Le Gouvernement présente, à partir d’aujourd’hui, la réforme des retraites, proposant un recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans et un allongement de la durée de cotisation de 42 à 43 ans pour une retraite à taux plein. Or, l’employabilité des seniors pose actuellement problème et doit être améliorée. Analyse de Sébastien Van Dyk, directeur général de Talent Solutions, division conseil RH de ManpowerGroup, spécialiste de l’intérim et du recrutement.
A quel point les seniors sont-ils pénalisés par leur âge en France ?
Selon l’Insee et le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, le taux d’emploi des 50-64 ans était de 65 % en 2021, contre 82 % pour les 25-49 ans. Et il chute même à 33 % pour les 60-64 ans alors que, pour cette même tranche d’âge, il est de 70 % en Suède et de 62 % en Allemagne, la moyenne européenne atteignant 42 %.
Donc, globalement, les seniors sont écartés du marché du travail, situation qui s’intensifie après 55 ans. Il y a une forme de discrimination à leur encontre dans les embauches, quel que soit le parcours antérieur. Malgré la volonté affichée de diversité et d’inclusion, les employeurs ont tendance à faire du clonage afin de pourvoir les postes vacants : ils veulent souvent les mêmes profils pour assurer les mêmes fonctions. L’innovation sociale est nécessaire dans la manière de recruter pour permettre l’inclusion et gagner en objectivité afin de lutter contre les biais : il faut former les managers pour lever les a priori et réintroduire de la séniorité en entreprise, qui apporte de la stabilité dans les effectifs.
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Sur quels atouts peuvent compter les seniors ?
Actuellement, on parle d’un marché de candidats compte tenu des tensions dans les recrutements : les seniors ont leur carte à jouer dans ce contexte… Car, face à la pénurie de talents, les employeurs doivent élargir leurs critères et s’ouvrir à des profils plus diversifiés. Ceux qui ont une plus grande expérience professionnelle peuvent aussi faire valoir l’étendue de leur réseau et le fait qu’ils permettent d’élargir et diversifier l’écosystème en entreprise.
Que peuvent faire de leur côté les seniors pour améliorer leur employabilité ?
Les seniors doivent faire des efforts de formation pour mettre à jour leurs compétences techniques. Et il ne s’agit pas seulement d’activer le compte personnel de formation, qui est paradoxalement le plus connu en raison des fraudes et du démarchage dont il fait l’objet ! Il y a d’autres dispositifs que le CPF dont beaucoup de gens ne profitent pas par méconnaissance. Par exemple le parcours emploi santé, proposé par Pôle emploi pour aider à trouver un poste adapté en cas de problèmes de santé.
Quelles solutions peuvent contribuer à une meilleure inclusion ?
L’équilibre, c’est la clé de l’écosystème en entreprise : entre compétences récentes ou agilité avec les outils digitaux et expérience vécue riche ou connaissance de l’organisation ; entre hommes et femmes mais aussi entre juniors et seniors. Va-t-il falloir en passer par un index d’égalité senior ? C’est peut-être nécessaire pour stopper les mauvais réflexes, comme avec l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes mis en place depuis 2018. Ou comme pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, avec des lignes qui ont bougé grâce au cadre fixé.
Et pourquoi ne pas creuser l’idée d’un temps partiel de transmission pour les seniors à partir de 57 ans, afin qu’ils assurent le passage de relais entre générations ? Cela leur permettrait, en parallèle, de commencer à faire autre chose qui n’est pas forcément juste se préparer à la retraite. Tout cela doit se structurer, s’accompagner de mesures pour maintenir les seniors sur le marché du travail, surtout si l’on vise 64 ans comme âge légal de départ à la retraite.