Depuis qu’une chemise déchirée a fait la une de la presse, beaucoup considèrent que le dialogue social est définitivement en panne. Pourtant, en 3 ans, le législateur a multiplié les textes pour lui redonner du souffle : il appartient donc aux DRH de s’en emparer pour une véritable modernisation des pratiques. Par Sébastien Vernède, chef de projet social transformation de Kurt Salmon RH-Management.
Des postures inchangées depuis des années
En 2014, près de 37 000 accords ont été signés dans les entreprises et les branches. Un chiffre bien éloigné du cliché d’une France hostile et immobile, incapable de négocier. Au contraire, dans beaucoup d’entreprises, les plus grandes en particulier, le dialogue social fonctionne avec des acteurs, des pratiques et des postures inchangées depuis des années, tant du côté des organisations syndicales que des DRH. Ce statut quo se traduit par un décalage croissant des relations sociales avec les attentes des collaborateurs, un taux de syndicalisation en chute libre (il a été divisé par 4 depuis 60 ans et se rapproche aujourd’hui de 7 %), et par un vieillissement significatif des élus, hommes et femmes de terrain, formant le cœur de l’action syndicale.
Les nouveautés, vues comme des obligations
Les lois Rebsamen, Macron et désormais le projet de loi sur le travail, porté par Myriam El Khomri, sont autant d’initiatives qui misent sur les partenaires sociaux dans l’entreprise. La réaction majoritaire des DRH à ces nouveautés ? Des obligations supplémentaires auxquelles il faut bien se plier. La base de données économiques et sociales (BDES) ? Une plate-forme en ligne a minima pour déposer des fichiers. La consultation annuelle sur les orientations stratégiques ? Un PowerPoint de plus à présenter en Comité d’Entreprise.
Les questions à se poser
Depuis quelques mois, un certain frémissement anime quelques directeurs des ressources humaines qui réfléchissent à la meilleure façon d’investir ces nouveautés pour réellement faire progresser la qualité du dialogue social. Comment redonner du sens à ces réunions, ces consultations, ces négociations pour des salariés qui n’y comprennent plus grand-chose, et des dirigeants qui n’y croient plus vraiment ? Comment partager les enjeux de l’entreprise, la stratégie, l’évolution des métiers et des organisations entre interlocuteurs adultes et responsables ? Comment sortir des oppositions dogmatiques entre parties ?
Remettre les salariés au centre
Un exemple de piste pour y répondre : remettre les salariés au centre des débats au travers de démarches participatives en amont et en aval de chaque consultation majeure. La loi Rebsamen en a justement simplifié le calendrier, il n’y en aura désormais plus que trois : orientations stratégiques ; situation économique et financière de l’entreprise ; politique sociale, conditions de travail et emploi.
Solution concrète
Une action très simple à mettre en œuvre est de solliciter la contribution de l’ensemble des salariés en amont de ces consultations au travers d’un questionnaire en ligne, et ainsi recueillir leurs interrogations, leurs attentes voire leurs inquiétudes sur les sujets à l’ordre du jour. Ce questionnaire peut être construit avec les représentants du personnel pour écarter toute suspicion de contournement des corps intermédiaires. Ainsi, les salariés sont informés du calendrier du dialogue social, les débats en séance peuvent être structurés autour des préoccupations réelles des collaborateurs, et la direction, comme les instances représentatives du personnel sont mis en responsabilité sur la prise en compte des attentes exprimées.
Un exercice quotidien
Au-delà de cet exemple, la modernisation du dialogue social ne passera pas uniquement par les grandes conférences sociales, mais bien par son exercice quotidien dans les entreprises. Le législateur a ouvert de nombreuses portes, c’est désormais aux DRH d’en franchir le seuil en s’emparant de ces opportunités !