Management

Performance, le nouveau veau d’or de l’entreprise

Un terme s’est imposé depuis plusieurs années dans le vocabulaire managérial, véritablement indétrônable, passant au travers des modes et restant véritablement au cœur des préoccupations : Performance. Il n’est pas un discours de dirigeant où cette notion soit absente. Nous sommes véritablement devenus « performance-addicts ». Mais cette addiction, qui peut prendre différentes formes, nous coupe malheureusement du réel… Quelques points de réflexion iconoclastes. Par François Geuze, Auditeur Social e-Consulting RH

 
Performance. Il n’est pas un discours de dirigeant, une cérémonie des vœux, ou autre « grand messe », où cette notion soit absente. Tel un « mot valise », ce terme, qui innerve tout le discours de l’entreprise, mérite d’être précisé. Tout d’abord, la performance peut se définir :

 

  • * D’abord de manière pragmatique. La performance est alors considérée au travers des conséquences de l’action: « c’est le résultat de l’action, évaluation ex post des résultats obtenus ».
  • * Ensuite, la performance peut être regardée comme étant le processus qui mène au succès.
  • * Enfin, la performance peut être appréhendée comme une approche théorique qui inclut plusieurs concepts : « La performance est un succès. La performance n’existe pas en soi ; elle est fonction des représentations de la réussite, variable selon les organisations et les acteurs.»

Tout cela est bien joli, mais dans les faits, quand on nous parle de performance, on parle bien souvent et quasi-exclusivement de performance économique et financière, sous-entendu pour l’actionnaire. Toutefois, au-delà de ces définitions, comme pour le chat de Schrödinger, la performance existe-t-elle si on ne la regarde pas ? C’est-à-dire sans son système de mesure, de suivi et d’analyse ?

 

S’interroger sur la performance

S’interroger sur la performance, et notamment dans le monde des RH, c’est mettre en place un système de pilotage pour la fonction intégrant des objectifs de performance sur chacun de nos objectifs, et cela revient à identifier et sélectionner un ensemble limité d’indicateurs. Indicateurs permettant de couvrir les principaux process de la fonction concourant à la dite performance. Il est important alors de disposer une lecture de cette performance globale au travers de différents prismes :

 

  • * Les processus : Avec des indicateurs qui permettent de mesurer le niveau d’avancement des principaux processus de fonctionnement de la DRH et d’interaction avec les différentes parties prenantes.
  • * Les ressources incorporées : Avec des indicateurs permettant d’évaluer quels sont les moyens mis en œuvre par l’entreprise, par exemple pour organiser et gérer la formation des collaborateurs qu’elle occupe, on pense alors prioritairement aux dépenses en formation, mais l’on doit aussi compter les gestionnaires de formation (leur nombre, leurs salaires) et d’éventuels moyens matériels (immobilier) alloués à la formation.
  • * Les réalisations ou résultats : Avec des indicateurs qui permettent de mesurer tout ce qui est réalisé ou obtenu en contrepartie des moyens engagés. Dans notre exemple, cela se traduit généralement en nombre total de collaborateurs formés (en ne les comptant qu’une fois chacun) et nombre total d’heures de formation dispensées.
  • * L’impact : Avec des indicateurs permettant de mesurer les conséquences des actions au delà de leurs effets directs. Ils se mesurent en lien avec les objectifs stratégiques ou des objectifs de développement.
  • * L’efficacité : Ces indicateurs permettent de mesurer la qualité des services rendus, dans notre exemple, d’analyser si les moyens alloués à la formation sont bien utilisés, si les formateurs et/ou les consultants sont de qualité, si les procédures de gestion de la formation sont respectées. L’efficience pouvant être déterminée en rapprochant ressources incorporées et efficacité.
  • * La satisfaction : Ces derniers indicateurs sont difficiles à obtenir avec un SIRH conventionnel, ils reposent essentiellement sur un ensemble d’aspects qualitatifs (parfois subjectifs) de la qualité des services rendus. Ils doivent intégrer le ressenti des utilisateurs (ou clients internes) du fonctionnement des processus évalués.

