Même si le télétravail continuera à se développer après la crise du Covid-19, les salariés devraient retourner dans les bureaux dans les prochains mois. Un défi pour les managers et les dirigeants, qui ne devront pas rater un cap obligé : la réunion de “rentrée”. Un moment qui s’annonce particulier, entre discussions personnelles et opérationnelles, mais incontournable pour remobiliser les équipes.
Après 3 mois de télétravail, les Français remettront-ils tous les pieds dans leur entreprise ? Selon le ministère du Travail, 48 % des salariés sont revenus sur site fin mai, tandis que 23 % restent en télétravail. La majorité des entreprises prévoient un “retour à l’activité normale” d’ici septembre. Face à ce retour annoncé dans les bureaux, un temps de partage semble incontournable, entre collaborateurs, managers et dirigeants. Mais quels sujets aborder ? Comment relancer la machine sans que cela soit trop brutal ?
LIRE AUSSI : Déconfinement : “il serait dommage de retourner vers une organisation du travail hyper-procédurale” (Marie Pezé)
Laisser “parler les cœurs”
Premier constat : il faudra ménager les salariés, les écouter et les laisser parler. “Il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’a pu avoir cette période de confinement pour les individus. Chacun l’a vécue de façon différente. Certains reviendront avec l’angoisse de la contamination, ou au contraire seront excités par la possibilité de revoir leurs collègues. Des salariés auront apprécié le télétravail et reviendront à reculons. D’autres auront connu une surcharge de travail à domicile, ou seront restés au chômage partiel pendant 3 mois, et rentreront avec une pointe de ressentiment”, explique Louis Vareille.
Cet ancien cadre dirigeant devenu “réuniologue” alerte sur le risque de chercher à “effacer cette expérience”. Pas question de faire comme si rien ne s’était passé durant la pandémie. La première réunion physique, “incontournable pour remobiliser les équipes”, devra être un “moment particulier” d’échanges. “Il faudra faire parler les cœurs, avant de relancer les affaires. Les dirigeants et les managers devront mettre en place un scénario de retrouvailles, où les personnes pourront d’abord partager leurs ressentis, positifs ou négatifs”, note Louis Vareille.
Cette réunion de “rentrée”, très spéciale, aura ainsi de faux airs de groupe de parole. Une sorte de thérapie post-catastrophe, durant laquelle les salariés pourront parler des difficultés rencontrées lors du confinement. “Mais aussi de ce dont ils sont fiers, ce qu’ils ont appris, et ce qu’ils feront différemment à partir de maintenant. Pour cela, il faut créer un espace dans lequel chacun peut partager son vécu, avant de se projeter sur la suite”, insiste le réuniologue.
Aux managers et dirigeants d’anticiper cette réunion. Pas question de la réaliser en l’absence d’un ou deux collaborateurs : tous devront être présents. Et l’événement devra être préparé en amont, durant la première semaine du retour au bureau. Louis Vareille propose même une technique à suivre ; la “1-2-4-tous”. D’abord, permettre à chacun de s’interroger individuellement sur son expérience. Ensuite, partager cela avec un binôme, dans le cadre d’une écoute réciproque. Puis réunir les collaborateurs par groupes de 4 pour les laisser échanger. Enfin, organiser une restitution auprès de tous.
LIRE AUSSI : Déconfinement : “L’erreur serait de se tourner tout de suite vers le business”
Faire parler les têtes
Après tout ce travail sur le ressenti et le vécu, place aux questions liées à l’organisation et aux process. “Cette fois, il faudra faire parler les têtes. Chacun devra expliquer ce qu’il aura appris en matière de méthodes de travail. Analyser aussi les avantages et inconvénients du télétravail. Puis proposer de garder certaines choses et d’en oublier d’autres, parmi tout ce qui aura été appris ces 3 derniers mois”, explique Louis Vareille.
Avant la pandémie, le télétravail était encore exceptionnel chez nombre d’organisations. “Les événements ont rendu l’impossible possible. Les entreprises comme les salariés ont vu les points positifs et les points négatifs du travail à distance. Le cadre de référence sur ce sujet a complètement changé. Or, les entreprises doivent mettre en place un encadrement de ce dispositif, elles sont dans une phase de réflexion sur le sujet. Des milliers de questions, liées au matériel et au management notamment, se posent. Voilà pourquoi il faudra aussi discuter de tous ces points très concrets avec les collaborateurs”, précise le réuniologue.
Concrètement, la réunion de rentrée devrait être divisée en deux temps distincts, entre le partage des ressentis et les questions organisationnelles. Le réuniologue conseille d’organiser la seconde une semaine après la première.
LIRE AUSSI : Contre la réunionite, “les entreprises doivent apprendre à poser un cadre”
Un manager / dirigeant empathique
Lorsqu’il laissera “parler les cœurs”, le manager ou le dirigeant qui animera la réunion devra avant tout faire preuve d’empathie, tout en “redonnant du sens” et en rappelant la raison d’être de l’équipe. “Il devra être très à l’écoute, en retrait même, afin de laisser un espace pour libérer la parole”, estime Louis Vareille. Cette même posture sera tout aussi utile pendant la phase dédiée à l’opérationnel. “Pendant le confinement, les managers ont souvent appris à écouter et à laisser plus d’autonomie à leurs collaborateurs, à lâcher prise. Ces enseignements humains devront être pérennisés et discutés pendant la réunion, mais ils pourront aussi nourrir leur propre animation de ce temps d’échanges”, observe le réuniologue.
L’empathie, dans tous les cas, demeure la clé de cette réunion de rentrée post-confinement. Surtout si certains salariés reviennent physiquement ou mentalement épuisés. “On peut partir du principe qu’il y aura une période de convalescence, et qu’il faudra adapter le niveau d’exigence et le tempo à la situation”. Pas question, donc, de mettre les équipes sous pression, avec des objectifs trop ambitieux, voire inatteignables. “Personne ne sortira indemne de cette expérience, et tout le monde a un intérêt à prendre le temps d’évaluer ce qu’il a appris dans ce cadre. Manager y compris”, conclut Louis Vareille.