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Rythmes scolaires : quand le passage à la semaine de 4 jours impacte le salaire des femmes

C’est la rentrée ! Cette année, 8 enfants sur 10 en écoles maternelles et élémentaires n’iront pas en classe le mercredi. Au-delà des problèmes de distorsion sur le territoire et derrière les enjeux financiers et éducatifs, se cache une autre problématique :  l’impact sur la carrière des parents et en particulier des femmes. Décryptage des choix auxquels ils sont confrontés.

 

Depuis 2017, les municipalités peuvent choisir de repasser à la semaine de 4 jours dans les écoles maternelles et élémentaires. L’année dernière, selon le ministère de l’Éducation nationale, un tiers des établissements avaient opté pour cette formule. En ce jour de rentrée, 80 % des écoliers seraient concernés, même s’il n’existe pas pour l’instant de base de données publique précise pour recenser les communes.

L’impact sur le bien-être des enfants et la qualité de l’apprentissage fait polémique, chronobiologistes et enseignants demeurent partagés sur le sujet. Si les bénéfices pour l’enfant ne sont pas acquis, qu’en est-il des conséquences pour les parents qui travaillent ?

 

Quelles alternatives ?

Dans le cadre d’un passage à 4 jours, plusieurs cas de figure se présentent aux parents. Il y a bien sûr la situation d’un couple dont l’un des deux parents est au foyer. Dans ces circonstances, la solution est simple mais en la matière, la parité est loin d’être la règle. Si l’un est au chômage, il peut temporairement garder les enfants le mercredi. Mais ce n’est en rien une situation pérenne, et cela peut représenter un frein au retour à l’emploi. Autre cas de figure, celui de deux parents qui travaillent mais ont près de chez eux des grands-parents à la retraite ou disponibles (ou d’autres personnes de l’entourage) qui peuvent prendre le relais. Pour les parents d’un enfant scolarisé en maternelle ou primaire ayant un petit frère ou une petite sœur de moins de trois ans, il est possible que l’un des conjoints prenne un congé parental (à temps complet ou partiel). Là encore, c’est bien souvent une femme qui y consentira. Pour des raisons sociétales mais aussi pour des motifs très pragmatiques. En effet, les aides en cas de congé parental sont fixes (voir le tableau ci-dessous sur la Prestation partagée d’éducation de l’enfant [PreParE]). Plus le salaire de départ est élevé plus la perte est importante. Et les femmes ont encore très souvent le plus petit salaire du foyer, mieux vaut donc sacrifier celui-ci.

 

montants_PreParE_Courrier_Cadres

 

 

Autre cas, celui de deux parents qui travaillent mais gagnent suffisamment leur vie pour payer une nounou. Rappelons que les aides de la Caf sont plafonnées (voir les tableaux ci-dessous).

 

aides_Caf_Courrier_cadres

 

Si les parents font déjà appel à une garde périscolaire le soir, les montants peuvent être rapidement dépassés, comme le montrent nos simulations. À noter que le reste à charge donne droit à un crédit d’impôt, lui aussi plafonné (dépenses retenues de 15 000 euros maximum avec deux enfants à charge, 13 500 pour un seul enfant).

 

Simulation_cout_garde_enfant_Courrier_Cadres2

 

Dans les autres cas, l’enfant passera son mercredi au centre de loisirs. Il ne bénéficiera donc pas du repos du mercredi, tout en étant plus fatigué par des journées d’écoles plus denses. De quoi faire culpabiliser certains parents.

 

Relâcher les contraintes

Autant de paramètres qui nourrissent la réflexion des couples et qui expliquent en partie que le changement de rythme scolaire ait des répercussions sur les carrières, et plus particulièrement sur celles des femmes. En avril 2017, l’Institut des politiques publiques (IPP) publiait les résultats d’une étude menée par Emma Duchini, chercheuse postdoctorale à l’université de Warwick, et Clémentine Van Effenterre, chercheuse postdoctorale à la Harvard Kennedy School. Elles ont analysé l’impact de la précédente réforme de 2013 qui avait fait passer la semaine de 4 jours à 4 jours et demi. Conclusion : celle-ci avait permis de réduire l’inégalité qui persiste entre hommes et femmes sur le marché de l’emploi.

L’étude portait sur les femmes dont le plus jeune enfant était en âge d’aller à l’école primaire (entre 6 et 11 ans) et comparait leurs trajectoires avec celles dont le plus jeune enfant avait entre 12 et 14 ans. Mais les résultats se maintiendraient en incluant les mamans dont le plus jeune enfant était en âge d’aller à la maternelle.

 

Avant 2013, plus de 40 % des femmes dont le plus jeune enfant était en âge d’aller à l’école primaire ne travaillaient pas le mercredi. Un chiffre beaucoup plus important que dans d’autres pays européens comme l’Espagne, l’Angleterre et l’Allemagne. Et surtout, deux fois plus élevé que pour les hommes.

 

Avec le passage à 4 jours et demi, les chercheuses ont observé une augmentation significative de la participation au marché du travail le mercredi. “Cela correspond à peu près à un tiers de l’écart qui séparait les femmes dont le plus jeune enfant était en âge d’aller à l’école primaire de celles qui avaient un enfant un peu plus âgé, explique Clémentine Van Effenterre. C’est quand même un rattrapage assez important en peu de temps. On voit aussi une augmentation des heures travaillées.” Depuis, ont été exclues de l’échantillon les femmes travaillant de près ou de loin dans le milieu scolaire. Et les résultats se sont confirmés voire amplifiés.

 

Les cadres les plus pénalisées

Les effets sur les heures travaillées sont tirés par un groupe de femmes diplômées du supérieur, plutôt cadres, dans des positions managériales. Du fait de leur présence plus régulière et continue sur leur lieu de travail, leur salaire a augmenté plus que proportionnellement aux heures travaillées supplémentaires.

“Le salaire horaire augmente, c’est comme si elles avaient réduit de 10 % l’écart avec les hommes les plus qualifiés. Pour nous, c’est une preuve que la flexibilité horaire et le temps partiel, c’est coûteux pour les femmes. Il y a un choix des femmes, sans doute contraint par les normes sociales, qui fait qu’elles préfèrent prendre leur mercredi pour s’occuper de leurs enfants. Mais dès qu’on relâche cette contrainte, dès qu’on offre la possibilité aux enfants parce que l’école est obligatoire, d’y être le mercredi, les mères sont récompensées en raison de leur présence plus longue et continue sur le lieu de travail.”

 

Par quel mécanisme ?  Les chercheuses creusent actuellement le sujet. “On ne sait pas si c’est lié à une augmentation de la productivité, au fait que l’employeur perçoive une plus grande présence comme une forme de loyauté qu’il récompense, ou si le fait de travailler un peu plus permet d’accomplir des tâches nécessitant un nombre d’heures incompressibles.” Plusieurs explications sont envisageables. Mais quoi qu’il en soit, alors que l’égalité entre femmes et hommes a été érigée en “grande cause du quinquennat”, la question mérite d’être posée sur la table. “Plus on monte dans la distribution des qualifications et des revenus, plus les inégalités de salaires entre hommes et femmes augmentent, soulève Clémentine Van Effenterre. C’est donc un levier qu’on n’utilise pas pour combler des inégalités femmes-hommes !”

 

 

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