L’étude « Qui sont les recruteurs ? » publiée par l’agence de recrutement Brawo, mi-octobre 2022, donne un aperçu de l’importance des recruteurs et de leurs profils, dans un marché en pleine mutation. Kaelig Sadaune, fondateur de Brawo et auteur de l’étude en décrypte les enseignements.
Quel regard portez-vous sur le marché du recrutement ?
En tant que recruteur au niveau national pour tout type d’industries, nous constatons que le recrutement est en train de changer. Et le rôle du recruteur se digitalise énormément avec l’émergence de nouveaux concepts. Le premier constat structurel est en effet que les entreprises peinent à embaucher et à trouver des candidats. En revanche, il faut aussi préciser que les entreprises tardent à s’adapter à l’inversion du marché et de la relation candidat-employeur. Une des premières difficultés ressenties par les entreprises est leur manque de réactivité dans la prise de décision en matière de recrutement. Car cela doit passer par la direction générale ou opérationnelle. Ce processus apparait trop long par rapport à la pénurie actuelle et la nouvelle donne du marché du travail. Les recruteurs pourraient être plus autonomes.
L’étude dresse le « profil-type » du recruteur, que révèle-t-il du marché ?
Nous observons notamment que les recruteurs sont le plus souvent des femmes et que c’est un métier de début de carrière (deux tiers des recruteurs ont entre 25 et 35 ans et 73 % ont 6 ans d’expérience ou moins). Cela nous mène à penser que le métier de recruteurs reste sous-valorisé, bien qu’ils soient en première ligne sur le front de la guerre des talents aujourd’hui, dans un contexte économique tendu. Malgré l’incertitude généralisée, les entreprises continuent de vouloir beaucoup recruter, la fonction de recruteur est donc cruciale. D’autant que les sociétés doivent toujours plus se poser la question de leur degré d’attractivité : le recruteur est, en quelque sorte, le porte-parole de cette attractivité auprès des candidats au quotidien.
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Le manque de profils expérimentés dans le recrutement est-il un problème ?
Le sujet est plutôt celui du recruteur « augmenté », aux nouvelles compétences. Avec nos clients, nous réfléchissons beaucoup à leur ICP (Ideal costumer profile ou Profil client idéal) et sur de la segmentation marketing. Le recruteur doit sortir de ses missions classiques pour également s’orienter vers des compétences marketing et digitales. Aujourd’hui, la majorité des recrutements, au moins sur la partie en amont, se font via le digital.
Il faut que les entreprises laissent plus de latitudes aux recruteurs et les accompagnent en termes de développement de compétences marketing et digitales. Cela peut aussi passer par le recours à des acteurs et experts de recrutement externes. Notamment pour les PME chez qui il est difficile de s’adapter au marché du recrutement et d’aller chercher les candidats potentiels. Le recruteur se transforme parfois en véritable commercial représentant l’entreprise auprès de son public de candidats. Il y a donc un grand sujet sur la formation et nous y réfléchissons, chez Brawo, à proposer des modules adressés aux entreprises pour cultiver l’attractivité de leur marque auprès des candidats. Et suivre leur indicateurs de performance en termes de recrutement.
On parle aujourd’hui beaucoup d’acquisitions de talents, pourquoi ?
On peut effectivement considérer que les candidats sont des talents, mais le mot que je retiens est celui d’acquisitions. Cela renvoie aux enjeux de marketing digital, à la capacité de créer de l’attractivité, à entretenir un vivier de candidats en gérant une communauté sur les réseaux sociaux notamment, d’être visible au sens large. On peut, en quelque sorte, appliquer les éléments du marketing BtoB à la partie candidats. Et l’expression acquisition de talents renvoie à cette idée.
Quelle est la portée de cette étude et son message ?
Le but était de faire une photographie du marché et de se demander qui sont les recruteurs, une question rarement posée. S’agissant des enseignements à retenir de l’étude, l’idée est de dire que les entreprises doivent s’adapter à la façon dont les candidats agissent et réagissent sur le marché de l’emploi, revoir en profondeur et accélérer la prise de décision en matière de recrutement. Nous sommes sur un marché en évolution permanente, l’efficacité de la prise de décision est donc cruciale. L’autre sujet consiste à dire que le métier de recruteur est en première ligne face à tous ces enjeux, et mériterait d’être plus valorisé et reconnu. Et donc mieux formé en interne.
Mon sentiment est que la fonction recrutement devrait se détacher de la fonction RH et de son côté gestion administrative et sociale. Le recrutement est un métier à part entière qui exige une fonction propre et des recruteurs spécialisés et formés.