Pour la première fois depuis vingt ans, l’euro a atteint la parité avec le dollar. Une baisse brutale qui devrait peser sur les entreprises. Claude Calmon, fondateur du cabinet de recrutement Calmon Partners, spécialiste des investissements et des marchés financiers, évalue cet impact.
Pourquoi est-il important de décrypter cette actualité financière auprès des entreprises et des cadres ?
Déjà, il faut rappeler que 50 % des produits qui sont importés en Europe sont libellés en dollar. Il y a donc forcément un impact très important, d’autant plus que c’est la première fois en vingt ans que l’on atteint ce niveau de parité entre les deux devises. Au plus fort, un euro offrait plus d’1,55 dollar, donc les Européens avaient un véritable pouvoir d’achat aux Etats-Unis. Maintenant que la balance s’est équilibrée, cela implique que les entreprises qui importent payeront les produits plus cher et auront un pouvoir d’achat moins important. A l’inverse, les industries françaises qui s’exportent deviennent, elles, bon marché pour les acheteurs américains et internationaux. Je pense notamment à l’automobile, à l’aéronautique et aux services. Et cela vaut pour les start-up comme pour les grands groupes.
Est-ce une mauvaise nouvelle pour les entreprises ?
Tout dépend du modèle économique. Pour les entreprises exportatrices vers les Etats-Unis, c’est même plutôt une bonne nouvelle, puisque leurs prix deviennent plus compétitifs. Typiquement, pour une entreprise comme la nôtre spécialisée dans le recrutement ou accompagnant des sociétés en levée de fonds, cette parité euro-dollar ne nous change pas la vie. Sur un grand groupe, l’impact devrait être moindre, puisque la plupart des grandes structures sont équipées en couverture de taux de change pour limiter les impacts de ce genre. En revanche, si une entreprise est très liée aux importations et n’a pas de couverture de taux de change, acheter des produits pour ensuite les revendre pourrait lui couter plus cher. Il y a donc deux sujets : est-ce que cela mobilise plus de leur trésorerie pour se fournir en matière ? Et ces entreprises vont-elles répercuter cette hausse sur leurs prix de vente pour rééquilibrer la balance ? Si elles ne rééquilibrent pas de cette façon, leurs marges risquent de baisser, de même que leurs budgets de recrutement.
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On sait que l’économie française connait un important déficit commercial, du fait d’importations bien plus importantes que les exportations. La parité euro-dollar devrait donc peser lourd ?
C’est cette balance commerciale déficitaire qui devrait justement faire galoper l’inflation. D’autant plus que la Fed, la banque centrale américaine, a décidé d’augmenter ses taux pour faire face à l’inflation, ce qui n’est pas encore le cas de la Banque Centrale Européenne. Il faudra attendre encore avant de mesurer l’impact direct de cette parité sur l’économie et sur les entreprises et les particuliers, mais dans un pays majoritairement importateur, on peut imaginer une baisse du pouvoir d’achat des entreprises importatrices et des Français au sens large. A l’inverse, les touristes américains et les entreprises américaines arriveront chez nous avec un pouvoir d’achat plus fort. Nous ne sommes qu’au démarrage du processus lié à cette parité historique. Il est encore compliqué et trop tôt pour tirer des conclusions macro-économiques.
Peut-on tout de même imaginer la suite des évènements ?
Tout dépend de la façon dont les investisseurs vont percevoir le risque d’investir aujourd’hui en France. La France attire énormément d’investisseurs étrangers et de plus en plus, notamment en provenance de grands fonds américains, mais la perception du risque marché évolue dans le contexte actuel. Ce qu’il faut retenir, ce n’est pas tant la parité mais plutôt que l’environnement européen est considéré à risque par les marchés financiers. En raison des signaux de récession et évidemment du conflit en Ukraine. Si le conflit ukrainien persiste, si l’approvisionnement en matières premières et en gaz continue de se tendre, tout cela risque de créer un écosystème moins favorable à ces investissements. Les investisseurs voient aujourd’hui le dollar comme une valeur plus sûre que l’euro.