Management

Pourquoi votre manager n’est-il pas près de devenir un robot ?

Tribune – Dans une vaste étude internationale sur le management en entreprise, la Harvard Business Review note que la maîtrise des compétences managériales clés est très disparate. Elle souligne aussi que dans les entreprises où ces compétences se sont le plus développées, il y a eu une augmentation radicale des profits, une croissance plus rapide de 25 % et une productivité supérieure de 75 %. Les conclusions de l’étude s’appliquent pour tous les secteurs et tous les pays : investir dans le management est une nécessité économique. Par Nicolas Vigier, Consultant mc2i Groupe.

 

Pour pallier ces disparités, l’automatisation du management est une idée neuve : l’analyse de données et ses algorithmes associés deviennent de nouveaux outils pour le manager qui veut optimiser sa gestion d’équipe et de projet. Dans un article de presse, Tomas Chamorro-Premuzic et Gorkan Ahmetoglu listent les avantages :

 Le « manager robot » ne se vexe jamais, il ne juge son équipe qu’à travers des performances quantifiées, et il prend de bonnes décisions (si celles-ci ne sont pas trop complexes).

 

Néanmoins, plusieurs obstacles se dressent face à ceux qui se lancent dans cette aventure.

 

Une culture de la donnée pas suffisamment présente

Mary Elizabeth Porray, Anna Kahn, Michael Tushman et Andy Binns, à nouveau dans la Harvard Business Review, constatent que beaucoup de méthodes de transformation organisationnelle, même nouvelles, n’utilisent pas l’analyse de données, alors que beaucoup d’autres secteurs (marketing, banque, police, agriculture, recherche scientifique, etc.) sont investis par cette tendance. En effet, la plupart des données récoltées dans les outils d’entretiens professionnels, de GPEC, de questionnaires périodiques, etc., sont de nature qualitative. Les notions comme la culture, le leadership ou la motivation sont complètement liées au comportement humain, et se prêtent peu aux recueils de données quantitatives. Avant tout, ce sont les entreprises qui n’ont aujourd’hui pas suffisamment intégré la culture de la donnée : le programme Infolab de la FING propose un plan d’action suivi d’un test pour accentuer la propagation de cette culture dans une organisation (avec l’exemple parlant d’Amazon).

L’un des modèles de transformation les plus populaires aux États-Unis, les « huit étapes de John Kotter », tout à fait logique en théorie, résiste grandement aux analyses de données. Une étude a tenté de valider cette approche managériale « scientifiquement » avec les données disponibles en entreprises, et n’y est pas parvenue. Une autre étude a conclu que le sens-même du mot « culture » est très différent selon les organisations, et que les moyens pour la mesurer n’ont en réalité servi qu’à mesurer quelque chose d’autre. Autrement dit, adopter une démarche scientifique au sein du champ managérial est compliqué, et cela explique pourquoi les bons managers sont avant tout des personnes fortes de compétences et d’expérience, plutôt que des scientifiques qui agissent selon une méthode rigoureuse. Ces managers sont capables d’expliquer par des mots pourquoi le changement réussit, mais ils ne peuvent pas le prouver grâce à des chiffres. Ainsi, il est difficile de justifier les investissements à réaliser, car le calcul du retour sur investissement est délicat, d’où l’enclenchement d’un cercle vicieux qui mène à un personnel peu formé aux compétences managériales.

 

Des solutions automatisées peu adaptables

Des solutions existent pourtant. Par exemple, EY propose à ses clients d’analyser leurs échanges d’e-mails ainsi que leurs agendas afin d’identifier les engagements réciproques des collaborateurs, d’observer la création de nouveaux liens organisationnels, des situations de stress collectif, et enfin de repérer les collaborateurs les plus à même de faire le lien entre les différents services. Cela permet d’améliorer pro-activement les procédures à des endroits-clés de l’organisation. IBM et Twitter ont utilisé Kanjoya pour étudier les réponses des salariés aux questionnaires annuels et les commentaires laissés sur les réseaux sociaux internes comme externes, afin de mesurer leur bien-être et leur épanouissement.

Dans un cas comme dans l’autre, cette analyse n’est pas automatisée, il faut toujours des professionnels du management pour reparamétrer les outils, interpréter les données et les rediriger dans d’autres champs de recherche. En cela, le « management automatisé » trouve des limites techniques dans son champ d’action-même.

 

La nécessité d’un contact humain.

On remarque comment les innovations d’apparence difficiles à mettre en œuvre pour soutenir le management sont pourtant bien plus utilisées pour le recrutement. Les tests de personnalité sont très utilisés, on y prédit les performances des potentiels futurs salariés grâce à une Intelligence Artificielle dans un jeu vidéo, ou bien on y récupère les publications sur les réseaux sociaux pour mieux analyser les personnalités des candidats. Si ces outils de recrutement étaient utilisés dans une optique managériale, il n’est pas sûr du tout qu’ils soient tout aussi bien acceptés, car les humains ont toujours besoin de ce contact humain.

 

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