Entreprise

Oubliez l’open space et le flex-office : place à l’activity based-office

Après notre article sur l’open space et le flex-office, qui ne seraient pas sans risque pour le bien-être des salariés,  Frantz Gault, directeur général de  LBMG Worklabs, cabinet de conseil auprès des grands groupes sur les nouvelles organisations du travail, a voulu nous présenter une alternative : “l’activity based office”. Un environnement de travail à la carte, que les salariés, par équipe, peuvent concevoir eux-mêmes, selon leurs besoins.

 

Pour vous, ni l’open space, ni le flex office ne sont de bonnes idées. Pourquoi ?

Le flex-office, c’est la pire invention depuis l’open space. Je ne dis pas cela par démagogie, mais parce que des recherches universitaires ont montré que l’impact de ce mode d’organisation est négatif. En open space, on a du mal à se concentrer parce qu’il y a du bruit, et on a aussi du mal à collaborer car on a peur de déranger ses voisins. En flex office, on retrouve ce problème, mais dégradé – car en plus de tous les inconvénients de l’open space, on perd son territoire individuel. Une étude de Leesman Index, un institut indépendant hollandais, qui s’appuie sur les bases de données de 3 000 salariés en Europe, montre qu’avec le flex-office, il y a une dégradation dans le quotidien au travail – pour produire, se concentrer, téléphoner, lire, mais aussi collaborer et se sociabiliser…

 

Que préconisez vous à la place ?

L’activity based-office (espace de travail par activité, ou ABO), déjà mise en place (ou en cours de mise en place) en France dans une vingtaine d’entreprises comme Sodexo ou le Crédit Agricole, est la bonne alternative. Elle se fonde sur les usages, ce n’est pas une religion comme l’open space et le flex-office, mais un principe. Chaque équipe, chaque direction a ses propres usages : certains sont nomades, ou au contraire sédentaires, d’autres sont très créatifs, et il faut donc aménager les bureaux en fonction. Il peut s’agir parfois de bureaux classiques, mais aussi de canapés et de poufs, ainsi que d’espaces réservés à la production, ou dédiés à la créativité. Certaines équipes, très nomades, ne reviennent dans les locaux de leur entreprise que pour sociabiliser, et elles ont surtout besoin d’un “camp de base”.

Les salariés ne veulent pas retourner au bureau fermé. Avec l’ABO, pas de centralisation : on leur donne une limite de surface à ne pas dépasser, et ils aménagent eux-mêmes (en équipe) leur territoire selon leurs besoins, dans une optique de co-construction. Par un jeu d’intelligence collective, ils arrivent souvent à des choses innovantes, par exemple des espaces redécoupés en 3 parties, avec une partie concentration (où l’on se rend pour produire, uniquement), un espace collaboration / convivialité (pour le coworking, les réunions, ou juste pour partager un café), et des bulles de confidentialité. Dans un open space, on a une place attitrée, on ne peut pas bouger facilement, alors que là, c’est possible. Les bureaux ne sont pas ouverts, et chaque espace est adapté à un usage précis.

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Quels sont les avantages de cette nouvelle organisation ?

Comme je le disais, l’open space et le flex-office sont des religions, que l’on essaie d’imposer à tous les salariés, sans exception, avec un ratio de X bureaux pour X personnes. Ici, chaque équipe choisit elle-même l’espace dont elle a besoin, ce qui facilite la conduite du changement, car les résistances sont quasi inexistantes. Mais surtout, on ré-humanise le bureau, en résolvant le problème de la territorialisation et de la sociabilisation que pose le flex-office. Si on retire les touches de couleur et le baby foot, le flex-office est très impersonnel et ressemble un peu à un laboratoire. Alors que quand on permet aux gens de choisir, ils personnalisent les lieux – pas seulement leur table individuelle, mais le terrain de l’équipe tout entier.

Selon l’institut Leesman Index, l’efficacité de l’activity based-office est similaire à l’ancien bureau individuel fermé en terme de concentration, mais il offre en plus des possibilités de collaboration et de créativité infiniment supérieures. Quid enfin de la sociabilité si les gens bougent ? Se situe-t-elle forcément au niveau de l’équipe ? Je n’en suis pas sûr. Un comptable va énormément échanger avec des directions opérationnelles mais pas avec son équipe, par exemple. D’où l’intérêt d’une intelligence collective qui réunit aussi toute l’entreprise, afin de casser les silos. Or, avec l’ABO, on réduit aussi parfois les territoires d’équipe pour des territoires collectifs, en permettant cette fois à l’ensemble des salariés de décider entre eux

 

Y a-t-il des obstacles à surmonter pour mettre l’activity based-office en place ?

Réaménager l’espace est un véritable projet de culture d’entreprise, et pour que l’ABO fonctionne, les dirigeants doivent accepter de déléguer le pouvoir et de faire confiance aux salariés. Les managers, eux, doivent changer leur façon de penser, afin de déléguer leur pouvoir. Car avec l’activity based-office, on donne le choix au salarié d’organiser lui-même son travail. En plus de perdre son bureau individuel, statutaire et signe de pouvoir, le manager doit accepter de prendre des risques, et de donner une totale liberté au collaborateur – il est libre de bouger à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur du bureau, avec du télétravail à domicile, mais aussi dans des espaces de coworking. Actuellement, de plus en plus d’entreprises tendent vers le collaboratif, l’agilité et l’horizontalité, ce qui devrait à terme favoriser le développement de ce nouveau type d’organisation.

Les dirigeants devront aussi accepter que le processus menant à l’ABO prenne un peu de temps, car il ne s’agit pas d’un modèle uniforme appliqué à tous les étages, mais d’un concept affiné équipe par équipe. Il faut donc accepter qu’il y ait des débats et des désaccords, et que cela prenne en moyenne deux fois plus de temps que la mise en place bête et méchante de l’open space ou du flex-office. Avec l’activity bases-office, on perd un mois dans la conception, mais on gagne à long terme sur d’autres registres – car on diminue les risques d’improductivité et de risques psychosociaux, tout en augmentant la satisfaction et la performance du salarié.

A noter enfin que l’ABO, avec sa démarche de délégation et de co-construction, n’est pas vraiment adapté aux entreprises qui fonctionnent “à l’ancienne”, avec des managers qui décident et les salariés qui exécutent. Car il s’agit d’une vraie remise en cause de la culture d’entreprise. Elle ne peut donc être mise en œuvre que par des sociétés qui ont réellement envie de moderniser leur culture en plus de leurs bureaux.

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