Parce que les critères de sélection des salariés sont aussi subjectifs, les responsables des ressources humaines cherchent de la passion chez les candidats. Analyse du Dr. Anne-Flore Maman Larraufie, Ph.D., Academic Director MS SMIB – Essec.
Il y a dix ans, alors que j’étudiais aux États-Unis, le directeur Marketing de Coca-Cola avait lancé lors d’une conférence : “If you want to work for Coke, you need to have cola in the veins”. J’avais trouvé l’idée surprenante, et surtout un peu extrême. Cependant, cette idée d’être passionné par le produit/service que l’on vend comme un prérequis à une carrière réussie n’a pas cessé de s’imposer à moi. Comme si finalement choisir un travail devait être vécu comme une entrée en sacerdoce. Et ce, quel que soit le secteur d’activité, la nature de la fonction, ou le niveau hiérarchique. Ainsi, des entreprises décident de capitaliser sur des passionnés du produit, de la région, et de les former de A à Z à la fabrication : Les Cristalleries Saint Louis, Repetto ou encore les denteliers de Caudry en sont des exemples vivants. Mais c’est également le cas dans le secteur de l’hôtellerie, où lors d’un échange récent avec le directeur de l’hôtel Amman à Venise – un des plus prestigieux du monde, celui-ci me confie que son premier critère de sélection d’un maître d’hôtel ou d’un employé en général sont les étincelles que le candidat a dans le regard. Subjectif me direz-vous… Bien sûr, comme tout choix qu’un être humain doit faire.
Double-compétence
Alors pourquoi cette quête de la passion, de l’amour du produit/service/lieu dans les profils des candidats ? Peut-être simplement parce que depuis plusieurs années l’enseignement supérieur s’est éloigné de l’enseignement technique. Ainsi, les fonctions supports de l’entreprise, ou d’interface avec le marché, se sont retrouvées déconnectées de l’usine à proprement parler. Combien de chefs de produits marketing ont mis les pieds dans l’usine fabriquant les produits qu’ils sont censés vendre ? Ont-ils jamais échangé quelques paroles avec les ouvriers et constaté l’attachement que ceux-ci vouent au résultat de leurs efforts ? Mais alors, quelle crédibilité peuvent-ils avoir auprès de clients qui eux connaissent les produits ? Aucune, ou peu, et c’est (entre autres) ce qui conduit les Japonais à s’éloigner des marques de luxe (ils sont en général plus érudits que les vendeurs sur les produits, procédés de fabrication, etc.) et à se tourner vers les marques émergentes… En BtoB, c’est également ce qui explique la progression de carrière plus rapide des ingénieurs avec une double-compétence en commerce, souvent acquise en France via un mastère spécialisé, par rapport à des purs étudiants sortant d’une grande école de commerce… Enfin, c’est ce qui manque peut-être aujourd’hui aux cabinets de conseil trop généralistes, dont ceux de moyenne taille peinent aujourd’hui à trouver un marché, alors que les spécialistes s’arrachent…
Il semblerait donc que l’élément clé nouveau d’un processus RH soit l’amour que vous éprouvez pour le produit/service/territoire pour lequel vous allez travailler – et pas sur lequel vous allez travailler. Le marketeur au service de la fabrication, la finance au service de l’usine et le vendeur au service du produit. N’est-ce pas cela finalement la raison d’être d’une fonction support ?