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Réinventer le vendredi : nouvelles pratiques pour un travail plus flexible

De nombreux salariés et dirigeants perçoivent le vendredi comme plus léger, avec un impact direct sur la productivité et la procrastination. Certaines entreprises y voient l’occasion de repenser leurs pratiques pour mieux conjuguer bien-être, productivité et cohésion d'équipe.

À l’heure du travail hybride et de la semaine de quatre jours, le vendredi est de plus en plus perçu comme une journée de transition vers le week-end. Selon une enquête menée par Flashs pour Hostinger*, 50 % des salariés jugent cette journée plus détendue que le reste de la semaine, un sentiment partagé par 61 % des dirigeants et jeunes actifs (18-24 ans). Subséquemment, 28 % allègent effectivement leur charge de travail. 

La tentation de reporter les tâches au lundi est aussi forte pour 67 % des salariés qui affirment repousser certaines responsabilités à ce jour (81% chez les dirigeants). Ces comportements soulèvent une question : et si le vendredi, au lieu d’être perçu comme un jour inutile, pouvait devenir un levier pour mieux organiser ou distribuer le travail sur la semaine ? Comment faire du vendredi un levier de bien-être et de productivité ? D’ailleurs, à l’heure où la fin du télétravail semble sonner, le vendredi, n’est-il pas un des moyens de réconcilier les salariés avec la vie de bureau ? 

Le « phénomène du vendredi » : décryptage 

Pour Lara Bertola, Professeur adjoint en Management et Organisation à Rennes School of Business, cette dynamique s’inscrit dans une tendance plus large des « Flex Fridays » et de la semaine de quatre jours, dont l’objectif est d’améliorer l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle tout en augmentant la satisfaction au travail. « En France, cette approche prend de l’ampleur. À titre d’exemple, Front a mis en place le flex friday, un jour où les salariés sont injoignables : cela signifie qu’ils n’ont aucune réunion, aucune notification à gérer, et aucune obligation formelle de travailler, leur permettant de se concentrer sur leurs propres priorités ou de prendre du temps pour eux-mêmes. » Résultat, 89 % des employés se disent être plus heureux dans leur travail grâce au vendredi flexible et 87 % témoignent d’un impact positif sur leur désir de travailler pour l’entreprise. Lara Bertola souligne aussi que ces aménagements sont particulièrement attractifs pour les jeunes générations, pour lesquelles la flexibilité est devenue un critère de choix dans un contexte de « Grande Démission ». Cependant, elle alerte sur le risque de surcharge de travail pendant les jours restants en référence à une analyse d’Adecco Group : « Une semaine raccourcie demande des attentes claires pour éviter le stress et garantir un équilibre sain entre travail et vie privée. »

Alors, comment tirer parti du vendredi pour en faire un temps fécond ? À travers la double étymologie grecque du mot temps, plusieurs sources de réflexion sont possibles : là où Kronos représente le temps linéaire, mesuré et souvent subi, Kairos symbolise le moment opportun, qui invite à agir de manière optimale et avec intention. Ainsi, plutôt que de simplement attendre le week-end, le vendredi pourrait devenir un moment propice pour des activités spécifiques et significatives, comme la créativité, la collaboration et la réflexion personnelle. Certaines entreprises, à l’instar de Front, s’inscrivent déjà dans cette approche du Kairos.

5 entreprises, 5 vendredis : lumière sur les expérimentations en cours

  • Euripole : Déjeuners d’équipe pour clôturer la semaine en convivialité

Euripole, centre d’affaires pour entrepreneurs, organise chaque vendredi un déjeuner d’une heure et demie avec son équipe, souvent en présence de clients et partenaires proches. « Ces moments sont essentiels pour renforcer nos relations internes et externes, et permettent à nos collaborateurs de décompresser avant le week-end », explique Patricia Bocquet, directrice générale. Ce rituel crée un espace informel propice aux échanges et à la coopération, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance tout en clôturant la semaine sur une note positive.

