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Santé au travail : ce que prévoit l’accord trouvé par les partenaires sociaux

Après l’ANI sur le télétravail en novembre, les partenaires sociaux ont trouvé un terrain d’entente sur la santé au travail. Axé sur la prévention, l’accord met l’accent sur la lutte contre la désinsertion professionnelle, offre un “passeport” aux salariés pour se “former” en gestion du stress, et émet des règles concernant les risques psychosociaux. Mais il ne fait pas l’unanimité. La CFTC réserve sa signature. La CGT a émis un avis défavorable.

Tout comme pour le télétravail, le dialogue social a longtemps buté sur la question de la santé au travail. Les négociations traînaient depuis 6 mois, et des désaccords persistaient, notamment autour de la responsabilité des employeurs et du recours à des médecins généralistes. Mais les syndicats et les organisations patronales ont finalement trouvé un terrain d’entente.

 

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Jeudi 10 décembre, ils se sont entendus pour signer, d’ici au 8 janvier, un accord national interprofessionnel (ANI). Mais il ne fait pas l’unanimité. La CFTC réserve sa signature. La CGT a émis un avis défavorable. Voici ce que ce texte prévoit.

 

Prévention et responsabilité de l’employeur

La première partie de l’accord concerne la prévention primaire, c’est-à-dire les actions que l’employeur doit mettre en œuvre pour lutter contre les risques professionnels. Selon l’accord, il doit “s’attaquer en amont aux causes profondes des risques avant qu’ils produisent leurs effets”. Pour les évaluer, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) reste l’outil essentiel à utiliser.

Le projet d’ANI rappelle que les employeurs ont, selon le Code du travail, une obligation de sécurité et de protection des salariés. Et les incite “à développer des actions de prévention”. Tout en précisant que “la jurisprudence a admis qu’un employeur et ses délégataires pouvaient être considérés comme ayant rempli leurs obligations s’ils ont mis en œuvre les actions de prévention”.

À noter que le texte prévoit de “renforcer les possibilités de formation” des représentants du personnel sur la santé au travail, avec notamment une prise en charge financière par l’État pour les entreprises de moins de 50 salariés. Un “passeport prévention” pour les salariés devrait aussi être “proposé” aux employeurs, afin de leur permettre de faire bénéficier leurs collaborateurs de “formations individualisées” ; en matière de gestion du stress, notamment.

 

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Risques “classiques” et psychosociaux

L’accord liste les risques “classiques” auxquels les salariés sont confrontés : produits chimiques,  accidents, situations de travail entrainant une “usure professionnelle”. En matière de risque chimique, il défend une meilleure traçabilité afin “d’évaluer la polyexposition des salariés et de repérer” ceux devant faire l’objet d’un suivi post-professionnel.

Mais le projet d’ANI met surtout l’accent sur les risques psychosociaux (RPS), à l’origine de cas de dépression et de burn-out. Il indique que l’employeur “se doit d’évaluer et de mettre en place des actions de prévention”. Le texte reste vague concernant l’évaluation et l’analyse des organisations de travail, mais invite les dirigeants à “prendre en compte les changements” (techniques, méthodes de travail, management) pouvant “susciter des risques”.

 

La QVT devient la “qualité de vie et des conditions de travail”

La politique de QVT des entreprises est rebaptisée “qualité de vie et des conditions de travail” (QVCT). Appelée à faire partie des thématiques de négociations obligatoires, ses objectifs devront porter sur les conditions de travail,  “l’utilité et le sens du travail”, la “conduite du changement”, les nouvelles modalités d’organisation du travail (notamment le télétravail), la participation des salariés à la stratégie QVT de l’entreprise, ainsi que “l’articulation” des temps de vie.

 

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Une politique active pour prévenir de la désinsertion professionnelle

L’ANI prône aussi la tenue par l’employeur d’une “politique active” de prévention de la désinsertion professionnelle, en œuvrant notamment pour le maintien en emploi des salariés ayant été touchés par des problèmes de santé, souvent déclarés inaptes et licenciés. Le texte permet dans cette optique la mise en place par les entreprises de “cellules dédiées” au sein des services de santé, et l’organisation de visites médicales “de mi-carrière”.

 

Une collaboration entre médecine du travail et médecine de ville

Face à “une pénurie” de médecins du travail, l’accord propose “une collaboration entre la médecine du travail et la médecine de ville”. Un point qui divise toujours les syndicats. Concrètement, le texte prévoit de confier une partie des missions des médecins du travail à des médecins généralistes “volontaires et formés” en la matière. Ces “médecins praticiens correspondants” s’occuperaient notamment des ”visites médicales périodiques et de reprise du travail”.

 

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Une “modernisation” des services de santé au travail interentreprises

Afin d’améliorer leur coordination, le projet d’accord regroupe en outre les services de santé au travail interentreprises (SSTI) ou autonomes (SST), et les transforme en “services de prévention et de santé au travail” (SPST). Des services qui devraient être axés sur “une offre socle soumise à un processus de certification” et “labellisée”. 

Les services de santé au travail devront notamment développer une “interface informatique” avec les employeurs et les salariés. Selon le Medef, cette mesure devrait aussi “consacrer la prévention, le suivi médical et la prévention de la désinsertion professionnelle”.

 

La création de commission au sein des branches

Le projet d’ANI propose enfin de créer une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail (CSST) au sein des branches professionnelles, ainsi que dans les entreprises de moins de 300 salariés (dans le cadre du CSE).

 

Un accord qui divise

Mais tous les partenaires sociaux ne sont pas convaincus, et certains restent leurs gardes. Si la CFDT, FO et la CFE-CGC ont donné un avis favorable et que l’accord est donc majoritaire, nombre d’organisations nous ont ainsi fait part de leurs doutes. À commencer, dans les rangs mêmes du patronat, où la CPME réserve sa signature. Elle conteste en effet le fait que seules les entreprises de moins de 50 salariés verront le coût de la formation des élus du personnel sur la santé au travail prise en charge, alors qu’elle voulait que ce seuil soit relevé à 300 salariés.

Côté syndicat, la CGT a émis un avis négatif. Son négociateur, Jérôme Vivenza, que nous avons interrogé, condamne sans ambages un texte “dangereux, porteur de nouveaux reculs pour les salariés, et qui dédouanerait facilement les employeurs”. De son côté, la CFTC refuse pour l’instant de se prononcer et a réservé sa signature, dans l’attente de plusieurs éclaircissements. “Ce texte a des éléments positifs, et d’autres qui posent encore question”, nous explique Pierre-Yves Monteleon, responsable confédéral de la cellule “santé au travail”.

 

–> Rendez-vous demain, vendredi, pour en savoir plus sur les inquiétudes de ces deux syndicats, qui nous ont fait part de leurs doutes, et qui se rejoignent finalement dans leur besoin d’éclaircissements.

 

À noter, enfin, que parallèlement à cet ANI, une proposition de loi, portée par la députée La République en marche (LRM) Charlotte Lecocq, pourrait être déposée à l’Assemblée d’ici à la fin de l’année. Dans un communiqué, la ministre du travail, Elisabeth Borne, se veut rassurante. Elle “salue l’accord conclu par les partenaires sociaux” et annonce ainsi que “le gouvernement veillera, lors de la transcription de cet ANI dans le droit du travail, au respect de son contenu et de son équilibre”.

 

 

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