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Numérique : il y a moins de métiers pénuriques qu’on ne le croit

Tribune – Les entreprises le répètent à l’envi : recruter leurs nouveaux talents est un véritable casse-tête. Mais y-a-t-il véritablement autant de « métiers » pénuriques dans le digital ? Ces métiers sont-ils réellement tous nouveaux ? N’a-t-on pas plutôt affaire à une préférence pour les mêmes personnalités et profils, « rassurants » pour les organisations en période d’incertitude ? Par Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l’IT

Le numérique est loin d’être une nouveauté et Google fête déjà ses 20 ans ; pourtant, l’impression nous est donnée que des métiers, radicalement nouveaux ne cessent d’apparaître pour devenir aussitôt  indispensables aux entreprises. La conséquence en étant la suivante : elles se livrent aujourd’hui une véritable « guerre », renforçant l’effet de pénurie des talents que relaient régulièrement les classements des métiers « en tension » (data scientist, architectes cloud, digital marketing manager, etc.).

Une absence de nomenclature claire dans les métiers du digital

Ces classements de postes dits « en tension » ne sauraient être des repères pertinents car ils s’appuient uniquement sur des intitulés de fonction. Or, les intitulés changent et les fonctions évoluent. On retiendra l’exemple du CDO (à la réalité aussi diversifiée que les entreprises qui se le disputaient) dont le caractère indispensable est revu à la baisse aujourd’hui; ou bien encore, la fonction de Customer Success Manager dont le périmètre varie énormément d’une organisation à l’autre. N’oublions pas que le digital se distingue par une absence de nomenclature claire dans ses métiers et des classifications aux périmètres très divers. Ces « nomenclatures métiers » héritées d’autres secteurs sont peu adaptées au digital qui évolue constamment. Enfin, des intitulés différents peuvent aussi mobiliser des compétences identiques.

Il est donc plus important que jamais de privilégier les référentiels de compétences et de ne pas se laisser prendre au piège de l’intitulé à la mode, lequel recouvre souvent un socle de compétences existant en interne (ou chez plusieurs types de candidats).

Les entreprises recherchent toutes un même type de profil

La transformation digitale a induit un changement profond dans le rapport à l’activité et au business, fondé désormais sur l’incertitude et non plus sur la planification à moyen ou long terme (accélération des fusions-acquisitions, émergence de nouveaux acteurs, évolutions des attentes des clients, etc.). La volatilité des marchés, les bouleversements fréquents dans l’activité et l’incertitude qui pèse sur nombre de décisions appellent à une autre approche de l’organisation. C’est en cela que la tension existe. Toutes les entreprises se disputent les mêmes profils, qu’elles pensent préparés à relever leurs défis et surtout, jeunes ! (Moins de 40 ans !) Ce sont donc moins des métiers (ou des socles de compétences identiques) que des « personnalités » qui se trouvent aujourd’hui en tension.

Conscientes de la volatilité des candidats, comme de l’insécurité qui menace leur activité, les entreprises chassent en priorité les profils rassurants : ceux qui présentent toutes les apparences d’une capacité à s’adapter à des contextes déjà vécus dans une précédente fonction.

Un nouveau défi : s’intéresser aux socles de compétences transférables

Le numérique, se distingue par sa capacité à produire de nouveaux sujets, de nouveaux chantiers, de nouveaux titres, quand le socle de base de ses métiers demeure souvent le même. Cessons de parler de « métiers en tension » puisque cette tension est avant tout l’effet d’une compétition féroce entre entreprises pour les mêmes postes, au même moment – même lorsque ça n’est pas justifié – « il me faut un spécialiste des plateformes issu du marché ‘retail’, un CDO passé par notre secteur… ». Insistons en revanche sur la nécessité d’adopter une vision plus large de la gestion des talents : une vision qui prenne en compte leur capacité à réaliser efficacement ce qu’ils n’ont pas déjà fait pendant 2 ans par exemple ! Il est temps de s’intéresser aux socles de compétences transférables (ces compétences acquises sur une fonction différente et qui sont de solides atouts pour un nouveau défi), ainsi que sur la capacité des organisations et des profils en poste à effectuer leur transformation. Et ce, en vue de gérer non plus la stabilité, mais la complexité, la volatilité, l’ambiguïté et l’incertitude, avec aisance, efficacité et plaisir.

 

L’auteur

Photo Olivier Rolfe
Photo Olivier Rolfe

Emmanuel Stanislas est le fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l’IT.

 

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