Après quinze ans dans la communication et l’organisation d’événements, notamment pour Cartier et Louis Vuitton, puis à la direction de l’engagement citoyen chez L’Oréal, la quadragénaire est aujourd’hui photographe-portraitiste dévouée aux causes solidaires et écoresponsables, faisant converger sa quête de sens et sa passion de toujours pour l’image.
Face au mur auquel elle s’est heurtée, Mary-Lou Mauricio a décidé de bifurquer : « J’ai fait un burn-out après quinze ans en CDI. J’avais changé plusieurs fois d’employeurs car je me sentais inadaptée en entreprise. J’avais beaucoup d’énergie et de créativité mais pour tout ce qui concernait les relations politiques, le cadre, je n’entrais pas dans le moule. Je me suis longtemps posé la question de savoir si j’étais à ma place et j’ai peut-être attendu un peu trop longtemps avant de sauter le pas. » Pendant son break d’un an, la Parisienne éprouve un « électrochoc » en discutant avec une amie de collège qui lui rappelle qu’elle avait rêvé d’être photographe à l’adolescence : « J’avais appris la photo au lycée et je n’avais pas osé continuer des études dans ce domaine. En tant que femme, je ne m’imaginais pas faire ce métier où il y avait surtout des hommes : je ne me projetais pas dans ce monde. »
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Mary-Lou a donc opté pour un « parcours classique », via une école de commerce : « Après l’Edhec, j’ai travaillé dans la communication et l’événementiel, pour Cartier, Louis Vuitton puis L’Oréal. Toujours en lien avec l’image, puisque j’engageais des photographes pour les événements que j’organisais. » Son solide réseau, son expérience de la gestion de projet et ses collaborations avec des professionnels de la photo l’ont aidé à faire ses premiers pas. « Je me suis d’abord offert, en 2020, une formation technique dans une prestigieuse école de l’image, les Gobelins à Paris, financée par mon compte personnel de formation, se souvient-elle. Un cadeau pour me faire plaisir, sans même savoir si ça allait devenir mon métier. J’ai voulu tirer d’un accident de la vie, une richesse et une expérience positive que je n’aurais pas vécue sinon. »
En parallèle, elle se passionne pour la « Fresque du Climat », un atelier collaboratif qui veut sensibiliser le plus grand nombre au changement climatique : elle devient animatrice et même formatrice agrée d’animateurs. « En janvier 2021, quand j’ai monté mon entreprise, j’ai créé mes deux activités en même temps, précise Mary-Lou. Cela demande deux fois plus d’énergie mais ça vaut le coup car se lancer dans la photo n’est pas évident… Donc c’est bien d’avoir une double casquette : si l’une marche moins bien, on peut compter sur l’autre, et l’une nourrit l’autre. » Elle fait converger sa mission pour la « Fresque du Climat » avec celle de photographe grâce à la série photo « Engagé.e.s » : « Chaque semaine, je partageais un reportage sur une personne engagée, en plus de mon travail de photographe en entreprise et pour des associations ou des institutions. »
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Elle repère une mention sur LinkedIn affichée par des profils pour montrer qu’ils sont conscients des enjeux écologiques : à l’instar de Greta Thunberg, plutôt que préciser leur année de naissance, ils font figurer la concentration de CO2 dans l’atmosphère à l’époque. Elle est mesurée en « partie par million », ou PPM, soit la quantité de carbone dans un million de particules d’air. Mary-Lou imagine alors le projet artistique « Born in PPM » : elle fait le portrait en noir et blanc de personnes avec leur taux de PPM inscrit à l’endroit du corps qu’elles souhaitent ; et elle leur demande leur ressenti face aux dérèglements climatiques. Elle-même, dans l’esprit du « protest tatoo », a marqué sur son épaule 340 PPM, correspondant au niveau de 1981. « Au départ, j’ai fait appel, de manière spontanée, à des gens de mon entourage et de mon réseau, notamment rencontrés quand j’étais directrice de l’engagement citoyen au sein du département RSE de L’Oréal. »
Puis elle installe un studio éphémère à Saint-Denis, au nord de Paris, ou encore lors de l’université de la Terre à l’Unesco, fin 2022 : « J’ai pu y faire poser des personnalités très impliquées, dont le photographe et réalisateur Yann Arthus-Bertrand : j’étais tellement stressée que j’ai mis plus d’un mois à lui envoyer le résultat ! » Elle n’en revient pas qu’il ait publiquement salué son talent sur LinkedIn et que les demandes se multiplient pour tirer le portrait de collaborateurs dans des sociétés, des collectivités, des fondations… Elle se remémore ses débuts, il y a deux ans à peine : « Je stressais par crainte de ne pas avoir de clients. Dès que mon téléphone sonnait, j’espérais une demande de devis et puis non, c’était du démarchage pour changer les fenêtres ! » Elle espère aujourd’hui que son initiative participative la dépasse et effectue le tour du monde, comme elle l’a fait en 2011 pendant sept mois : « Depuis, j’ai renoncé à voyager en avion, donc mon rêve est que des photographes de différents pays prennent le relais. » Son nouveau site dédié va permettre de publier ces clichés et même des autoportraits de volontaires, par-delà les frontières.