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Semaine de 4 jours : “L’esprit de ce rythme, c’est travailler moins, mais mieux”

Depuis quelques années, et en particulier depuis la crise du Covid-19, de plus en plus d’entreprises, de toutes tailles, expérimentent la semaine de 4 jours. Elles y voient une stratégie gagnant-gagnant : les salariés qui travaillent ainsi 4 jours par semaine sont plus épanouis, mais aussi plus engagés et productifs. Retours d’expérience.

Travailler moins pour gagner autant, mais produire plus efficacement, et se sentir mieux : telle est l’idée derrière la semaine de 4 jours. Depuis quelques années, mais surtout depuis la pandémie, de plus en plus d’entreprises testent la suppression du vendredi ou d’un jour de travail dans la semaine, sur le modèle de ce que pratiquent des sociétés américaines comme Microsoft ou Google. Il s’agit d’abord pour elles de répondre aux attentes nouvelles de leurs collaborateurs, en matière d’équilibre des temps de vie.

Selon l’étude Workforce View 2020 d’ADP, 21 % des salariés souhaiteraient réduire leur semaine contre des journées de travail plus longues, et 6 % seraient prêts à baisser leur salaire pour travailler moins. La raison : pouvoir bénéficier de plus de temps libre, de davantage de souplesse pour s’occuper de leurs enfants, ou tout simplement avoir une journée pour souffler.

 

Un meilleur équilibre des temps de vie

Les salariés de Welcome to the Jungle travaillent 4 jours par semaine depuis déjà 2019. Selon Camille Faura, directrice générale de la start-up, mettre en place cette nouvelle organisation avait pour but de leur apporter un meilleur équilibre des temps de vie. “Nous escomptions aussi que ce rythme aiderait nos salariés à se projeter dans une vie de parents équilibrée”, assure-t-elle.

Les collaborateurs de WTTJ peuvent bénéficier d’un jour de repos hebdomadaire le mercredi ou le vendredi, ce qui leur permet  d’avoir un week-end de trois jours, ou de passer du temps avec leurs enfants, qui ne vont pas à l’école. Pour autant, ils restent rarement inactifs durant ces temps de repos : “Nous n’intervenons pas dans ce qu’ils font de leurs jours off, mais ils sont nombreux à en profiter pour mener des projets personnels. Nous avons par exemple beaucoup de créatifs et de développeurs qui ont tout intérêt, pour être meilleurs dans leur travail, à pouvoir passer du temps sur d’autres projets que ceux qu’ils mènent chez nous. Pendant ce jour de repos, ils peuvent aussi se former, faire du sport ou se dédier à des associations”.

 

Des jours de travail plus intenses

Mais ce nouveau rythme a aussi ses limites : les jours de travail sont plus intenses. Les entreprises qui testent la semaine de 4 jours n’ont en effet pas modifié les salaires : celle-ci est ainsi payée 5 jours, et certaines ayant adopté ce rythme de travail ont allongé en contrepartie l’amplitude horaire quotidienne. Mais d’autres ne l’ont pas fait, comme Tenor et WTTJ. “L’objectif n’était pas d’épuiser nos salariés avant leur jour de repos. En revanche, nous avons constaté que les journées sont plus denses. Nos collaborateurs ont, d’eux-mêmes, diminué par deux leurs temps de pause”, note Camille Faura.

Cette intensité pousse aussi certains salariés à travailler pendant leur jour de repos. “Nous avons constaté que certains ont, de leur propre volonté, travaillé sur leurs jours off. Bien que cela se fasse de manière limitée, entre 1 et 2 heures. Ce travail en off est le risque principal de ce type d’organisation”, observe la directrice générale. “C’est pourquoi nous continuons à mesurer ce qui se passe pendant ces jours de repos. Nous réalisons des questionnaires avec nos collaborateurs afin de vérifier si le rythme de 4 jours nécessite un ajustement, notamment avec une formation sur la gestion du temps de travail, ou des objectifs revus à la baisse”, ajoute-t-elle.

