MAJ – Le Parlement a adopté, dimanche 25 juillet dans la nuit, le projet de loi sur la gestion sanitaire. Ce texte, remanié après un accord entre députés et sénateurs, élargit le passe sanitaire et instaure la vaccination obligatoire pour les soignants et les salariés du privé en contact avec le public. Ceux-ci ne risquent plus, comme initialement prévu, d’être licenciés s’ils ne sont pas vaccinés, mais ils devraient tout de même voir leur contrat de travail suspendu, ainsi que leur rémunération…
Quels collaborateurs sont concernés par l’extension du pass sanitaire ?
Alors que la quatrième vague de Covid-19, sur fond de variant Delta, commence à grimper, le projet de loi destiné à étendre le pass sanitaire aux activités de la vie quotidienne a été adopté définitivement par le Parlement dimanche 25 juillet dans la nuit ; après que le Sénat et l’Assemblée nationale, réunis en commission mixte paritaire (CMP), se soient mis d’accord sur plusieurs points d’achoppement .
Ce texte, qui doit encore être revu par le Conseil constitutionnel, prévoit toujours d’instaurer la vaccination obligatoire pour les professionnels en contact avec les personnes fragiles, soit 4 millions de personnes. Cette obligation touchera aussi plusieurs catégories de salariés du secteur privé, qui évoluent dans les lieux (publics) où le pass sanitaire s’appliquera.
Ainsi, seront également concernés :
-> Les professionnels de la restauration (bars, cafés, restaurants) ;
-> Les salariés en contact avec le public dans des transports de longue distance (TGV et Intercités, bus, cars, compagnies aériennes) ;
-> Les employés des commerces implantés dans des centres commerciaux ;
-> Les professionnels des lieux de culture ou de loisirs (salles de spectacle, parcs d’attraction, festivals, musées, cinémas) rassemblant plus de 50 personnes.
À noter que la loi concernera autant les salariés en CDI qu’en CDD.
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Dans quels délais les salariés concernés devront-ils être vaccinés ?
Les personnes travaillant dans des entreprises dont l’activité est liée à l’application du pass sanitaire pour les clients et les usagers, devront présenter eux-mêmes un pass sanitaire valide (donc se faire vacciner totalement), à compter du 30 août 2021. Ce qui signifie, concrètement, qu’ils devront recevoir au plus tard leur première dose le 1er août.
De leur côté, les personnels (soignants et non soignants) travaillant au contact de personnes fragiles dans des hôpitaux, cliniques, Ehpad ; ainsi que les professionnels qui agissent auprès des personnes âgées (y compris à domicile), devront être vaccinés d’ici le 15 octobre 2021.
Pour les personnes non vaccinables, le projet de loi leur permettra d’obtenir un pass sanitaire malgré leur impossibilité d’être vacciné, et sans avoir à passer de tests réguliers.
Quelles sanctions sont prévues en cas de non-vaccination ?
Finalement, les sénateurs et députés ont voté contre le licenciement des soignants non vaccinés et des salariés travaillant dans un établissement soumis au pass sanitaire mais démunis du précieux sésame. Ainsi, les salariés concernés par le pass mais non vaccinés (les soignants, à compter du 15 octobre) ne pourront pas, comme le prévoyait le projet de loi jusqu’à dimanche, être licenciés pour“non-respect de l’obligation de vaccination” ou “non-présentation d’un pass sanitaire valide”.
En revanche, ils risqueront malgré tout une suspension de salaire. Ce qui reviendrait finalement à une suspension du contrat, autrement dit, une situation proche d’un licenciement : les collaborateurs concernés peuvent ainsi prendre des RTT ou des congés pour combler cette perte de revenus. Mais s’ils ne le font pas, leur contrat de travail est suspendu (ou leurs fonctions, dans le cas des soignants), sans rémunération.
“Lorsqu’un salarié soumis à l’obligation de vaccination ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis”, peut-on lire dans le texte adopté par le Parlement. “Lorsque cette situation se prolonge au‑delà d’une durée équivalente de 3 jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation”, précise-t-on.
