Avec la mise en œuvre du prélèvement à la source, des salariés ont pu être frustrés en découvrant leurs fiches de paie, fin janvier. Face à un potentiel choc psychologique, comment les dirigeants, les managers et les DRH peuvent-ils gérer les frustrations ou les inquiétudes des collaborateurs ? Le point avec Jean-Claude Ancelet, directeur d’Adeios Consulting, cabinet de conseil en management et stratégie.
Comment éviter les malentendus sur le prélèvement à la source, et accompagner des salariés frustrés ?
Les prélèvements à la source ont été effectués fin janvier, et il y a eu un gros travail de préparation de la part des entreprises, en amont. Je n’ai pas entendu parler de véritables traumatismes liés à ce sujet. Il y avait une vraie crainte, ces derniers mois, à une époque marquée par le mouvement des Gilets Jaunes, de voir les salariés en colère – certains insuffisamment préparés (malgré les efforts de communication des entreprises, et malgré le fait que le taux de prélèvement figurait déjà sur les fiches de paie avant fin 2018) ont découvert tout de même cela sur leur fiche de paie, mais les premiers retours (de DRH et de managers) ne sont pas catastrophiques et n’évoquent pas de tensions particulières.
Toutefois, aujourd’hui, des collaborateurs peuvent tout de même être frustrés face à leur salaire net, ou inquiets quant à la confidentialité des données – craignant que leur employeur connaisse tout de leur situation fiscale. Dans ces conditions, le rôle du manager est d’acter le fait que le PAS a été mis en place, leur expliquer à nouveau son fonctionnement, et aussi leur rappeler qu’ils devront déclarer leurs revenus en avril pour un nouveau taux de prélèvement qui sera communiqué en septembre à l’entreprise… Il doit faire oeuvre de bienveillance et d’empathie, même s’il peut être tenté de ne pas en parler : cela fait partie de la vie de chaque salarié, la vie personnelle fait de plus en plus partie de la vie en entreprise, et il est logique qu’il s’assure que ses équipes ont bien compris ce nouveau système, sans difficultés particulières.
L’idée étant surtout de faire preuve de pédagogie…
Cela vaut en effet le coup pour les managers et les dirigeants de faire preuve de pédagogie – avant la déclaration de revenus du printemps, notamment. Nombre d’entreprises ont versé la prime Macron, et dans le cadre des négociations salariales, les attentes des salariés sont en fait surtout portées sur les augmentations générales, plus que sur les augmentations individuelles. Mais le prélèvement à la source pourrait laisser croire à certains salariés que l’employeur est susceptible de connaitre en partie la situation fiscale des employés, et que cela pourrait peser dans le cadre des négociations salariales (mais dans la réalité, je ne pense pas que cela puisse avoir un quelconque impact, hormis sur une attente vis-à-vis d’une augmentation générale, et non individuelle)… Face à ces craintes quant à la confidentialité des données, les dirigeants vont en effet devoir être très pédagogues, et bien expliquer aux collaborateurs que l’entreprise n’intervient pas sur les données personnelles : les taux transmis ne sortent pas des services de paie, et les managers n’y ont pas accès. En outre, ces derniers peuvent rappeler aux salariés qu’il est possible de décider de ne pas transmettre le taux à l’employeur, en demandant l’application d’un taux neutre, dépersonnalisé.
Les DRH ont-ils plus généralement intérêt à changer de façon de communiquer, quand il est question des salaires ?
En situation de recrutement ou lors d’entretiens individuels, il faudra désormais être très pédagogue – notamment face à des populations très jeunes (générations Y et Z), qui ont tendance à confondre salaires bruts et nets. Il faut préciser la différence entre les deux, bien faire attention en entretien (annuel ou d’embauche) de parler en salaire brut, et expliquer lors des négociations salariales qu’il est possible d’assurer l’équité sur le brut, mais pas sur le net.
Dans tous les cas de figure, l’entreprise ne doit pas faire abstraction des explications, d’une écoute. Les dirigeants doivent faire preuve de pédagogie, renouveler des campagnes de communication interne. De son côté, le manager de proximité peut prêter l’oreille, voir si les salariés en parlent, aborder le sujet avec eux, et faire preuve d’empathie. Car de nos jours, la vie privée ne s’arrête plus à la porte de l’entreprise, et le management ne peut plus être aveugle par rapport à la vie personnelle du collaborateur – en matière de pouvoir d’achat, de déplacements, etc. Il n’est plus possible de faire l’impasse sur le lien social.