Comme dans la chanson de Camille, vous rêvez vous aussi de plaquer Paris sur ses trottoirs sales ? Bonne idée ! À condition de bien analyser votre projet et de bien anticiper tous les aspects de votre nouvelle vie. Pour que le rêve ne se transforme pas en cauchemar. Par Ève Mennesson
Quitter Paris ? La question se pose souvent autour de la trentaine. À l’arrivée du premier enfant ou lors de l’achat du premier appartement. Parfois, c’est un licenciement ou l’envie d’entreprendre qui est un déclencheur. Les raisons de fuir la Capitale sont en revanche souvent les mêmes : réduire les temps de transport (7 cadres parisiens sur 10 ont un temps de transport supérieur à 30 minutes), accéder à un logement plus grand, et avoir un cadre de vie plus agréable. Selon une étude Cadremploi, 80 % des cadres parisiens souhaiteraient quitter Paris et ce, dans les 3 ans. Ils seraient même prêts à faire des efforts : 56 % accepteraient une baisse de salaire, 48 % une reconversion professionnelle et 35 % un niveau de poste moins élevé.
Quitter Paris à tout prix, donc ? Gare à l’échec ! L’herbe n’est en effet pas forcément plus verte ailleurs et les soucis ne s’envoleront pas en fuyant le métro parisien. Marie, cadre dans le marketing qui a quitté Paris pour Nantes, le reconnaît : “On quitte des problèmes pour en trouver de nouveaux”. Pas de décision sur un coup de tête, changer de vie, ça se prépare. D’autant plus si cela se fait à deux ou en famille.
Quel projet de vie ?
Première étape : bien analyser son désir de quitter Paris. Pourquoi le souhaite-t-on ? Qu’est-ce qui ne nous convient plus ? Qu’espère-t-on trouver ailleurs ?, etc. Autant de questions auxquelles répondre de manière lucide. L’objectif étant de définir le projet de vie auquel on aspire, ses priorités mais également les efforts auxquels on ne peut pas (plus) consentir.
Cette analyse est essentielle à plusieurs niveaux : s’assurer que l’on ne quitte pas Paris pour de mauvaises raisons mais aussi et surtout choisir la ville de destination en fonction de ses priorités. Si l’on fuit Paris pour les embouteillages, bien s’assurer que la ville de destination présente des infrastructures de transport de qualité. Ou qu’il sera facile de dénicher un logement à deux pas de son travail. Bien étudier également les concessions que vous aurez à faire : si vous aimez beaucoup sortir, la ville d’accueil présente-t-elle une offre culturelle suffisamment étoffée ? Si vous attendez un enfant, la maternité est-elle assez proche et les modes de garde suffisants ?, etc.
C’est pour aider les personnes qui souhaitent s’installer dans une autre ville à répondre à ces différentes questions que Olivier Dasse-Hartaut a créé le site eTerritoire : cette plate-forme liste pour chaque ville et même village le nombre d’habitants, d’écoles, d’entreprises, de médecins mais aussi la densité, l’offre en termes de transport et de culture. “Se renseigner permet aussi de faire tomber les a priori et de transformer une opportunité d’emploi en vie comblée”, pense Olivier Dasse-Hartaut. En effet, beaucoup de cadres choisissent leur ville de destination en fonction de l’emploi qu’ils trouvent. Une bonne idée à condition de s’assurer que les infrastructures correspondent à ses attentes. Mais aussi d’aller visiter la ville d’accueil le temps d’un week-end, avec sa famille, et pas uniquement à l’occasion des entretiens d’embauche. Histoire de s’assurer que l’ambiance convient à son état d’esprit.
Une fois ces différentes questions soulevées, il s’agit de préparer son départ. Notamment à travers deux points essentiels : l’emploi et le logement. Côté emploi, il vaut mieux chercher du travail depuis Paris et ne quitter la Capitale qu’une fois un contrat de travail signé dans une autre ville. Dans un couple, au moins un des deux doit avoir trouvé un job avant de partir ; le deuxième pouvant bénéficier d’une allocation chômage pour rapprochement de conjoint et chercher sur place.
Mais attention, ce n’est pas toujours simple. Cadre administratif dans une université parisienne, Anne-Claire commençait à être fatiguée par le rythme effréné de la vie parisienne. Lorsqu’une opportunité d’emploi se présente à Grenoble, elle saute sur l’occasion. “La ville me semblait agréable, avec la montagne juste à côté. Et mon beau-frère venait de s’y installer avec sa femme et son bébé”, raconte-t-elle. De plus, Grenoble semblait offrir des opportunités d’emploi intéressantes pour son compagnon, ingénieur. Elle part donc seule, son conjoint devant la rejoindre une fois qu’il aurait trouvé à son tour un poste dans la région.
