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Statut cadre : les syndicats et le patronat concluent un accord

Après deux ans de négociations, le patronat et les syndicats ont trouvé un accord sur le statut de l’encadrement. Mais si le document apporte une définition nationale du cadre, le flou subsiste.

Les négociations entre syndicats et organisations patronales entamées (1) fin 2017 ont débouché sur un projet d’accord national interprofessionnel (ANI). Intitulé “Accord national interprofessionnel du 28 février 2020 portant diverses orientations pour les cadres”, il vient résoudre un point de blocage entre les partenaires sociaux, qui portait sur la définition du statut cadre, disparu depuis la fusion des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco en janvier 2019.

Le projet d’ANI sécurise d’abord le périmètre existant en stipulant que l’ANI de 2017 relatif à la prévoyance des cadres, ainsi que celui de 2011 relatif à l’Apec “demeurent en vigueur” et que leur application ne seront pas remis en cause.

“La cotisation de 1,5 % en prévoyance, financée par l’employeur, est maintenue. L’Apec est aussi sauvegardée, puisqu’elle continuera à être financée par une cotisation dépendant de la définition nationale de l’encadrement de la Convention collective nationale (CCN) du 14 mars 1947”, se réjouit Marie-José Kotlicki, de l’Ugict-CGT.

 

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Une définition nationale et interprofessionnelle du cadre

Le texte donne aussi une définition du cadre. À savoir, le salarié occupant un poste de travail nécessitant “une aptitude à des fonctions à caractère intellectuel prédominant” certifiée grâce à un diplôme ou “à travers une expérience reconnue” ; impliquant des fonctions “conditionnant ou induisant la réflexion et/ou l’action d’autres salariés et, par la même, influant dans les domaines économiques, sociaux, sociétaux et/ou environnementaux” ; lui conférant “une marge suffisante d’initiative et/ou d’autonomie” ; et lui accordant “une responsabilité effective contribuant à la marche et au développement de l’entreprise”.

Les syndicats semblent satisfaits. Pour FO, il s’agit même d’une “victoire”. Dans un communiqué, l’organisation note que “les discussions ont enfin abouti à un texte dont la portée juridique sera de nature à sécuriser au mieux la définition des cadres et l’accès à la prévoyance obligatoire”. Ainsi, FO estime que le texte de l’ANI proposé “reprend des éléments précis de définition du statut du cadre, en se référant notamment à la définition de l’OIT dans ce domaine”. 

De son côté, Marie-José Kotlicki, secrétaire générale de l’Ugict-CGT, estime que “ce projet d’ANI n’acte aucun recul sur les garanties passées”. Selon elle, “on maintient les points essentiels : l’obtention d’un ANI, que le Medef a toujours refusé ; la prise en compte de la prévoyance ; et une définition nationale interprofessionnelle qui revient sur les qualités exigées d’un cadre”. Ainsi, remarque la syndicaliste avec soulagement, “sont conservés les critères d’objectivation de la composante encadrement”.

Toutefois, le texte continue à indiquer, comme le proposait le Medef en janvier dernier, “qu’il n’y a pas de définition univoque du cadre et que chaque branche peut donc définir, le cas échéant, ce qu’est un cadre, selon ses propres critères dans le contexte sectoriel qui est le sien.” “Cette phrase contredit ce qui a été dit précédemment, et à cause d’elle, il y aura probablement des affrontements dans les branches. Le Medef ne veut sans doute pas froisser ses branches, mais le projet d’ANI donne tout de même un référentiel qu’elles ne pourront ignorer, tout comme les entreprises, et dont nous nous servirons pour négocier”, indique Marie-José Kotlicki.

Dans un autre communiqué, la CFTC écrit en outre que “cet accord intègre pour la première fois une définition interprofessionnelle de l’encadrement en mentionnant les différents éléments permettant de caractériser cette catégorie de salarié”, mais que “malgré cette avancée”, elle demeure “interrogative sur la portée juridique” de cette définition “qui n’a pas de valeur impérative pour les branches professionnelles”. Toutefois, le syndicat constate qu’elle permet “de couvrir les cadres qui ne sont pas rattachés à une convention collective.”

 

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“Ne pas trop entrer dans les détails”

Du côté du Medef, Patrick Cheppe, le chef de file de la délégation patronale, explique que l’objectif de cet ANI était de “réfléchir à l’encadrement de demain”, au travers d’enjeux sociétaux, environnementaux et managériaux. “Au départ, nous avions considéré que les ANI antérieurs étaient suffisamment précis et qu’ils n’avaient pas de raison d’être remis en cause. Dans le même temps, il nous fallait dire à qui nous nous adressions : des personnes autonomes, avec des responsabilités, et des compétences et/ou des diplômes”, remarque-t-il.

Selon le membre du bureau du Conseil Exécutif du Medef, “notre idée était aussi de ne pas trop entrer dans les détails d’une définition de l’encadrement”. Ainsi, l’organisation patronale s’est limitée à “donner une définition générique du cadre, qui permet de savoir à qui on s’adresse, mais tout en permettant aux branches d’élaborer elles-mêmes les classifications et les postes comme elles l’entendent, par rapport à leurs métiers bien spécifiques”, explique Patrick Cheppe.

Finalement, “nous avons aussi changé d’avis sur le fait de concevoir un ANI : le texte que nous avions rédigé, censé être un simple guide pour les entreprises, avait besoin de sens, et désormais, il s’agit d’un véritable document de référence pour les organisations et les branches. Un outil, qu’elles sont libres ou non d’utiliser, et qui renforce dans le même temps les accords précédents”, conclut-il.

 

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“Pas l’accord du siècle”

La CFTC, l’U2P et FO ont annoncé, le 9 mars, avoir l’intention de le ratifier. Les autres organisations devront se prononcer d’ici le 16 mars. Selon Marie-José Kotlicki, l’Ugict-CGT s’apprête à donner un avis positif, mais continue à se concerter avec d’autres syndicats.

Pour autant, le syndicat reste déçu concernant la partie “non normative” du projet d’ANI, qui “liste des enjeux managériaux et sociétaux relatifs aux relations de travail entre les employeurs et les cadres, mais sans donner de pistes de réflexion concrètes”.

Dans le détail, le projet d’accord aborde les outils à disposition des salariés cadres pour leur organisation du travail, du télétravail à “l’équilibre des temps de vie”,  en passant par l’égalité femme-homme et l’emploi des personnels d’encadrement seniors.

“Mais rien n’engage les employeurs, le texte rappelle juste des lois et des dispositifs existants, comme l’index de l’égalité professionnelle, et incite les employeurs à faire preuve de vigilance pour accompagner les cadres, au milieu de considérations générales… Ce sera donc aux partenaires sociaux d’imposer des concertations et des négociations, dans les branches, pour remplir les trous”, estime Marie-José Kotlicki. Pour elle, “il ne s’agit pas de l’accord du siècle, même s’il vient sécuriser le statut cadre”.

 

(1) Organisations patronales : CPME, Medef, U2P // Syndicats de cadres : CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO.

 

 

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