Face à l’éventualité d’une seconde vague de Covid-19, et tandis que le gouvernement s’apprête à rendre le masque obligatoire en entreprise, quelle posture les dirigeants et les cadres peuvent-ils adopter ? Les conseils de Denis Fourrier, responsable du pôle formation chez Securex, entreprise spécialisée dans la “contre-visite médicale employeurs”, et consultant en RH et prévention.
Quel est le rôle des RH dans le contexte d’un retour au bureau “masqué” et d’une potentielle seconde vague ?
Ces derniers mois, les RH ont repris du poil de la bête au niveau du relationnel humain. Depuis quelques années, leur fonction était fortement concentrée sur de la gestion (de l’absentéisme, de la masse salariale, d’indicateurs à suivre). Mais le Covid-19 est arrivé, et les a obligé à se pencher énormément sur la partie relationnelle. Ce qu’ils ont relativement bien fait, en organisant notamment avec les télétravailleurs des réunions en visioconférence, et en rédigeant une “annexe pandémie” au document unique d’évaluation des risques (DUER). En tout cas dans les grandes entreprises.
Aujourd’hui, alors que le télétravail doit à nouveau être privilégié par les entreprises, et que le protocole sanitaire s’apprête à être renforcé, les RH doivent être prêtes et se baser sur tout ce qui a déjà été mis en place pour poursuivre ce travail. Et même l’amener plus loin. Il n’y aura plus d’effet de surprise comme c’était le cas le 16 mars. L’enjeu des RH sera de garder la légitimité qu’elles ont obtenue durant le confinement et au-delà, grâce à leur travail relationnel de fond.
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Quels défis les managers pourraient-ils être conduits à relever, de leur côté ?
La difficulté pour les managers, qui s’est posée pendant le confinement et qui devrait se poser ces prochains mois, c’est la gestion des équipes à distance. Ils devront nécessairement s’orienter vers un management par la confiance.
Il s’agit de laisser un maximum d’autonomie aux personnes qui travaillent depuis leur domicile, tout en gardant une certaine forme de contrôle. Il ne faut, bien entendu, pas que cela se transforme en flicage. À partir du moment où une tâche est encadrée, à travers des jalons et des moments de feed-back et de réajustement, la confiance ne sera pas entamée.
Pendant le confinement, le management s’est beaucoup focalisé sur la réassurance des salariés. Au moment de la reprise, en mai-juin, ces derniers sont ensuite retournés dans les locaux de leurs entreprises un peu déboussolés, comme s’ils revenaient d’un arrêt maladie. La plupart des formations que j’anime chez Securex sont basées sur des entretiens de retour après absence. Et le message que j’ai transmis aux employeurs, c’était que les salariés devaient être réintégrés, rassurés par rapport au fait que leur poste existait toujours, et que la confiance et les objectifs étaient toujours là. De même que les managers seront toujours présents pour les soutenir.
Le défi sera surtout, pour les managers qui pensaient avoir déjà tout fait pour rassurer les salariés et les accueillir de la meilleure des manières, de continuer et d’aller encore plus loin. Il faudra sans doute, ensuite, ajouter à toutes les qualités que l’on doit déjà attribuer au management en place, les notions de patience et de persévérance !
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Plus généralement, que devraient faire les cadres et dirigeants à la rentrée ?
Ils doivent absolument poser des bases. D’abord en mettant à jour le DUER, qui a pour finalité d’identifier, de répertorier et d’évaluer les risques professionnels liés à l’activité de l’entreprise : il faut y ajouter une annexe liée au coronavirus. Ce qui implique de procéder à une nouvelle évaluation des risques, et de consulter le comité social et économique (CSE) de l’entreprise. Cette annexe devra détailler les protocoles à suivre au bureau, et lors des rencontres avec la clientèle ou les fournisseurs. Ensuite, en analysant ce qui a bien fonctionné jusqu’ici en télétravail, afin de rassurer les salariés quant à la confiance qui leur sera portée quoi qu’il arrive.
L’entreprise doit, dès maintenant, communiquer à l’ensemble de ses collaborateurs qu’une nouvelle vague approche peut-être et qu’il faut s’y préparer. Globalement, les choses se sont bien passées dans les organisations pendant le confinement puis entre mai et août. Elles ont su gérer le télétravail forcé avec flexibilité, elles ont réaménagé leurs locaux afin de garantir les règles de distanciation… Maintenant, les cadres et dirigeants ont tout intérêt à préparer leurs salariés à l’éventualité d’un télétravail en “full remote”, voire confiné, afin de ne pas les laisser dans l’incertitude. Mieux vaut anticiper le pire, et ne pas attendre. Car s’ils restent dans le flou, la relation de confiance entre les équipes et la direction risque d’être ébranlée.
Enfin, les RH auront, plus spécifiquement, des points de vigilance à garder en tête : le fonctionnement de l’activité partielle (notamment de longue durée), qu’ils pourraient à nouveau mettre en place ; l’information et la formation des salariés vis-à-vis du masque obligatoire ; et l’encadrement juridique du télétravail. Pour mieux baliser les choses, un accord d’entreprise ou une charte permettra par exemple de préciser les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail, ou encore de définir les outils mis à disposition des télétravailleurs et les lieux possibles d’exécution du travail à distance.
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