Entreprise Management

Quiet quitting : tendance de fond ou phénomène de mode ?

Parmi les phénomènes qui interrogent le management au sein des entreprises, le quiet quitting fait une percée sur les réseaux sociaux et parmi les jeunes salariés. Le concept : lever le pied et faire le minimum, plutôt que démissionner. Il renvoie aux enjeux de bien-être au travail et de réinvention du management. Décryptage avec Adrien Scemama, responsable du site d’emploi Talent.com.

Comment analysez-vous le quiet quitting ?

Talent.com est un moteur de recherche d’offres d’emploi, créé en 2011. Nous reprenons toutes les annonces du marché, nous avons donc un point d’observation idéal pour évaluer et repérer les tendances du marché ainsi que les comportements des employeurs et des candidats.

Ce phénomène du quiet quitting fait beaucoup parler de lui et devient une expression à la mode. Si on le traduit par « démission silencieuse », ce n’est pas pour autant une démission. Il s’agit de respecter la fiche de poste à la lettre, de faire le strict minimum sans excès de zèle. Mais aussi de refuser toute responsabilité non prévue et les heures supplémentaires. La démarche consiste à se préserver et protéger sa santé mentale. On parle notamment de la grosse fatigue post-covid ressentie par les salariés, les entreprises ayant parfois trop tiré sur la corde. La tendance a fait le buzz sur TikTok mais cette pratique n’est pas encore très répandue en France en termes de chiffres. La démarche a de quoi interpeller mais ce qu’il faut retenir c’est surtout cette frontière toujours plus fine et floue entre vie professionnelle et personnelle.

Finalement, ce phénomène résulte des tendances amplifiées par le contexte de crise et de télétravail ?

Il vise à recentrer ses priorités sur son cadre personnel plutôt que sur sa vie professionnel. Nous pouvons également y voir une conséquence ou une influence du télétravail : moins vous avez de liens avec l’entreprise, moins vous êtes fidèle et impliqué, moins vous avez de synergie et plus vous êtes détaché. Un récent sondage de Gallup sur l’engagement au travail démontre justement que 21 % des collaborateurs dans le monde se sentent impliqués, 14 % en Europe et 6 % en France. Or les salariés français sont tout de même beaucoup plus protégés qu’ailleurs et ont plus de temps de congés et de déconnexion. C’est pour cela que je parle plus d’une mode très médiatisée sur les réseaux sociaux, que d’une véritable tendance.

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Cela incite à s’interroger sur les enjeux de marque-employeur et de bien-être au travail ?

Je pense, en effet, que les entreprises ont trop tiré sur la corde auprès des collaborateurs durant la période de crise. Le salarié se retrouve dans une situation où on lui demande souvent de faire plus, sans pour autant le payer plus systématiquement, et ce dans un contexte d’inflation. Il y a, je pense, un sentiment de manque de reconnaissance et pas seulement financière. On en revient à des problématiques de management, de proximité avec ses équipes, compliquées par la distance et le télétravail.

La population la plus concernée par est la génération Z, qui ne veut souvent pas reproduire les mêmes parcours que les précédentes. Les jeunes n’ambitionnent plus de rester 20 ans au sein de la même entreprise, un CDI fait moins rêver. On parle de job hopping, ce phénomène observé dans les statistiques et qui voit les salariés changer d’entreprise et de poste plus régulièrement. Une façon d’augmenter plus significativement son salaire, au passage. Sur le marché de l’emploi, les candidats sont rois et sont à la recherche de confort au sens large, en priorisant la vie personnelle.

Est-ce inquiétant pour la santé psychologique des collaborateurs et des managers ?

On parle de la grande démission, mais je vois surtout une lassitude et une grande fatigue généralisée. Une étude Malakoff Humanis affirme qu’un salarié sur deux est épuisé au travail et qu’un cadre sur quatre prend des somnifères ou des antidépresseurs. Le quiet quitting est en effet révélateur de cette envie des collaborateurs de penser à leur santé mentale. On pose des limites, on dit non au stress supplémentaire.

Ce que je suggère aux personnes se sentant concernées, c’est de privilégier la communication avec la hiérarchie et les managers. Il faut parler d’éventuels soucis ou sources de stress et, s’il n’y pas de solution, envisager un départ. Il faut également que les managers aient envie que leurs collaborateurs se sentent bien au bureau. Perdre un collaborateur et devoir recruter puis former un remplaçant coûte très cher. Le candidat est roi mais je pense que le marché va se tendre dans les prochains mois. Les entreprises devraient avoir moins de budgets recrutement mais autant de besoins. Et les salariés ont trop tendance à penser que l’herbe sera plus verte ailleurs…

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