La dernière enquête de l’institut Gallup « State of the Global Workplace » montre un niveau d’engagement des employés français qui reste bas et stable. Comment l’expliquer ? Quels leviers pour (ré)engager les salariés ? Quel rôle pour les managers ? Olivier Grau, consultant senior chez Gallup, décrypte ce phénomène et évoque les pistes d’améliorations.
Ce n’est pas un phénomène nouveau – il date d’avant même la pandémie – mais il n’en est pas moins frappant : seuls 7 % des employés français se disent engagés dans leur travail, soit la 36ème position du classement sur 38 pays européens (un rang de mieux que l’an dernier). C’est le constat dressé par la nouvelle enquête « State of the Global Workplace » menée chaque année par Gallup, groupe américain spécialisé dans les sondages. La situation s’est pourtant légèrement améliorée depuis la précédente édition, avec une progression d’un point de ce taux et d’une place dans le palmarès. En Europe, la moyenne est de 13 % de salariés engagés (contre 23 % dans le monde entier), sans différence entre les âges ni les sexes, mais avec une proportion plus élevée chez les managers (17 %). Les Européens qui s’estiment désengagés sont 72 % (contre 59 % au niveau mondial) et la part de ceux « activement désengagés » atteint 15 % (18 % à l’échelle de la planète).
Ces états d’esprit correspondent aux tendances globales observées sous les noms de « quiet quitting » ou démission silencieuse et de « loud quitting » ou démission bruyante. La première consiste à faire son travail sans plus, sans envie et sans énergie. La seconde à parler de son désengagement autour de soi, à ses amis, à des clients, à des nouveaux venus dans l’entreprise, mais sans forcément chercher un emploi ailleurs.
La différence entre engagement et satisfaction
Pour trouver des solutions, il est indispensable de prendre conscience de ce qu’est l’engagement et de ce qu’il apporte, insiste Olivier Grau, consultant senior chez Gallup : « Il n’est pas la satisfaction, laquelle n’a pas de corrélation directe avec la performance. Alors que, quand on est engagé, les performances sont meilleures. En effet, on va plus loin, malgré une éventuelle situation d’insatisfaction. Par exemple, même si l’on est frustré par un problème rencontré au travail, on aime toujours son entreprise et on lui donne le meilleur de soi. L’engagement, ce n’est pas seulement travailler dur, mais avoir du plaisir et adorer ce que l’on fait, apprécier son employeur et ses collègues. » C’est pourquoi l’enquête souligne que « les collaborateurs peu motivés représentent une importante opportunité de croissance économique pour les entreprises et pour l’économie mondiale. Comme le démontrent les chiffres de l’étude Gallup, le leadership et le management influencent directement l’engagement au travail. Les organisations peuvent faire beaucoup pour aider leurs employés à s’épanouir au travail, notamment en ouvrant la conversation avec les salariés moins engagés, qui le plus souvent attendent d’être encouragés, motivés et inspirés par le management. »
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Ce sont les employeurs qui détiennent les clés de la remotivation des équipes avec 70 % de l’engagement de l’équipe attribuable au manager. Pourtant, beaucoup d’entre eux font partie des démissionnaires silencieux, rappelle Gallup… « En constatant cela, nous n’avons pas pour intention de pointer du doigt les managers et de dire que le désengagement est de leur faute, précise Olivier Grau. Nous voulons, au contraire, montrer que le management est un fort levier pour faire progresser l’engagement parmi les collaborateurs. Car l’expérience vécue par chacun au travail influence son engagement individuel. »
Les leviers pour booster l’engagement
Olivier Grau préconise donc de former les managers pour motiver les équipes toute l’année : « Il ne suffit pas de prendre la température une à deux fois par an par une enquête d’engagement… Mieux vaut mettre en place des plans d’action pour s’organiser tous ensemble et sur la durée. Cela permet de capitaliser davantage sur l’enthousiasme des gens, les responsabiliser par rapport à leurs performances et à leur contribution. »
Selon lui, la principale solution consiste à « aller chercher les besoins des collaborateurs par la discussion et l’écoute, afin de réconcilier plaisir et travail, pour ensuite pouvoir capitaliser sur l’enthousiasme des salariés. »
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Un art de la conversation qui s’apprend, explique l’expert également en charge de formations : « Le manager doit jouer le rôle d’un coach plus que celui d’un chef. Pour pouvoir bien mener ces discussions qui sont indispensables, il a besoin d’outils comme des scripts d’inspiration et de formalisation des conversations, des listes de questions à poser et de sujets à aborder. Il est crucial de savoir valoriser, en comprenant la contribution de chaque collaborateur, en appréciant le talent de chacun, en identifiant les pistes de développement potentiel. D’autant plus que les nouvelles générations ne veulent plus être managées par rapport à leurs faiblesses, mais via le challenge et le feedback. Il s’agit de s’intéresser au côté humain, à ce qui rend chaque personne unique, à ce qui l’affecte, à ce qui est important pour elle, à la forme que prend la reconnaissance recherchée. Le manager doit savoir dire bravo et merci, et doit encourager les membres de ses équipes à le faire entre eux. »
Sans oublier, bien sûr, de leur donner des attentes et des objectifs clairs pour qu’ils puissent pleinement s’engager afin de les atteindre.