Entreprise

Télétravail confiné : “Les tensions classiques pour le management de proximité ont été exacerbées”

Dans une vaste enquête, l’Ugict-CGT décrit un travail confiné qui a fait souffrir un grand nombre de salariés, ainsi que de cadres. Ces derniers, confrontés à des difficultés pour manager leurs équipes  100 % en télétravail, sont souvent débordés et se plaignent d’une ”anxiété inhabituelle”.

Dans un rapport de 80 pages, titré “Le travail sous épidémie”, l’Ugict-CGT se penche sur les conditions de travail pendant le confinement. Dans cette étude (1), bâtie avec des statisticiens de la Dares, le syndicat des cadres décrit un télétravail confiné qui provoque d’importants risques psychosociaux, chez les salariés, mais aussi chez les managers.

LIRE AUSSI : Ceci n’est pas du télétravail !

Un télétravail en “mode dégradé” destructeur

Pendant le confinement, la majorité des personnes interrogées décrivent un télétravail en “mode dégradé” difficile à suivre. Notamment parce que leur employeur n’a exercé aucun accompagnement (37 %), n’a pas veillé au respect du droit à la déconnexion (78 %), et n’a pas réduit le temps et la charge de travail des salariés parents (83 %).

En conséquence, leurs conditions de travail sont “mauvaises”. 23 % des répondants ne disposent pas d’un endroit calme pour télétravailler, 50 % n’ont pas d’équipements adaptés, 30 % des salariés et 40 % des cadres ont noté une augmentation de leur charge de travail, et 81 % des télétravailleurs confinés avec enfants ont indiqué devoir “les garder tout en travaillant”.

Cette situation a finalement généré “d’importants risques psychosociaux”. Ainsi, 35 % des télétravailleurs se plaignent d’une “anxiété inhabituelle”, et 44 % de douleurs physiques.

LIRE AUSSI : Confinement : 44 % des salariés sont en situation de détresse psychologique

Manager des équipes en télétravail, “un exercice très difficile”

Les managers relèvent des “difficultés particulières”. 45 % se plaignent d’un manque d’échange avec leurs collègues, “problématique lorsque l’on est supposé superviser leur travail”, note l’étude. 33 % des managers déplorent un surplus d’informations difficile à traiter, avec notamment une mise en copie trop systématique des échanges par e-mails. “Ils ont supposés être au courant de tout et suivre tous les échanges, tout en encadrant leurs équipes, en avançant leur travail en propre… et en s’occupant de leurs enfants”, décrit l’Ugict.

En outre, 26 % des encadrants ont relevé un manque d’échange avec la hiérarchie, ceux-ci se limitant souvent à la transmission de directives et de consignes, et 18 % se sont plaints de “dilemmes éthiques sur le plan professionnel”. “Les tensions classiques pour le management de proximité sont ici exacerbées par le télétravail. Habitués à composer entre des consignes et un travail normé d’en haut et les besoins de terrain, les managers s’appuient sur la proximité avec leurs équipes pour se créer des marges de manœuvre et contourner les consignes inappropriées. Le télétravail fait exploser ce travail humain quotidien et contribue à standardiser les exigences, les consignes et le management”, indique l’enquête.

Finalement, 37 % des managers en télétravail déplorent une hausse de leur charge de travail, 29 % un temps de travail plus important, et 33 % la sensation d’une “anxiété inhabituelle”.

LIRE AUSSI : Déconfinement : la crise du Covid-19 apportera-t-elle plus de bien-être au travail ?

Pertes de revenus et non-respect du droit

“En plus de ces conditions de travail dégradées, 55 % des cadres (contre 50 % des professions intermédiaires et 45 % des ouvriers/employés) ont ou vont perdre des jours de RTT, 57 % des salariés en chômage partiel ont perdu des revenus, et un tiers des salariés du privé considèrent que leur emploi est menacé”, constate l’Ugict-CGT.

L’enquête relève aussi une “généralisation du non-respect” du droit du travail. Ainsi, ceux qui ont travaillé à distance durant le confinement indiquent que leur employeur n’a pas respecté leur temps de travail, et 31 % des salariés en activité partielle expliquent avoir continué à travailler, dont 10 % “souvent ou tout le temps”. Des pratiques illégales qui “s’apparentent à du travail au noir”, dénonce l’étude.

LIRE AUSSI : Boris Cyrulnik : “Après la crise du coronavirus, la culture de la performance sera critiquée”

“Changer de braquet pour réussir le déconfinement”

“Cette enquête démontre l’urgence de changer de braquet pour réussir le déconfinement”, conclut l’Ugict-CGT. Parmi ses 60 “propositions pour sortir durablement de la crise sanitaire, sociale, économique et environnementale”, le syndicat demande des négociations dans toutes les entreprises pour “réguler le télétravail et faire appliquer le droit”, dont la prise en charge de tous les équipements et frais de connexion par les employeurs, ainsi que le droit à la déconnexion et le respect du temps de travail.

L’Ugict-CGT réclame enfin un “droit à un arrêt rémunéré à 100 % pour tous les parents d’enfants de moins de 16 ans, y compris les télétravailleurs”, un “droit d’alerte suspensif, d’information et d’alternative” pour permettre à l’encadrement “d’exercer pleinement ses responsabilités”, et le renforcement des moyens des syndicats et des représentants du personnel.

 

(1) Pour son enquête, l’Ugict-CGT a interrogé 34 000 personnes, de tous statuts et secteurs, dont 15 000 étaient en télétravail contraint, entre le 8 et le 24 avril. Une étude construite et analysée avec des statisticiens de la Dares, afin de “garantir une démarche scientifique rigoureuse.”

 

 

Ajouter un commentaire

Votre adresse IP ne sera pas collectée Vous pouvez renseigner votre prénom ou votre pseudo si vous êtes un humain. (Votre commentaire sera soumis à une modération)