Management

Santé au travail : faut-il créer un “index” de la QVT ?

Pour améliorer la QVT dans les entreprises, mais aussi pour réduire le nombre de maladies professionnelles, deux sénateurs proposent notamment de faire de la santé au travail un “service universel pour l’ensemble des travailleurs”, et de créer un classement des entreprises en fonction de leur QVT.

 

Dans leur rapport sur la santé au travail, diffusé début octobre, les sénateurs Pascale Gruny et Stéphane Artano font le constat que le coût des maladies professionnelles est de 12 milliards d’euros pour la Sécurité sociale, et que cela “pèse sur les performances” de l’économie française.

“Dans un contexte de prise de conscience de la complémentarité entre santé et performance, avec une préoccupation de plus en plus importante chez les employeurs pour l’amélioration des conditions de travail des salariés”,  l’enquête observe que le système français de santé au travail est “profondément inégalitaire”.

En effet, notent les sénateurs, “certaines catégories de travailleurs restent exclues de la Médecine du travail”, notamment les chefs d’entreprises et les travailleurs indépendants.

Les rapporteurs notent aussi que la “perception actuelle de la santé au travail reste problématique chez les employeurs, qui, pour partie, y voient un système ineffectif et sans rapport avec son coût”.

“La santé au travail continue d’être pensée par le prisme des enjeux industriels”. Selon l’étude, on assiste en outre à une “psychologisation progressive” des problèmes de santé au travail, “souvent liée à l’organisation du travail”, expliquent-ils.

 

La Médecine du travail pour les indépendants et les chefs d’entreprise

Afin de “moderniser” le système français de santé au travail, Pascale Gruny et Stéphane Artano édictent 43 propositions. Outre une refonte de sa gouvernance et de son financement, ils préconisent de le “consacrer comme un service universel pour l’ensemble des travailleurs”, en permettant notamment aux indépendants et aux chefs d’entreprises de bénéficier de la Médecine du travail.

Les dispositions du Code du travail relatives à la santé et à la sécurité au travail excluent en effet la plupart des travailleurs non-salariés (TNS), notamment les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, ainsi que les professions libérales, soit environ 2,8 millions de personnes.

“Pour autant, ces derniers font face à des problèmes de santé au travail divers, et les risques auxquels ils sont exposés ne sont pas fondamentalement différents de ceux qui concernent les salariés”, écrivent les sénateurs.

En outre, les travailleurs indépendants sont particulièrement sujets à des risques de burn-out et de dépression.

Concrètement, le rapport propose donc d’intégrer les chefs d’entreprise dans le SST (service de santé au travail) de leur organisation, et de prévoir un “rattachement obligatoire” des travailleurs non-salariés au SST de leur choix, “moyennant une cotisation individuelle”.

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Former salariés et cadres à “l’évaluation de l’impact de l’organisation du travail” sur la santé

Pour “améliorer la prévention des risques psychosociaux et les conditions de leur reconnaissance comme maladies d’origine professionnelle”, Pascale Gruny et Stéphane Artano recommandent de faire de la QVT “une priorité”.

Le rapport constate que la France se situe parmi les pays européens reconnaissant le plus de maladies professionnelles, mais que pour autant, de nombreuses pathologies demeurent sous-déclarées, de par “la persistance de comportements de dissimulation chez employeurs (en vue de prévenir un rehaussement de leur taux de sinistralité, et donc de leur cotisation AT-MP) (1), et l’insuffisante connaissance par les victimes de leurs droits à réparation”.

Parmi leurs propositions, les sénateurs recommandent d’instituer, pour certaines pathologies (notamment psychiques), un “système de pourcentage de risque attribuable à l’environnement professionnel” ; qui devrait permettre de “mieux lutter contre la sous-déclaration des maladies professionnelles”, mais aussi de responsabiliser les employeurs.

Le rapport propose aussi de déployer un plan de formation à destination des cadres et des salariés, portant sur la prévention des risques psychosociaux (RPS) et “l’évaluation de l’impact de l’organisation du travail” sur l’état de santé des collaborateurs. Et de conseiller la mise en place d’un “système incitatif”, afin d’encourager les employeurs à suivre ce programme.

“Une ristourne sur le taux de cotisation AT-MP pourrait être accordée aux entreprises ayant permis la formation d’au moins 50 % de leur effectif à la prévention et à la gestion des RPS dans un délai déterminé”, écrivent-ils.

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Évaluer la QVT dans toutes les entreprises

Pascale Gruny et Stéphane Artano proposent enfin de “charger les SST” de conduire “une évaluation triennale” de la QVT dans les entreprises.

Afin de prévenir les burn out, les rapporteurs conseillent de s’inspirer, notamment, du “management bienveillant” pratiqué au Danemark.

“Le développement d’une culture d’entreprise misant sur un management à l’écoute s’y est imposé, car le bien-être au travail y est devenu un enjeu réputationnel pour les entreprises”, notent-ils.

Au Danemark, une loi, la Working Environment Act, a en effet mis en place en 2005 un système d’évaluation du “niveau de conformité aux standards de qualité de la santé au travail” des entreprises, ainsi qu’un classement obligatoire. Celles-ci se voient décerner une note, sous forme de smileys. Si celui-ci est rouge, au lieu d’être vert, elles risquent une “injonction”, voire un “avis de suspension d’activité”. Parmi les critères évalués, on retrouve le rythme de travail, les situations de harcèlement et la monotonie des tâches.

Des “labels” de QVT se multiplient en France, “mais ceux-ci sont décernés par des organismes privés lucratifs (Great Place to Work, Choose My Company…) ou non lucratifs (trophées QVT délivrés par certaines Aract), sans que ces démarches aient fait l’objet d’une évaluation par un tiers de confiance à partir d’un référentiel ou d’un cahier des charges reconnus au niveau national : La tentation est donc grande pour certaines entreprises candidates à ces labels de se cantonner à la mise en place de mesures ponctuelles, sans véritablement se livrer à une réflexion structurante”, observent les rapporteurs.

Selon eux, les résultats d’une évaluation sur le modèle de celle mise en place au Danemark, mais aussi de l’index de l’égalité femmes – hommes mis en place en France en mars 2019, devraient “déboucher, le cas échéant”, sur la “co-construction” entre l’employeur, les représentants du personnel et le SST, d’un “plan d’action” en faveur de l’amélioration de la QVT.

 

(1) La cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles couvre les risques accidents du travail, les maladies professionnelles et les accidents du trajet. Elle est à la charge de l’employeur.

 

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