Dessinateur de presse, notamment pour Courrier Cadres, Antoine Chereau accompagne aussi les entreprises. Le 10 octobre, sort son nouvel album “Sexiste, moi ?”. À cette occasion, il revient avec nous sur ce sujet au cœur des débats actuels, surtout dans le monde du travail.
Pourquoi avez-vous choisi le sexisme comme thème de votre nouvel album ?
Dans mon métier de dessinateur, j’ai une activité presse, mais aussi une autre, qui consiste à intervenir dans les entreprises, lors de conventions et de séminaires, durant lesquels je réalise des dessins en direct, qui permettent de ponctuer les débats. À force de rencontrer des salariés et des cadres, lors de plusieurs centaines d’événements internes, je me suis frotté à des sujets de plus en plus importants dans les organisations : le développement durable, le bien-être au travail et le sexisme.
J’avais déjà beaucoup travaillé sur les discriminations dans le cadre d’un album sorti en 2016, “L’égalité est un long fleuve tranquille”. Il avait rencontré un grand succès auprès des entreprises, qui s’en étaient saisi pour sensibiliser leurs collaborateurs. Il y avait dans cet album quelques dessins sur le sexisme, mais très peu. En parallèle de mes discussions avec des salariés, ont éclaté des affaires de harcèlement, notamment via le mouvement #MeToo, qui m’a permis de lire de nombreux verbatim issus des entreprises, et de nourrir mon inspiration.
Le sexisme est l’un de ces sujets sociétaux complexes qui méritent d’être creusés, car il n’est pas possible d’avoir une vision binaire dessus. On ne peut pas l’aborder en noir et blanc, sans nuances, avec seulement d’un côté de méchants hommes, et de l’autre de gentilles femmes. J’ai voulu mettre le doigt sur le fait qu’il y a aussi un aspect un peu délirant dans le combat contre le sexisme : une certaine bien-pensance se développe, à force il n’est plus possible de dire grand chose, et l’on commence à remplacer certains clichés par d’autres clichés. Le moindre propos appartenant au registre de la drague peut par exemple être vu comme une agression sauvage. Le sexisme peut aussi provenir des femmes, et même prospérer entre elles.
Votre album porte sur le sexisme en entreprise : le monde du travail est-il propice à son expression ?
Le sexisme n’est pas spécifique au monde du travail, mais l’entreprise est un bon reflet de la société. D’une certaine manière, nous passons beaucoup plus de temps au travail que chez nous. Et dans une entreprise, vient s’ajouter un rapport hiérarchique, qui peut créer de véritables abus et générer des comportements déplacés. Un « gros lourd » ne change pas de costume en entrant dans l’entreprise ou en rentrant chez lui, mais si vous lui donnez un peu de pouvoir, il pourra se permettre de faire des choses qu’il ne se permettrait pas de faire devant sa femme, par exemple.
Certaines scènettes sont inventées, mais parmi celles que l’on peut voir dans mon album, d’autres proviennent d’anecdotes et de verbatim que j’ai entendus, directement ou indirectement, au gré de discussions avec des salariés. Mais je suis resté modéré dans celles que j’ai choisie de transposer en dessin : certaines étaient bien plus gores, avec des propos parfois d’une grossièreté et d’une vulgarité inimaginables, qui n’ont pas été prononcés sur le ton de l’humour !
Quel est votre objectif, finalement, avec cet album ?
Je fais aussi le constat, à travers mes dessins, qu’il suffit d’un minimum de courtoisie et d’empathie, pour que les choses se passent mieux. Il ne faut pas oublier qu’en face de vous, se trouve un autre être humain, et que des propos sexistes ou cassants peuvent occasionner de grands dégâts chez autrui. Mon album, comme les précédents d’ailleurs, est donc un appel à une plus grande considération de l’autre, en particulier dans les entreprises.
Les entreprises sont très intéressées par mes dessins, car cela leur permet de tendre un miroir. Elles comptent distribuer l’album à leurs collaborateurs. Je constate que précédemment, mon album sur les discriminations a eu un grand impact chez certains salariés, qui ont pris conscience de leurs comportements déplacés (ou de ceux d’un collègue) en regardant mes dessins, et qui ont changé leur façon d’agir : cette fois encore, il s’agira donc d’un outil de sensibilisation pour nombre d’organisations. Car un dessin a parfois plus de force qu’un discours. Même si le but, c’est aussi de les faire rire.