant qui me semblait approprié.
Qu’entendez-vous par le terme de ‘pertes’ ?
Toutes sorte de pertes, notamment de temps. À l’heure actuelle, ce que je constate, c’est que l’on passe une grande partie de son travail à des tâches inutiles, voire contre-productives. Et cela participe grandement à la perte de sens que les gens perçoivent de leur travail actuel. En cause notamment, le ‘processussage’ de la moindre tâche. Comme dans les métiers de l’industrie, où l’on passe beaucoup de temps à réfléchir comment travailler en sécurité.
Pourquoi avoir entrepris la rédaction ce livre ?
Je ne cherchais pas à pointer quoi que ce soit. Au départ, c’était plus cathartique, un journal de bord. Car quand on est dans le monde du travail, on ne se rend pas compte de l’absurdité de certaines situations. En revanche, prendre le temps de les mettre sur papier permet de prendre du recul. À noter que tout ce qui est présent dans le livre est vrai, je n’ai rien inventé. Certaines des situations ont été un peu modifiées car je ne voulais pas que l’on me reconnaisse ou que l’on identifie des collaborateurs.
Quel impact pensez-vous que ce livre puisse avoir ?
Je n’ai pas la prétention d’avoir un impact quelconque sur le monde du travail.Mais des retours que j’ai pu avoir des personnes qui ont été dans ma situation, ça les soulage beaucoup de lire un livre comme le mien. Cela leur permet de prendre du recul.
Quelle vision avez-vous de l’entreprise d’aujourd’hui ?
Je ne peux parler que des grosses sociétés mais je pense qu’elles ont perdu totalement les relations humaines. Le travail est complètement taylorisé, notamment dans les fonctions de cadres qui ne font plus que des petit morceaux des processus, de fonction. Donc garder sa motivation est assez difficile. À titre personnel, j’essaie de mettre en place des styles de management différents, basés sur les relation humaines qui soient sans hypocrisie. J’essaie également de ne pas mettre des processus figés et de garder le contact de terrain avec mes équipes. Typiquement, je ne fais pas de réunions. Si j’ai quelque chose à dire ou à faire, je le fais tout de suite avec mes collaborateurs. Et ça fonctionne plutôt bien.
* L’auteur préfère garder l’anonymat tant sur son ancienne que sur sa nouvelle activité.
Néantreprise. Dans votre bureau personne ne vous entend crier,
304 pages, sortie le 17 mars (ed. Favre), 20 euros.