À noter que cette loi devrait s’appliquer jusqu’au 15 novembre ; durée pendant laquelle il ne pourra donc pas y avoir de rupture du contrat de travail. Pendant tout le temps où les salariés concernés verront leur contrat suspendu, ils ne pourront pas non plus toucher le chômage, puisqu’ils ne seront pas licenciés, mais toujours liés à leur entreprise (ainsi, ils ne peuvent pas non plus travailler ailleurs). Au delà du 15 novembre, le devenir des salariés “récalcitrants” reste dans le flou. La question d’introduire un nouveau motif licenciement pourrait à nouveau se poser chez les députés.
Les salariés dont le contrat sera suspendu (tant qu’ils ne se font pas vacciner) verront leur protection sociale réduite considérablement. “La suspension du contrat de travail et du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié / soignant remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité. Mais elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, il conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit”, précise ainsi le texte.
Il faut enfin noter que la possibilité de procéder à une rupture anticipée de CDD en cas de refus de présenter un pass sanitaire est maintenue. “Par dérogation, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l’échéance du terme, à l’initiative de l’employeur. Les dommages et intérêts prévus (en temps normal, ndlr) ne sont alors pas dus au salarié”, peut-on ainsi lire dans le texte adopté par le Parlement.
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Qui contrôlera les salariés ?
Dans les lieux de culture et de loisir, ainsi que dans les transports et les lieux recevant du public, la tâche de contrôler les salariés revient aux employeurs.
Concernant les personnels de santé ; ce sont les agences régionales de santé, les directions d’établissement, ainsi que l’assurance maladie, qui seront habilitées à effectuer des contrôles.
Sur le plan pénal, les employeurs qui n’effectueront pas les contrôles de leurs salariés risqueront une amende de 1 500 euros (pouvant aller jusqu’à 9 000 euros en cas de récidive) pour ceux du privé ; et jusqu’à 45 000 euros d’amende et un an de prison pour les directeurs d’hôpitaux. Quant aux salariés qui se feront contrôler sans pass, ils devront s’acquitter d’une amende de 135 euros.
Quid du secret médical ?
L’obligation pour l’employeur du privé de contrôler ses salariés risque d’entrer en collision avec le secret médical, qui interdit aux employeurs de vérifier eux-mêmes l’état de santé de leurs salariés (seul le médecin de travail pouvant le faire) ; ainsi qu’avec la liberté individuelle des salariés, qui était jusqu’ici la règle.
Ainsi, un guide du ministère du Travail et de l’Assurance maladie, datant du 8 juillet 2021, et destiné aux employeurs, insiste encore aujourd’hui sur le caractère “volontaire” de la vaccination : “C’est une information que l’employeur n’a pas à exiger. L’employeur ne peut pas imposer un test de dépistage ou la vaccination aux salariés, ou les sanctionner s’ils refusent. Il ne peut non plus imposer au salarié de l’informer du résultat du test, conserver les éventuels résultats. Enfin, il ne peut pas imposer à ses salariés de l’informer de leur statut vaccinal”, précise ce document.
Cependant, même si le code du travail ne le prévoit pas, des dispositions vaccinales similaires existent déjà dans certaines conventions collectives, à l’instar de celle des pompes funèbres ; un secteur qui fait partie d’une liste de professions où les vaccins contre l‘hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite sont obligatoires depuis 2005. La jurisprudence, estimant que si une loi impose la vaccination, celle-ci ne peut être refusée ; autorise ainsi les employeurs des pompes funèbres à licencier les salariés n’acceptant pas d’être vaccinés contre l’hépatite B.
Le pass sanitaire sera-t-il aussi obligatoire lors des processus de recrutement ?
Le pass sanitaire pourra être demandé par les DRH au moment du recrutement de futurs salariés, s’il est prévu qu’ils travaillent dans un lieu ou un établissement recevant du public ; à partir du 30 août.
Pour les personnels de santé, si un candidat refuse de se faire vacciner au moment de son recrutement, et qu’il ne “démontre pas de contre-indication médicale”, il pourra se voir opposer un “refus d’embauche” ; à partir du 15 septembre.