Entreprise

Mesurer l’efficacité de votre modèle hybride, c’est possible ! 

Le travail hybride a suscité de vifs débats depuis 2020. Malgré les nombreux conseils prodigués pour trouver les meilleures pratiques en matière de management et d'organisation, après quatre ans d'exploration, il reste encore difficile d'ériger des modèles efficaces. Sur quoi les entreprises butent-elles ? Comment améliorer son management hybride sans céder au retour systématique au bureau ?

En 2023, 33% des salariés français pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine, contre seulement 25 % en 2017. Beaucoup d’organisations ont adopté le travail hybride, d’abord contraintes par le contexte sanitaire, puis en réponse aux attentes des collaborateurs. « Le télétravail est aujourd’hui un facteur d’hygiène – au sens de Herzberg – c’est-à-dire un élément répondant aux besoins primaires des individus. Ce n’est pas un levier de motivation », explique Emmanuelle Léon, Professeure associée de management à l’ESCP Business School et directrice scientifique de la chaire “Reinventing work”. Ce constat signifie que l’on peut difficilement revenir en arrière. En effet, environ 47 % des entreprises françaises ont intégré une part de distanciel à leur fonctionnement. Néanmoins, le pilotage de l’hybride est loin d’être à son acmé : « Gabrielle Halpern, philosophe experte en hybridation, utilise l’analogie du Centaure pour imager ce qu’est l’hybridation, la vraie. Or, la majorité des entreprises est restée au stade de la juxtaposition des modalités de travail : elles ont mis en place du télétravail qu’elles adossent au présentiel, sans changement notoire », souligne Nathanaël Mathieu, directeur recherche et culture chez Worklib. 

Travail hybride : 3 angles morts auxquels s’attaquer

  • Quand l’Individualisation tourne à l’individualisme 

« L’individualisation du travail offerte par le distanciel – qui est une grande avancée – s’est transformée en individualisme », alerte Nathanaël Mathieu. Selon lui, le confort personnel a pris le pas sur l’intérêt collectif, ce qui affecte l’entreprise en tant que système : « Replacer la performance collective en tête des priorités est essentiel, et la réponse ne réside pas dans un retour massif au bureau ! »

  • Non, le manager n’est pas le Deus ex machina du mode hybride 

Selon Emmanuelle Léon, il faut arrêter de stigmatiser les managers : « On leur demande de manager dans la confiance, de laisser de l’autonomie, de déléguer… Mais ont-ils les moyens nécessaires pour le faire ? Sans un support organisationnel adéquat, ça reste des incantations. » L’approche hybride doit être envisagée de manière systémique : l’organisation est-elle conçue pour faciliter le management à distance ? Qu’en est-il des infrastructures telles que les espaces de travail et les systèmes d’information ? De même, les processus RH ont-ils été conçus pour gérer les carrières à distance ?

  • Au-delà des modalités, revenons au fond 

L’approche hybride a permis de mettre en lumière certains dysfonctionnements poursuit Emmanuelle Léon : « Le travail à distance agit comme un coup de projecteur sur certains mécanismes lacunaires : par exemple, si les réunions étaient mal gérées en présentiel, cela sera encore plus problématique à distance. » Ceci incite les entreprises à examiner leur culture organisationnelle, ainsi que les facteurs déterminants de la performance et de l’innovation, au-delà des modalités de travail : « Nous constatons que la présence physique n’est pas fondamentale. En revanche, l’atmosphère de la rencontre l’est, notamment, l’assurance d’une sécurité psychologique. »

“Hybrid Index” : cartographier ses zones d’amélioration   

Comment améliorer son fonctionnement hybride ? Par où commencer ? « Les entreprises ont conscience qu’elles peuvent améliorer leur approche du télétravail… mais souvent, elles ne savent pas par où commencer, car c’est une notion complexe qui englobe de multiples dimensions qu’il faut rendre plus tangibles  », explique Nathanaël Mathieu. Au sein du centre de recherche Worklib, ce dernier a développé « l’Hybrid Index », un outil permettant d’évaluer la maturité hybride des entreprises et de leur attribuer un score. À travers une quarantaine de questions portant sur trois composantes du travail hybride – l’environnement de travail, l’organisation du travail et les interactions sociales – les entreprises obtiennent un résumé des domaines sur lesquels agir en priorité.

« Ce questionnaire peut être rempli individuellement ou collectivement, impliquant différentes parties prenantes telles que les équipes RH ou le COMEX, poursuit-il. L’objectif est d’identifier les points de divergence et de concentrer les efforts pour lancer des changements utiles. » Après une première phase de test menée auprès d’un panel très diversifié d’organisations, Nathanaël Mathieu a pu mettre en évidence deux grands déficits communs : le manque d’accompagnement du management et la nécessité d’instaurer des rituels visant à maintenir la cohésion inter et intra-équipe.

Trois axes communs pour remodeler son approche hybride 

  • Revoir la taille des équipes 

Selon Emmanuelle Léon, la taille des équipes revêt une importance capitale pour garantir un pilotage hybride optimal : « Dans les équipes interdépendantes, il est essentiel de ne pas dépasser 7 à 10 membres, sinon le management devient impossible et inefficace. » L’objectif est de faciliter les moments de coordination afin de soulager la charge du manager.

  • Mettre à jour les référentiels de management 

« Pendant longtemps, le charisme était valorisé dans les modèles de leadership. À distance, les attentes sont différentes. Lors de ma thèse sur le management à distance, menée  au début des années 2000, deux compétences managériales ressortaient déjà : la disponibilité et la réactivité », souligne Emmanuelle Léon. Les programmes de formation en management pourraient accorder davantage d’importance à ces deux aptitudes afin de les retranscrire dans les actions managériales du quotidien. 

  • Sanctuariser des rituels présentiels 

Au sein de Worklib, Nathanaël Mathieu a travaillé sur les moments d’équipe en présentiel. L’approche adoptée consiste à partir des rituels comme centre de gravité pour, ensuite, établir une organisation hybride plus responsabilisante : « Nous avons abandonné le modèle classique qui impose un nombre de jours de télétravail. Nous avons plutôt adopté une démarche où, collectivement, l’équipe décide des jours en présentiel, des temps sanctuarisés qui sont non négociables puisque tous s’engage à être présents. Le reste des jours, chacun est libre d’organiser son travail comme il le souhaite. » Ce type d’engagement réciproque peut être formalisé via une charte, par exemple.  

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