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Santé mentale au travail : comme Simone Biles, brisons le tabou de la dépression !

Près d'une personne sur cinq a connu ou connaîtra une dépression dans sa vie. Or, la manière dont elle se déclenche et ses symptômes restent difficiles à repérer, voire sont tabous pour certains. Alors, comment détecter les signaux faibles ? Agir pour s'en libérer ? Et surtout, renaître de ses cendres, encore plus fort qu'avant ? Éclairage de Gaëlle Blanchard-Leclère, psychologue du travail.

La santé mentale a un impact considérable sur la performance. Si on parle de plus en plus de burn-out, de surcharge mentale ou encore de bore-out au travail, la dépression semble rester un sujet tabou en entreprise. Dans la sphère sportive, la parole se libère depuis quelques années. Cet été encore, des sportifs de haut niveau, comme Simone Biles, Noah Lyles ou Léon Marchand, ont profité des Jeux olympiques de Paris 2024 pour parler de leur dépression. « Elle peut toucher potentiellement tout le monde et à tout moment », affirme Gaëlle Blanchard-Leclère, psychologue et experte en santé au travail.

Quelle définition de la dépression ?

En effet, près de 20 % de la population générale a connu ou connaîtra une dépression au cours de sa vie, rapporte l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). L’organisme de recherche scientifique français précise toutefois qu’il est difficile de proposer une définition précise tant il existe de formes cliniques. La spécialiste en santé mentale la caractériserait d’abord comme une « décompensation psychique. Soit une phase de rupture de l’équilibre psychologique d’une personne. Une situation, parfois anodine, vient réveiller un évènement traumatique enfoui. Ce qui provoque la dépression. »

Elle est ensuite perceptible à travers différents symptômes : tristesse pesante et permanente, perte de l’estime de soi, anxiété et/ou culpabilité forte, perte de plaisir, trouble de l’attention et/ou du sommeil, indifférence affective, etc. Ou à travers des comportements, précise la psychologue, comme « une entrée dans une ou plusieurs addictions. Souvent, c’est une addiction à l’alcool, au sexe et/ou à une alimentation excessive. Ce sont des anti-dépresseurs naturels. Ils viennent compenser la dépression. »

Détecter les symptômes et les signaux faibles

Dans la plupart des cas, l’individu ne sera pas en mesure d’identifier lui-même sa dépression : « Le poisson ne voit pas l’eau dans laquelle il nage, même quand elle se trouble », illustre Gaëlle Blanchard-Leclère, en s’inspirant de la citation de Lao Tseu. L’entourage personnel ou professionnel peut toutefois détecter des signaux faibles : « Lorsque la dépression s’installe brutalement chez une personne, cette dernière n’est soudainement plus capable de faire des choses qu’elle connaissait par cœur. Elle change parfois radicalement de comportement. Ce sont, par exemple, des gens enthousiastes qui deviennent pessimistes ou ont des idées morbides », explique-t-elle.

Cependant, lorsque la dépression arrive de manière plus insidieuse, voire est pathologique (c’est-à-dire installée depuis longtemps), c’est plus délicat pour les proches, car « le déni de mal-être de la personne est fort, son changement de comportement a été progressif et est devenu habituel. La dépression peut être associée à tort à sa personnalité. » Autre obstacle pour ces derniers ? « Ils deviennent le problème ! Les autres deviennent l’agresseur de la personne dépressive, car ils reflètent son propre échec », ajoute-t-elle.

En entreprise, développe l’experte, « la violence peut se manifester en voyant ses collègues évoluer ou partir dans d’autres entreprises. Le sujet dépressif commence à adopter un comportement toxique en cherchant à faire chuter l’autre pour être au-dessus et l’autre en-dessous. Cela peut passer par du rabaissement, de l’humiliation, du harcèlement. S’il est manager, le travail va devenir un enfer pour les équipes. »

Mettre des mots sur les maux

En fonction du degré de la dépression, l’urgence à agir est donc plus ou moins importante. Et l’action passe par la parole, selon la psychologue du travail. Or, le lien social pousse au refoulement de cette parole (minimisation des faits, jugement, etc). Gaëlle Blanchard-Leclère recommande ainsi à l’entourage, notamment aux managers, d’inciter la personne à parler : en la questionnant, en acceptant ses émotions, en la dirigeant vers un professionnel de santé. « L’intelligence émotionnelle est la clef », résume-t-elle. Soit la capacité à percevoir les émotions (en soi et chez les autres), à les intégrer pour faciliter la pensée, et à les maitriser afin de favoriser l’épanouissement personnel. Elle insiste sur l’aspect indispensable de cette étape afin d’espérer un renouveau : « La verbalisation permet à la personne de ramener à la conscience un évènement du passé encore douloureux, et ainsi de s’en libérer. »

Vers plus de performance

Autre conséquence positive de la libération de la parole ? « En lâchant de fortes tensions internes, la personne qui était en situation de mal-être va progressivement retrouver tout son potentiel de performance. Que ce soit performance professionnelle, sportive, sentimentale, voire parfois sexuelle. Ce processus psychologique a un nom : la résilience. C’est-à-dire, la capacité d’une personne à surmonter les chocs traumatiques et à revivre de manière satisfaisante. « En dépassant ce qui le freinait, bloquait, faisait résistance, le patient mettra un terme à sa dépression, se sentira mieux avec lui-même et avec les autres. Il aura également de grandes chances d’être encore plus performant qu’avant. Car il va transformer ces obstacles en force. Tout ce chemin aura remis l’individu au centre de sa vie et de ce à quoi il aspire. »

L’experte en santé mentale invite ensuite la personne, en fonction de ses nouveaux intérêts, à se remettre en mouvement, « car la stimulation physique va aider le psychisme et créer un nouvel élan de vie. Cette dernière peut changer de travail, s’inscrire à une activité sportive, adopter un animal de compagnie. L’important, c’est le lien social. C’est de faire des rencontres, d’être au contact des autres, de partager ».

C’est exactement ce que démontre la star planétaire de gymnastique, Simone Biles, dans son documentaire diffusé ce 17 juillet sur la plateforme Netflix. La championne olympique américaine s’était retiré des Jeux de Tokyo en 2021 après une désorientation spatiale soudaine et effrayante, la plongeant dans une détresse psychologique. Récemment, elle déclarait auprès de NBC : « J’ai l’impression qu’à ce stade, rien ne peut me briser. J’ai vécu tellement de traumatismes, tellement de guérisons qu’en fait, maintenant, je suis impatiente de voir ce qu’il peut m’arriver ». Nous avons la réponse : la reine de la gymnastique a récupéré sa couronne lors des Jeux de Paris 2024 avec l’obtention de 3 médailles d’or.

Pour rappel, avant elle, la joueuse de tennis Naomi Osaka révélait fin mai 2021 ses problèmes d’angoisse et de dépression en quittant avec fracas le tournoi de Roland-Garros. Dans le documentaire « Strong, aussi forts que fragiles », sorti en 2023 sur Amazon Prime, des athlètes français comme Perrine Laffont et Camille Lacourt racontent leurs épisodes dépressifs et comment ils s’en sont sortis. Et, il y a quelques mois, c’est Thierry Henry, ancien international de football, aujourd’hui sélectionneur des Bleus pour le tournoi olympique, qui confiait dans un podcast anglais avoir souffert de dépression pendant sa carrière.

Crédit photo : A. Ricardo

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