“Mon emploi n’était qu’un CDD, mon conjoint avait un CDI : il n’était pas raisonnable qu’il quitte sa place sans certitude de trouver un emploi à Grenoble”, explique Anne-Claire. À Grenoble, ses collègues l’accueillent chaleureusement. Mais les mois passent et son compagnon ne trouve pas de travail dans la région. “De mon côté, l’avenir de mon poste n’est pas clair”, rapporte-t-elle. Elle prend donc la décision de revenir en région parisienne. D’autant plus que la ville de Grenoble ne correspond pas vraiment à ses attentes. “L’environnement était très agréable mais la ville était trop petite par rapport à Paris. Par ailleurs, nous étions trop éloignés de nos familles, situées en Bourgogne et à Strasbourg. C’est important de prendre en compte tous les aspects de la vie”, souligne Anne-Claire.
Se renseigner sur la vie économique locale
Dans tous les cas, mieux vaut miser sur une ville ou une région qui offre suffisamment d’opportunités d’emploi dans son secteur. Si les grandes métropoles sont de ce point de vue les plus intéressantes, surtout celle de Lyon, Julien Breuilh, directeur des études de Cadremploi, conseille de penser à des villes de taille plus modeste comme Rennes, Grenoble ou Toulouse, qui offrent de belles opportunités selon les secteurs.
Quitter Paris peut aussi être l’occasion de se tourner vers de nouvelles aventures. Cédric, cadre dans l’informatique, a profité d’un plan de départ volontaire au sein de son entreprise pour monter sa propre société … à Nancy. Et poursuivre parallèlement une aventure artistique avec son groupe de musique. “Nancy est la ville où mon groupe a débuté, nous y avions donc des contacts. À Paris, nous étions en concurrence avec de nombreux autres musiciens”, explique-t-il. Et lorsque des désaccords artistiques mettent fin à son groupe, Cédric poursuit son aventure entrepreneuriale à Lyon, où il développe des logiciels à destination des start-up. “J’adore Lyon, c’est une ville très dynamique au niveau culturel et on peut facilement se déplacer en vélo. Alors qu’à Paris, entre les transports et le stress de la vie parisienne je me sentais oppressé”, raconte-t-il. L’entrepreneuriat peut donc être une solution pour quitter Paris sans se soucier de trouver un emploi sur place. À condition d’avoir bien préparé son projet, de s’être renseigné sur la vie économique locale, d’avoir commencé à prendre des contacts, etc.
Mais même pour l’emploi salarié, il peut être intéressant de se renseigner sur la vie économique locale en amont. C’est ce que préconise Philippe, aujourd’hui chef de projet dans un groupe électrique à Bordeaux : “Quels groupes embauchent, dans quels services, etc.” Marie a quant à elle investi le secteur associatif, ce qui lui a permis de se faire un réseau et de décrocher un CDI. Mais elle a dû revoir à la baisse ses prétentions salariales… Aurélie de Cooman, qui a créé le blog Paris Je Te Quitte, pense que la baisse de salaire n’est pas une fatalité, certaines entreprises étant prêtes à faire des efforts pour attirer les profils qui les intéressent. Philippe a vu son salaire augmenter de 12 % par rapport à Paris. Côté appartement, mieux vaut également anticiper : certaines villes très prisées des Parisiens connaissent un marché immobilier proche de la saturation.
“À Lyon et Bordeaux, il y a plus de demandes que d’offres. De manière générale, dans les grandes métropoles, le marché est tendu ; les prix sont assez élevés et continuent à augmenter”, rapporte Michel Lechenault, responsable éditorial de Seloger.com. Mais même dans les grandes métropoles, les prix de l’immobilier restent bien inférieurs à ceux de Paris : Cédric a pu acheter un appartement de 60m2 en plein centre de Lyon, ce qui était totalement impossible à Paris. Michel Lechenault conseille quant à lui de se tourner vers des villes moyennes où les prix se stabilisent et où il est plus facile de négocier. Aurélie de Cooman préconise de faire appel à des chasseurs d’appartements, des sortes de supers agents immobiliers qui sont spécialisés dans l’aide à la mobilité. Enfin, louer dans un premier temps plutôt qu’acheter permet de revenir en arrière au cas où la ville d’accueil s’avérait décevante. Et que l’on retourne à Paris en courant ! “La première année est souvent difficile car on se retrouve seul, loin de sa famille et de ses amis. Mais il faut garder le moral : une fois cette première année passée, personne n’a envie de revenir !”, encourage Aurélie de Cooman. Paris, c’est décidé, je te quitte pour de bon !