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Nouvelles manières de travailler : et si on s’inspirait du secteur public ?

L'innovation semble souvent être l'apanage du secteur privé. Or, le secteur public émerge comme un terrain fertile pour des avancées significatives en matière d'organisation et de gestion du travail. De plus en plus, les administrations publiques adoptent des approches novatrices pour repenser leurs modèles managériaux, processus RH et, plus largement, l’expérience collaborateur. Zoom sur quatre organisations innovantes qui osent bousculer la gouvernance établie.

Proposer une expérience collaborateur personnalisée à la CNAV 

En réponse aux mutations du monde professionnel, la Caisse nationale d’assurance vieillesse innove depuis dix ans dans la personnalisation du temps de travail. En effet, l’organisme public a été pionnier dans les dispositifs de télétravail et de flexibilité avec deux accords collectifs historiques signés en 2014 puis 2018. « Nous comptons plus de 140 métiers différents : il était important d’adapter le travail aux besoins individuels plutôt que d’appliquer un cadre général. Nous avons mené ce changement culturel et organisationnel par étapes avec un dialogue social soutenu, garantissant la prise en compte des demandes salariales », explique Jérôme Friteau, Directeur des relations humaines et de la transformation. Après la crise sanitaire, l’offre de télétravail prend de l’ampleur avec un volet plus inclusif : « L’environnement de travail doit adresser la multiplicité des situations individuelles telles que la parentalité, l’aidance ou la seniorité avec des jours de télétravail en plus (3 par semaine), 100 jours par an étant déjà attribués aux salariés éligibles. » D’autres mesures enrichissent cette flexibilité, telles que l’accès au forfait jour attribué à tous les managers et experts (220), encourageant ainsi un management par la confiance. Mais aussi la semaine de 4 jours, dont l’expérimentation, débutée en 2023, a été généralisée à l’ensemble des métiers de la CNAV. « Je suis convaincu que le futur du travail réside dans la subtilité et le sur-mesure des dispositifs organisationnels… tout en conservant notre mission historique de service public », souligne Jérôme Friteau.

Insuffler de l’innovation à la Caf du Rhône grâce à l’EspasLab

En octobre 2023, la Caisse d’Allocations Familiales (Caf) du Rhône a démarré ses travaux à l’EspasLab, un lieu collaboratif visant à insuffler de l’innovation à tous les niveaux. Cette initiative s’inscrit dans une transformation de l’organisme public afin de renforcer la fierté d’appartenance des salariés, de les rendre acteurs des mutations actuelles et, à terme, d’associer davantage les usagers. L’EspasLab est un carrefour ouvert où des facilitateurs ont été identifiés et formés pour animer des ateliers collaboratifs et soutenir des projets. « Un éventail d’événements a été organisé : une contribution à l’écriture du schéma directeur des ressources humaines de la branche famille animée par le CafLab (Paris), un atelier pour faire le bilan de l’année 2023 et se projeter sur 2024 ou encore des ateliers fondés sur des méthodes collaboratives », explique Agnès Faure, sous-directrice en charge de la stratégie, du pilotage et de l’innovation. Par ailleurs, la Caf accompagne ses managers dont les missions évoluent : « Nous travaillons autour de 5 postures managériales : pilote, coach, attentionné, accompagnateur du changement et favorisant l’innovation. À ce titre, un guide du manager a été rédigé et un parcours de formation est en cours d’élaboration. De même, un kit managérial est en co-construction au sein du lab pour appréhender les irritants au sein des équipes. Des ateliers de codéveloppement sont aussi proposés ainsi que des conférences et du partage de bonnes pratiques. »

Recruter de manière plus inclusive à La Maison Métropolitaine d’Insertion pour l’Emploi 

Maxime Bontemps, RRH et manager à La Maison Métropolitaine d’Insertion pour l’Emploi, basée à Lyon, a mis en place le recrutement sans CV : « Nous avions deux enjeux : aligner nos propres processus sur notre mission d’inclusion et attirer plus de candidats en accord avec notre culture ». L’approche se veut axée sur les compétences, la personnalité et le potentiel des candidats. Quant au processus, la diffusion des offres se fait soit via des plateformes classiques telles que l’APEC et France Travail, sans solliciter de CV, soit par un post LinkedIn qui renvoie – dans les deux cas – vers un questionnaire. « Les questions visent à éliminer les biais cognitifs et à évaluer les compétences ainsi que les motivations des candidats, indépendamment du diplôme ou de leurs expériences antérieures. » Les personnes sélectionnées ont ensuite deux entretiens à passer. Le premier consiste en un échange téléphonique avant de rencontrer conjointement le responsable des ressources humaines et le manager du département concerné. « Cette configuration en tandem garantit une évaluation cohérente entre les différents interlocuteurs et le candidat tout au long du processus. » Ce changement exige une remise en question des pratiques de recrutement et managériales qu’il faut accompagner par la sensibilisation et la formation : « Cela prend du temps, il ne faut pas hésiter à tester pour identifier ce qui fonctionne le mieux », souligne Maxime Bontemps.

Transformer ses espaces de travail pour collaborer autrement à la Région Île-de-France

La Région Île-de-France a entrepris des innovations notoires autour de l’expérience collaborateur depuis 2016. L’élément déclencheur a été le déménagement du siège régional, lancé la même année. « Ce changement spatial a été l’opportunité de repenser l’organisation du travail, la modernisation de l’administration ainsi qu’une refonte du rôle des managers », explique Guillaume Aubin, directeur de l’expérience travail à la Région Île-De-France. En 2018, le siège flambant neuf adopte une configuration en open space, abolissant les bureaux statutaires et les postes de travail fermés. La transformation se poursuit : « L’introduction du télétravail puis, dans la foulée, du flex office, a enjoint les managers à collaborer autrement avec leurs équipes. » Ce changement culturel et organisationnel – qui s’inscrit sur un temps long – est porté, entre autres, par le Campus des Cadres : une université managériale proposant des formations, des conférences et des échanges avec des intervenants extérieurs. L’autre levier de changement majeur est l’incubateur interne situé au cœur des locaux. Une soixantaine start-ups à impact (RSE, handicap et sport) y développent leur projet avec le soutien des agents de la Région Île-de-France. Par capillarité, les équipes évoluent au contact de méthodes de travail plus agiles. « Ces initiatives contribuent à dynamiser l’espace de travail et à renforcer l’image de l’administration publique en tant qu’acteur majeur de l’innovation sociale et managériale », souligne Guillaume Aubin.

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