Retourner au bureau après 3 mois de chômage partiel ou de télétravail à 100 % ne va pas forcément de soi. Quelle posture les RH (et les managers) doivent-ils adopter ? L’éclairage de Laurent Termignon et Laurène de Calbiac, du cabinet Willis Towers Watson France.
La réouverture des écoles, le 22 juin, a lancé une nouvelle étape pour le retour dans les entreprises. Le motif d’activité partielle pour garde d’enfant est désormais supprimé, conduisant de nombreux salariés n’ayant pas pu télétravailler à retourner à leur poste après 3 mois d’arrêt total de travail. De leur côté, ceux qui travaillent à domicile depuis mars seront de plus en plus amenés à retourner au bureau.
Quels enjeux pose le retour au bureau pour les DRH ? Selon Laurent Termignon, Directeur Talent & Rewards chez Willis Towers Watson France, il y a d’abord “quelques évidences, basiques, sur lesquelles ils n’existe aucune ambiguïté”. Ainsi, les DRH doivent assurer la sécurité des salariés sur le lieu de travail, et les consignes sanitaires du gouvernement.
“Il s’agit de fournir du gel hydroalcoolique, des masques ; d’assurer un fléchage dans les locaux, de faire en sorte que la communication auprès des salariés soit claire au millimètre sur les consignes à respecter : l’employeur a l’obligation et la responsabilité d’expliquer clairement aux collaborateurs comment le retour au bureau se mettra en place”, explique-t-il.
Aux DRH, donc, d’expliquer (par e-mail, ou par téléphone) d’une façon pratique aux travailleurs combien ils devront être en même temps sur site, quelles distances ils devront respecter, ou encore quels horaires ils devront suivre.
Prendre le pouls des salariés
Comment, ensuite, “remettre en selle” des collaborateurs parfois déphasés, et les remobiliser ? Selon une enquête de Willis Towers Watson, menée partout en Europe, 72 % des salariés déclarent ressentir de l’anxiété, même un mois après le déconfinement. “Cette période a eu un impact énorme sur leur moral. Tandis que les entreprises tentent de remettre leurs finances sur pied, avec des conséquences sur les revenus de leurs collaborateurs… L’enjeu sera de réconcilier ces deux trajectoires”, observe de son côté Laurène de Calbiac, Directrice Communication and Change Management de Willis Towers Watson France.
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“Prendre le pouls des équipes” afin de les rassurer, est ensuite l’étape incontournable, pour les DRH comme pour les managers.
“Les salariés n’ont pas tous vécu les périodes du confinement et du post-confinement de la même façon. Notamment ceux qui ont été amenés à télétravailler avec des enfants, ou dans un environnement inadapté. Quel est le message de l’entreprise pour ces salariés ? Envisager le retour au bureau sans cerner ce que les collaborateurs ont en tête, sans connaître leur ressenti et leurs attentes pour la suite (notamment un équilibre entre travail à domicile et travail sur site), c’est prendre le risque d’être à côté de la plaque”, prévient Laurent Termignon.
“La communication sera clé pour remobiliser les salariés. Ce qui ne signifie pas uniquement les informer, mais d’abord les écouter, afin de leur envoyer le signal qu’ils sont soutenus et entendus”, note Laurène de Calbiac. Lors du confinement, les DRH ont bien souvent multiplié les coups de fils informels, les points téléphoniques, les visioconférences, afin d’accompagner les équipes à distance. “Cette démarche, qui avait pour objectif de savoir où en étaient les gens, ce qu’ils ressentaient et ce dont ils avaient besoin, doit être poursuivi une fois le retour au bureau enclenché”, ajoute-t-elle. L’employeur ne devra pas hésiter à demander à ses salariés ce dont ils ont besoin pour travailler sereinement au bureau ; notamment une organisation plus flexible.
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Dialoguer, communiquer
Prendre en compte les desiderata et l’expérience vécue des salariés sera ainsi indispensable pour trouver par la suite l’équilibre entre le temps de travail au bureau et celui à la maison. Il faudra impérativement dialoguer sur ce sujet.
“De quelle manière l’accord ou la charte qui existait va évoluer ? Comment les salariés seront-ils accompagnés si le télétravail s’inscrit un peu plus dans la durée ? Sur le plan logistique, faudra-t-il fournir une imprimante, ou prendre en charge une partie de l’abonnement internet, par exemple ? Cela se fera-t-il à la carte, ou un planning de présence sera-t-il fixé ? Le dialogue entre les collaborateurs, qui expriment des attentes, et entre le management, qui a une lecture précise des besoins, doit converger pour trouver les bonnes réponses”, précise Laurent Termignon.
Les DRH et les managers pourront aussi communiquer autour de la notion de bien-être, en mettant en avant “tous les dispositifs qui existent déjà dans l’entreprise et qui sont de nature à rendre les salariés plus sereins et moins anxieux”, indique de son côté Laurène de Calbiac. Il s’agit par exemple de “soins médicaux alternatifs” couverts par la mutuelle d’entreprise, ou de services d’assistance psychologique, “que les collaborateurs ne connaissent pas forcément, et que l’employeur peut souligner auprès d’eux”.
Les ressources humaines pourront aussi informer les équipes sur les systèmes d’épargne salariale qui existent dans leur organisation. “Enfin, le dernier levier sera social : il faudra organiser des moments d’échange, conviviaux, un peu plus informels ; des pauses-café aux petits déjeuners d’équipe”, ajoute la Directrice Communication and Change Management. “C’est le bon moment pour porter à la connaissance des salariés l’existence de tous ces rituels et dispositifs”, note-elle.
Se poser en soutien
Suite à cette période particulière durant laquelle l’autonomie des salariés aura été démultipliée, la posture des DRH, comme des managers, doit-elle changer ?
“Alors que les salariés sont encore anxieux, il est évident qu’ils doivent tous développer leur rôle de soutien, à travers une relation de confiance avec les collaborateurs. Il s’agit de rôles qui n’étaient plus incarnés par les managers et les RH jusqu’à récemment, et qui devront l’être à nouveau. Mais ils ne peuvent plus être fondés sur l’autorité. Les DRH et les cadres encadrants doivent prendre en compte les besoins des salariés, et prendre en compte l’humain”, conclut Laurène de Calbiac.