Alors que vous êtes le manager d’une équipe, vos collaborateurs outrepassent parfois l’organisation hiérarchique pour s’adresser directement au directeur de votre entreprise ou à votre supérieur. Même si la structure est plutôt petite, il est important de poser des règles et de les faire respecter pour maintenir le bon fonctionnement général. Mais ce sera à votre supérieur de remettre les choses en place.
À l’heure de l’entreprise libérée, de la participation collaborative, et de l’horizontalisation des rapports hiérarchiques, il ne semble pas si grave que, de temps en temps, un collaborateur contacte directement le directeur de son entreprise sans passer par son manager direct. Histoire d’aller plus vite. Le “mystère du chef” disparaît avec le partage entre les équipes, beaucoup plus présent qu’avant.
Cette tendance est accentuée par le recours aux e-mails qui rendent encore plus rapide et simple la communication entre personnes d’une même entreprise, quel que soit le positionnement de chacun. “La notion de hiérarchie paraît de moins en moins légitime aux yeux des salariés, avance Isabelle Barth, directrice générale de l’EM Strasbourg. Le fait est qu’on observe un aplatissement des organigrammes depuis 20 ans, mais la hiérarchie existe encore, au moins culturellement. Court-circuiter son supérieur pose d’énormes problèmes de légitimité managériale.”
Perte globale de gain
Mais outre les conséquences que cela peut avoir sur la bonne marche de l’entreprise, la remise en cause de l’ordre hiérarchique dénote déjà que la confiance est brisée entre collaborateur et manager. “Lorsque ce phénomène se produit, cela traduit un manque de communication évident dans l’entreprise. C’est faire comme si le manager n’existait pas”, ajoute Philippe Santini, Partner chez Visconti Coaching. Pour Isabelle Barth, le problème, c’est que le phénomène risque de s’amplifier. “Cela neutralise l’organisation de l’entreprise et peut engendrer une perte globale de gain. Sur un même projet, certains seront au courant, mais pas forcément tout le monde. Les collaborateurs vont agir comme si le chef de projet était au courant alors que non… On risque de tomber dans la cacophonie, et de dégrader la valeur globale de ce qui est fait.” Même dans les petites entreprises, plus de souplesse n’est pas forcément mieux dans ce sens-là. Selon Isabelle Barth, le fait d’outrepasser la hiérarchie fait entrer les relations dans le bilatéral. “Ce sont des questions de rapports de force qui sont alors en jeu. Les gens essaient de prendre des bouts de pouvoir de cette manière. Ce sera une victoire mais à la Pyrrhus. Quand on sort de la règle, on tombe dans l’arrangement personnel, dans le fait du prince. Celui qu’on aime bien obtiendra son mercredi après-midi, l’autre non. Ce n’est plus du management, soit de la règle et de l’humain. Ne se contenter que de la règle, cela mène à de la bureaucratie, mais il en faut quand même.” C’est un équilibre à tenir au jour le jour.
Règles communes
Mais alors comment faire ? Malheureusement, le manager lui-même ne peut pas grand chose. “Si plusieurs personnes court-circuitent le manager, c’est peut-être qu’il n’est pas à sa place, estime Philippe Santini. Il y a un problème de compétences. Ce sera au n + 2 de trancher.” Mais même si ce n’est pas un problème de manager, la remise à l’ordre des choses doit venir du supérieur hiérarchique. “Le management le plus haut doit refuser cette manière de fonctionner, estime Isabelle Barth. Il doit rappeler au collaborateur qu’il doit prendre contact d’abord avec son manager avant de s’adresser à lui directement.” Selon la directrice de l’EM Strasbourg, le mieux est de fonctionner selon la création de règles communes et opposables à tout le monde. Par exemple, fixer des horaires de 9 heures à 17 heures, avec une marge de manœuvre pour ceux qui veulent arriver un peu avant ou après. “Ce fonctionnement repose la hiérarchie intermédiaire car elle aura des éléments sur lesquels s’appuyer. Mais il faut que la décision vienne d’en haut”, précise encore Isabelle Barth. Le pilotage d’un projet doit revenir à une seule personne qui sert de référent. Le supérieur doit recadrer les choses pour que le manager centralise les demandes et remarques. Cela vaut aussi bien en ce qui concerne l’organisation de projets que pour les demandes personnelles des collaborateurs.
Ami de tout le monde
À cette fonction de pilotage s’ajoute celle de la synchronisation. Il faut que les gens soient informés par une base qui est identifiée. Le manager doit jouer ce rôle. Or, si les collaborateurs se tiennent au courant mutuellement sans organisation et de façon informelle, il est possible que certains ratent l’information. Pour se dédouaner de ce court-circuitage, il peut paraître très commode de recourir à la mise en copie d’e-mails. “Il est aussi très facile de répondre à tous, l’air de rien, en prétextant une erreur par la suite”, souligne Isabelle Barth. Même dans ces cas-là, le mieux est de rappeler les règles pour éviter les débordements. “Dans l’envoie d’e-mail, il est important de regarder qui est le destinataire. Si le manager est le destinataire, et le supérieur en copie, c’est dans l’ordre des choses mais cela remet quand même en cause la confiance que lui adresse le collaborateur. En revanche, s’il n’est qu’en copie, cela ne lui est adressé que pour sa bonne information. Cela revient au même que de le court-circuiter.”
Enfin, au-delà des relations intra-entreprise ou liées à la vie même à l’intérieur des locaux, le court-circuitage du manager peut prendre des formes beaucoup plus floues. “Avec les réseaux sociaux, tout le monde peut devenir l’ami de tout le monde, rappelle Isabelle Barth. Mais il y a d’autres points de rencontre plus informels tels que le club de gym, par exemple, ou quand les enfants d’un salarié occupent la même école que ceux du patron.” Dans ce cas de figure encore, le supérieur devra dire au collaborateur de s’en remettre d’abord au manager s’il a une demande à lui faire. Mais on ne peut pas non plus empêcher les gens de vivre…