On se frotte les mains à Strasbourg. L’an dernier, la ville a accueilli 243 manifestations (salons, foires, congrès, etc.), avec à la clé 137 M€ de retombées économiques. La reprise a notamment été dopée par l’inauguration, en septembre 2022, du nouveau parc des expositions de 24 000 m2. En synergie avec le Palais de la musique et des congrès voisin, il a permis à la métropole de se positionner comme une destination majeure du tourisme d’affaires. Orléans a également attiré la lumière avec l’ouverture du CO’Met qui combine un parc des expositions de 10 000 m2, une Arena de 10 000 places et un palais des congrès (auditorium de 1000 places). « À une heure de Paris, l’équipement bénéficie d’un emplacement stratégique pour les événements nationaux et internationaux, que la destination veut fortement développer », témoigne Charlotte Rio, responsable du bureau des congrès chez Orléans-Val-de-Loire tourisme. Enfin, Valence s’est illustrée avec le nouveau complexe « Jacques Chirac » intégrant un palais des congrès et un parc des expositions.
Entre ouvertures et rénovations
Ces trois nouveautés témoignent de la résilience du secteur. Certes, les projets avaient été lancés avant la crise sanitaire mais ailleurs aussi, grandes et moyennes métropoles continuent à investir. Rouen prévoit un nouveau palais des congrès pour 2031, après la fermeture du précédent palais vétuste, en 1997. « Il permettra de proposer un geste architectural fort dans le quartier ouest de Rouen, aujourd’hui en pleine mutation », précise la ville. D’ici là, d’autres ouvertures sont annoncées. À deux pas du musée de la Romanité, Nîmes annonce une structure de 10 000 m2 pour 2025, avec un auditorium de 700 places ; et Chartres fignole la construction d’un parc des expositions modulable (10 000 m2) pour l’année prochaine, que certains trouveront surdimensionné pour une ville de 40 000 habitants mais qui parie sur sa proximité avec Paris.
On aurait également pu craindre un arrêt des investissements nécessaires à la remise au goût du jour d’équipements vieillissants. Il n’en est rien. Selon une enquête de Coach Omnium réalisée en septembre 2020 (en plein crise), seulement 6 % des parcs des expositions et palais des congrès ont annulé les engagements prévus. 53 % les ont reportés et 41 % les ont maintenus. « Peu d’exploitants ont fait appel au chômage partiel. La plupart en ont profité pour faire des choses qu’ils ajournaient constamment : travaux et rénovations, nouveaux plans d’actions de promotion et de commercialisation », témoigne le cabinet. Ainsi le Quartz à Brest, qui rouvrira ses portes dans quelques mois après de longs travaux ; ou encore le Palais des congrès et de la culture du Mans inauguré en 1982, qui doit bénéficier d’un programme de rénovation et d’agrandissement de 70 M€ pour accueillir des manifestations de plus grande ampleur.
Une concurrence accrue
Cette boulimie n’est pas sans danger. Éblouis dans le passé par les promesses des retombées du secteur (estimées à huit milliards d’euros par an), les élus ont cassé leurs tirelires, parfois sans discernement économique. Et la concurrence s’accentue entre les 200 équipements français, au risque de fragiliser les moins performants. Car seule une poignée attire des événements internationaux, dans les métropoles disposant d’un aéroport et bien desservies par le TGV.
Dans le classement 2022 de l’International Congress and Convention Association (ICCA) figurent ainsi Lyon-Saint-Etienne (36ème place mondiale et seconde destination française, derrière Paris), Marseille-Aix (43ème), Toulouse (63ème), Bordeaux (90ème), Nice (100ème), Montpellier et Strasbourg (114ème, ex aequo).Toutes ces métropoles multiplient les investissements pour renforcer leurs positions internationales.Bordeaux compte sur son nouveau Palais 2 l’Atlantique qui peut accueillir des événements réunissant jusqu’à 6 000 personnes grâce à un système de murs et gradins mobiles, et Toulouse a inauguré le MEETT en 2020. Combinant un parc des expositions et un centre de convention équipé d’une salle plénière (3 300 pers.), le site accueillera par exemple le prochain congrès des sapeurs-pompiers de France, en octobre. De son côté, la Cité des Congrès de Nantes a fêté ses 30 ans avec la rénovation de plusieurs de ses salles et Lyon for Events, qui gère les différents sites de la ville (Centre de Congrès, Eurexpo, etc.), a lancé un service de réservation commun à ses quatre sites pour gagner en efficacité.
Des retombées incertaines
Mais ces géants qui bataillent pour attirer les manifestations de plusieurs milliers de participants cachent une réalité plus contrastée. Au final, un établissement sur cinq accueille des événements à portée internationale. « Dans les faits, l’envergure des manifestations professionnelles est en premier lieu régionale, voire départementale pour plus d’un tiers des centres de congrès et parcs des expositions », rappelle Coach Omnium. Par ailleurs, 39 % des établissements sont occupés moins de 100 jours dans l’année (montage et démontage inclus), notamment ceux implantés dans des destinations « secondaires »parfois étonnantes comme Tautavel (Pyrénées- Orientales) ou Parthenay (Deux-Sèvres) et beaucoup accueillent des manifestations de petite taille, entre 100 et 400 participants. De quoi rendre l’équation économique particulièrement incertaine.La faute à un accès parfois difficile sans voiture, à un parc hôtelier insuffisant pour accueillir des congrès résidentiels de plusieurs jours, mais aussi à des équipements pas toujours en phase avec les nouvelles attentes. Car les entreprises réclament désormais une véritable expérience pour justifier un déplacement, qui passe par une digitalisation accrue de l’offre et une politique RSE affirmée. Voilà qui oblige à repenser les modèles, en rénovant massivement les sites pour les rendre moins énergivores et en les transformant en lieux hybrides et modulables, capables d’accueillir des congrès et séminaires, des foires et des spectacles grand public. Entre les innombrables recours qui retardent désormais chaque projet et les financements toujours plus compliqués, les villes pourront-elles relever le défi ?