 

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“Travailler le vendredi, c’est interdit”

La semaine de 4 jours reste principalement expérimentée par des PME ; tandis que selon la Dares, le temps de travail diminue avec la taille de l’entreprise. Ainsi, il est de 36 h dans les sociétés de 10 à 90 salariés, de 35,5 h dans celles de 100 à 500 salariés, et de 35 h dans celles de plus de 500 salariés.

Le groupe Ténor, société de services numériques aux entreprises, a mis en place cette nouvelle organisation entre novembre 2021 et janvier 2022. Dans cette entreprise de 130 salariés, la moitié des effectifs sont passés de 35 à 32 heures grâce à un don de 3 heures hebdomadaires de la PME, et les autres, au forfait jour, ont vu leur plafond hebdomadaire passer à 34 heures.

“La grande majorité des collaborateurs (consultants, chefs de projet, développeurs…) ne travaille pas le vendredi, mais conserve le même salaire qu’autrefois. Quant au fait de travailler lors de son jour de repos, c’est interdit. Et pas question de travailler 5 jours afin d’être payé en heures supplémentaires : le but, c’est vraiment que chacun puisse se reposer le vendredi. L’esprit de ce nouveau rythme, c’est travailler moins, mais mieux”, explique Nizar Alachbili, président fondateur de la PME.

Comment s’assurer que les collaborateurs ne débordent pas sur leur jour de repos ? “Nous n’en avons pas besoin, car nous ne facturons plus le vendredi à nos clients, si bien que nos salariés ne travaillent pas à flux tendu, mais qu’au contraire, ils gagnent une heure de plus pour faire leur travail correctement en 4 jours. Ainsi, ils ne courent pas après la montre, mais travaillent d’une manière plus épanouie”, note Nizar Alachbili.

 

Des salariés plus productifs

Que gagnent les entreprises ayant mis en place cette organisation ? Selon celles-ci, leurs salariés sont d’abord plus productifs, car plus épanouis. LDLC a mis en place la semaine de 4 jours en 2020, en pleine crise sanitaire ; pour cela, elle a augmenté le taux horaire, afin de passer tous ses effectifs (1 000 salariés) à temps partiel pendant une journée par semaine. Pour son PDG, Laurent de la Clergerie, “les gens sont plus reposés alors qu’ils font globalement le même travail qu’avant. On le voit au niveau de la logistique : ils gardent la même cadence sur quatre jours et font même plus de colis”.

“Nos collaborateurs ont le sentiment d’avoir plus de contrôle sur leur vie personnelle. Sans être plus stressés qu’avant, puisqu’ils savent qu’ils disposent d’un jour pour décompresser. Ce qui les rend plus productifs”, confirme Camille Faura.

 

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Un levier d’attractivité

Du côté de Tenor, les avantages de la semaine de 4 jours concernent aussi la rétention des talents, et les recrutements. “Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais en à peine un mois, nous voyons déjà des effets palpables : un taux de turn-over en baisse, et des recrutements supérieurs à ceux que nous faisions autrefois. Car à salaire égal, le fait de travailler 4 jours est un avantage social significatif. Il s’agit d’un levier d’attractivité important, dans un contexte de pénurie de talents conséquent, et aussi d’un moyen de garder nos collaborateurs, de les fidéliser”, estime Nizar Alachbili.

Chez LDLC, Laurent de la Clergerie constate que “les gens ne viennent pas uniquement travailler pour un salaire : Si l’entreprise se porte bien et si les collaborateurs s’y sentent bien, ils feront tout pour la faire avancer. Ce nouveau rythme a des impacts positifs sur la QVT, sur les collaborateurs, les clients et donc le business. On sent aussi que les salariés sont fiers d’être dans une entreprise en avance sur ce type de dispositif”.

“Ce que nous y gagnons, c’est aussi un engagement maximal de nos collaborateurs, qui peuvent se projeter avec nous dans la durée : ils travaillent beaucoup, mais savent que leur employeur se soucie concrètement de leur bien-être”, conclut Camille Faura, chez WTTJ.

 

 

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