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Michelin appelle à une « révolution managériale » en réponse à un « monde complexe »

Lors d'un point presse à Clermont-Ferrand la semaine dernière, l'ensemble du Top Management de Michelin a évoqué la nécessité de mettre en place de nouvelles pratiques managériales pour répondre aux crises décisives du XXIème siècle. Jean-Claude Pats, DRH, Lorraine Frega, directrice de la stratégie et du développement durable, et encore Pierre-Louis Dubourdeau, directeur des manufactures industrielles, ont exposé des actions à entreprendre pour y arriver collectivement.

Si jusqu’à présent le pouvoir c’était le savoir, il semblerait que l’ère du manager-sachant soit révolue. « Le manager qui savait tout grâce à son expérience n’existe plus. Le monde est devenu trop complexe, trop instable. L’intelligence collective est fondamentale pour dépasser les crises », a affirmé Jean-Claude Pats, DRH de Michelin, lors d’un point presse à Clermont-Ferrand, son siège historique, la semaine dernière.

Depuis le début du XXIème siècle, les crises – économique, géopolitique, sanitaire – se multiplient, s’enchaînent, voire se superposent. « Nous vivons une mutation très profonde dans un monde crisogène et hyperconcurrentiel. Les changements de cap sont difficiles à prévoir. Le rapport au travail a aussi grandement évolué. L’entreprise est un corps vivant qui doit s’adapter pour répondre aux enjeux de son temps », a indiqué par ailleurs Lorraine Frega, directrice de la stratégie et du développement durable.

Pour ce faire, le groupe industriel entend être précurseur – comme il l’a déjà été par le passé sur des questions sociales – en impulsant une nouvelle dynamique managériale. « Le meilleur manager n’est plus celui qui dispose des meilleures compétences techniques, mais celui qui est doté d’une véritable fibre humaine. C’est au manager d’identifier ces profils », a exprimé à son tour Pierre-Louis Dubourdeau, directeur des manufactures industrielles. Les qualités relationnelles attendues pour être à la tête d’une équipe – aux âges, personnalités et compétences variées – sont d’un nouvel ordre : « Le manager doit être proche de ses collaborateurs, tout en leur laissant de l’autonomie et en les responsabilisant. Cette relation de confiance est un équilibre à trouver », a-t-il souligné.

Fin du management toxique

Afin de tendre vers cette relation de confiance, l’un des axes prioritaires est de mettre fin au management toxique (harcèlement moral, sexisme, etc.) répandu dans de nombreuses organisations. Fin 2021, le groupe Michelin a déployé à l’échelle mondiale le « Programme Integrity ». Depuis son lancement : 2 233 alertes ont été enregistrées ; 674 ont débouché sur une enquête ; 601 actions ont été engagées ; et 191 mesures disciplinaires ont été appliquées. L’objectif est de transformer l’entreprise en « safe place » (« endroit sécurisant ») afin que chacun puisse « trouver sa place et exprimer ses opinions », a expliqué Jean-Claude Pats. Désormais, les managers sont évalués anonymement par leurs équipes sur la qualité de leur management. En 2019, 79 % des salariés déclaraient que leur manager se « souciait d’eux en tant que personne ». Un chiffre qui a grimpé à 83 % en 2023. Si cette initiative porte ses fruits, elle a vocation à être renforcée ces prochaines années au sein du groupe. « Un quart de nos managers (soit 1600 managers, ndlr) ont encore des progrès à faire en la matière », a reconnu le DRH du géant de pneumatiques.

Des équipes apprenantes

L’instauration progressive d’un tel climat modifie les équipes – historiquement dirigées par un chef – en équipes apprenantes, avec des collaborateurs autonomes et en mesure de se développer. « Nous ne voulons pas des suiveurs, nous voulons des leaders », a ajouté Pierre-Louis Dubourdeau. Conséquence ? « Le manager doit apprendre à exister sans être au centre de l’équipe. Cela nécessite d’être suffisamment mature et d’avoir confiance en soi pour lâcher prise. Le manager continuera à prendre soin des équipes, à accompagner les individus et le collectif, tout en étant exigeant pour générer de la performance. »

Co-construire avec les collaborateurs

Cette libération de l’esprit et de la parole permet notamment à l’entreprise d’entrer dans une ère de co-construction entre le manager et ses équipes. « La co-construction est la seule voie raisonnable dans un monde aussi complexe qu’aujourd’hui », a réaffirmé Pierre-Alexandre Anstett, directeur du personnel France et Europe du Sud. « Le décideur a besoin de percevoir une situation dans sa globalité ». Mais pour cela, il doit avoir « la sagesse de reconnaître qu’il ne sait pas tout et que la complexité n’est pas accessible à un individu seul ». Pierre-Alexandre Anstett a ainsi suggéré « d’associer les parties prenantes concernées à la conception et à la réalisation d’un projet : du diagnostic de la situation aux solutions apportées. »

Et si la décision finale ne fait pas l’unanimité – ce n’est pas l’objectif recherché -, le choix du dirigeant sera « plus éclairé grâce à l’intelligence collective », a-t-il insisté. « Le manager peut faire preuve de transparence auprès des collaborateurs en expliquant pourquoi la décision prise ne correspond pas tout à fait aux discussions menées en amont, et rappeler qu’elle a pu émerger grâce à ces échanges », a détaillé le directeur du personnel France. Ce dernier alerte toutefois sur un point : « Si les dirigeants ne sont pas prêts à véritablement changer les choses, ce n’est pas la peine d’entamer des discussions avec les équipes. Car si les échanges n’aboutissent pas, cela va accroître la perte de confiance. La démarche doit être sincère. »

Susciter plus d’engagement

Michelin fait donc le pari que la sollicitation des équipes dans l’évolution du projet d’entreprise sera une réponse au recul de l’engagement observé dans de nombreuses entreprises. « C’est un défi critique. Le rôle de l’entreprise n’a jamais été aussi questionné par les salariés. Aujourd’hui, les informations circulent plus et plus vite. La méfiance est grande. A travers cette révolution managériale, nous voulons atteindre un taux d’engagement de 85 % d’ici à 2030 », a terminé le DRH du groupe, Jean-Claude Pats.

Pour rappel, mercredi dernier, le président de Michelin, Florent Menegaux, a déclaré que « le smic n'(était) pas un salaire décent ». Jugé insuffisant pour répondre aux besoins du quotidien et à la nécessité d’épargner par précaution, aucun salarié du groupe industriel ne touche ce niveau de rémunération. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a aussitôt réagi en indiquant sur X (anciennement Twitter) qu’il « (saluait) cette prise de position » car la « question des salaires (était) décisive. »

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