Avec le reconfinement, les peurs du passé ressurgissent. Rassurer les collaborateurs reste l’un des principaux défis des managers. Les conseils d’Adrien Chignard, psychologue du travail.
Alors que le télétravail est à nouveau la norme et que 40 % des salariés sont à nouveau confinés, les craintes du passé ressurgissent. Pour les managers et les cadres dirigeants, rassurer les collaborateurs sera ainsi l’un des principaux défis de ces prochains mois. Adrien Chignard, psychologue du travail, nous apporte son éclairage.
Quelle est la première des choses à faire pour apaiser les angoisses de ses collaborateurs ?
Quand un salarié a peur, ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est être un manager bienveillant, mais maladroit. Celui qui veut rassurer, mais qui le fait en disant simplement : “ne t’inquiète pas, ça va bien se passer, on va y arriver”. En psychologie, on appelle cela de l’antipathie. Tout comme on n’apaise pas quelqu’un qui est en colère en lui disant “calme toi”, on ne dit pas à quelqu’un qui a peur de ne pas s’inquiéter : en faisant cela, on nie son émotion. On lui impose une sorte de facticité émotionnelle, qui risque de l’angoisser encore plus.
Plutôt que de se comporter comme un bienveillant maladroit, il faut au contraire devenir un manager capable d’accueillir l’émotion d’autrui. Quand un salarié vient vous voir en vous disant qu’il a peur, la première des choses à faire, c’est de le laisser parler. Il faut lui poser des questions ouvertes, et ne surtout pas essayer de le convaincre que ses craintes sont irrationnelles. “Qu’est ce-qui te faire peur en ce moment ?”. Et écouter, sans chercher à convaincre, ni parler de soi.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, accueillir ainsi les émotions de ses collaborateurs permettra déjà de faire baisser le niveau de tension d’un cran. Car ainsi, vous lui montrez que vous comprenez son anxiété. En cette période de reconfinement, le besoin de se sentir compris et écouté est primordial.
Est-il possible de rassurer les salariés en leur proposant des aménagements concrets ?
Une fois le ressenti du collaborateur recueilli, un manager peut en effet lui demander ce qui pourrait être de nature à le rassurer. Pas question d’imposer ses propres réponses : ce qui peut être rassurant pour vous ne l’est pas forcément pour lui. Il faut donc dialoguer ensemble afin de permettre à l’autre de proposer lui-même des solutions. Par exemple, le télétravail à 100 %, une réorganisation de l’open space, ou le retour à des bureaux attitrés.
Écouter puis proposer à autrui de vous livrer des solutions lui permet de se remettre dans un phase de propositions. Cela lui montre aussi que vous le considérez, et que vous le percevez comme légitime pour s’exprimer sur les sujets en lien avec le travail. Enfin, cela lui apportera de la reconnaissance existentielle, ce qui apaisera ses angoisses et fera baisser son niveau d’anxiété : elle aura l’impression d’avoir le contrôle sur son quotidien.
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Pourquoi est-ce important de donner davantage de contrôle à ses collaborateurs ?
Dans une situation de crise comme celle que nous vivons aujourd’hui, nous avons l’impression que tout nous échappe. Nous ne savons pas si nous resterons confinés un mois, deux mois, ou si nous retournerons au bureau en janvier…
Mais en redonnant à son collaborateur un sentiment de contrôle, en lui permettant de peser sur son quotidien (ses horaires, ses conditions de travail, dans la limite de ce que le confinement permet), vous lui permettez de constater que ce ne sont que des pensées, et ainsi vous le rassénérez.
L’idée est donc pour les managers de se faire psychologues ?
Ils ne se font pas psychologues : l’une de leurs missions managériales est de travailler autant sur le comment que sur le quoi. Autrement dit, de ne pas se focaliser uniquement sur les tâches à accomplir, mais de parler aussi avec chaque collaborateur de ses ressentis.
Le job du manager, en ce moment, c’est de faire en sorte que ses salariés puissent s’exprimer sur comment ils ressentent les choses, comment se passe leur travail, et comment il est possible de les aider. C’est avec le comment que l’on va soigner la relation avec l’autre, et c’est en soignant la relation que l’on favorise la satisfaction et la production.
Cette écoute peut être informelle, ou mise en place d’une façon plus officielle lors d’entretiens individuels ou collectifs. Il est aussi possible de mettre à leur disposition des cellules d’accompagnement et de soutien psychologique. Mais plus globalement, le manager doit aller au devant de ses collaborateurs, leur demander comment il peut les aider. Il doit être actif, plutôt que d’afficher un soutien passif, qui serait une façon de se défausser de ses responsabilités. Ainsi, il doit être à l’initiative de la résolution de leurs problèmes, sans attendre qu’ils soient trop importants pour eux. En libérant la parole par tous les moyens, et en leur accordant de l’attention.