  • Quaternaire : Planification et convivialité avec les apéros Business Unit

À Nantes, la société de conseil Quaternaire a instauré des apéros par Business Unit tous les vendredis, permettant aux équipes de se retrouver sans pression de livrables. Cette initiative favorise le lien interne et permet de planifier les activités des semaines à venir dans une ambiance détendue. « Le vendredi est un jour où l’on prend le temps de se recentrer, de partager les réussites et les défis de la semaine », explique Alexandre Letenneur, directeur général de Quaternaire. Ce rituel permet aux équipes de créer des synergies et de finir la semaine en posant les bases pour la suivante.

  • Letsignit : Hackathon du vendredi pour une créativité décuplée

Depuis quelques mois, Capucine Roche, PDG de Letsignit, réfléchit à une nouvelle dynamique pour les vendredis, visant à en faire une journée plus créative et conviviale. Avec certains collaborateurs en télétravail ce jour-là, les bureaux sont souvent plus calmes, cette atmosphère intimiste plaît aux équipes sur site. « Ils se retrouvent en petit comité, et l’ambiance est plus légère, propice aux échanges informels et à la créativité », explique Capucine Roche. Pour exploiter cette dynamique, l’entreprise a décidé de programmer des moments spéciaux les vendredis, comme le jury final de leur hackathon. « Nous avons été agréablement surpris : plus de la moitié des collaborateurs sont venus sur site, alors que leur présence n’était pas obligatoire. » Ce succès pousse Letsignit à multiplier ce type de moments, transformant ainsi le vendredi en un temps de légèreté et de cohésion. 

  • Slack : « Focus Friday » pour une productivité maximale

Le géant technologique Slack a instauré les « focus fridays », des vendredis sans réunion permettant aux collaborateurs de se concentrer sur leurs tâches sans interruption. « Nous avons constaté que ce format aide 84 % de nos salariés à être plus productifs et à se concentrer pleinement sur leurs projets », indique Christina Janzer, vice-présidente de la recherche et de l’analyse des données chez Slack sur le blog de l’entreprise. En allégeant les sollicitations internes, Slack parvient à maximiser la productivité de fin de semaine, évitant ainsi la tentation de procrastiner et améliorant la qualité des livrables.

  • Airplum : Matinée créative et week-end prolongé

Enfin, Airplum, créateur de chaussons français, a pris le parti de libérer ses employés dès 11h le vendredi, offrant ainsi un week-end prolongé. Durant cette matinée, des ateliers créatifs, où les équipes collaborent sur des projets innovants ont été organisés. « En partant plus tôt, les collaborateurs sont plus détendus et profitent d’une matinée où leur créativité est valorisée », explique Hervé, co-associé d’Airplum. Cette flexibilité favorise un équilibre vie professionnelle-vie personnelle tout en permettant aux 50 employés de sortir de leur quotidien via des temps collaboratifs.

Le vendredi : une passerelle temporelle pour adoucir le retour au bureau ? 

En repensant le vendredi comme un jour de relâchement créatif, les entreprises font plus qu’apporter une touche de légèreté à la semaine de travail : elles amorcent peut-être le premier pas vers une semaine de quatre jours. L’étude Hostinger révèle en effet que 46 % des salariés opteraient pour un vendredi sans travail si ce modèle était instauré. Par ailleurs, en diversifiant les formats de travail – que ce soit par des activités collaboratives, des moments créatifs, ou du temps pour se recentrer – ces nouvelles initiatives pourraient aussi contribuer à atténuer les tensions liées au retour au bureau, une question cruciale pour de nombreuses entreprises dans les mois à venir. « Utiliser le vendredi pour faire revenir les collaborateurs est une stratégie intéressante à condition de miser sur la coopération à travers des ateliers ou en utilisant ce temps pour faire des feedbacks par exemple », conclut Lara Bertola. 

*L’enquête a été réalisée entre le 23 et le 29 août 2024, auprès de 1 000 salariés et 1 000 dirigeants d’entreprises du secteur tertiaire

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