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La rage évaluatrice

Nous voilà donc pris d’une rage évaluatrice. Il nous faut tout évaluer, tout mesurer, tout quantifier, y compris ce qui ne peut pas l’être (particulièrement en RH). De plus, tout ceci doit venir compléter idéalement votre système d’information en mettant en place les dashboards, des cockpits de pilotage, des baromètres et indicateurs auxquels vous n’aviez pas accès jusqu’à présent tels que le niveau d’engagement, la performance des processus RH, la satisfaction des collaborateurs vis à vis du management, la perception du changement, etc… tout doit être sous contrôle et pour cela vous allez trouver moult applications qui vous permettront de capter ces indicateurs…

C’est une pathologie compulsive bien française qui est de croire que l’on peut et que l’on doit tout mesurer et mettre sous contrôle en permanence, le terme important étant ici « en permanence ». Ayons une petite pensée émue pour les managers qui sont sous le regard permanent de cet œil de Moscou technique… Il ne manque plus que le tableur excel avec les notes sur 100 puis un forced ranking des bons et mauvais managers… (zut on vient de me dire que cela existe).

Le discours est rodé, et pour reprendre la novlangue des consultants et autres « coachs » cette évaluation de la performance permettra de travailler à :

 

  • * La mise en avant factuelle des réalisations de la fonction Ressources Humaines, auprès de la Direction Générale, des Directions Métiers, de la Direction Financière ;
  • * La vision commune des objectifs stratégiques RH, et la capacité à les piloter ;
  • * La création de fait d’un langage commun partagé entre tous les acteurs de la fonction RH, et l’émergence ou le renforcement d’une culture de pilotage au sein de la fonction RH même au-delà ;
  • * L’harmonisation des pratiques sur les principaux processus RH, pour une efficacité accrue, une meilleure productivité, une qualité supérieure des prestations.

 

Pour synthétiser, de contribuer globalement à changer le positionnement de la fonction Ressources Humaines au sein de l’entreprise : crédibilité, légitimité, valeur ajoutée, dans une véritable posture partenariale et pas seulement de prestataire.

 

Performance, performance, performance

Cette situation n’est pas sans poser nombre de questions, en voici deux, et il me parait plus qu’important d’y répondre avant de forger le nouveau veau d’or de l’entreprise :

  • * Chose étrange, une erreur, un oubli peut être, l’on ne nous parle quasiment jamais de la mesure de la performance de l’outil de mesure de la performance …
  • * Faut-il que les relations sociales et managériales soient à ce point dégradées pour qu’il n’existe plus de dialogue entre les managers opérationnels et les équipes ? Faut-il que les remontées d’information soient à ce point inexistantes entre les managers opérationnels et la direction pour que l’on soit obligé de lui substituer des gadgets technologiques ou de tout mettre dans des tableaux de chiffres ? Si tel est le cas, pas besoin d’un audit quelconque ou de la moindre enquête pour vous dire ce qu’il faut faire : dialoguez avec les équipes. Cela prend du temps me direz-vous, certes, mais consacrer du temps à écouter et dialoguer avec nos collaborateurs n’est-ce pas la première des attentions à avoir ?

 

Ces deux points, et notamment le second, posent la question de la confiance et nous questionne sur un monde de l’entreprise qui sous couvert de performance est de plus en plus étouffé par le contrôle. Ils posent la question pour les managers et les dirigeants du passage d’une logique de contrôle à une logique de régulation, mais la c’est une autre histoire…

 

L’auteur

Auditeur Social e-Consulting RH et Directeur de la Recherche du HRFiabLab, François Geuze est un expert des stratégies RH et du contrôle de gestion RH, ainsi que des nouvelles technologies appliquées au domaine de la gestion des hommes. Il anime le site web e-rh.org.
 
 

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