Avec le retour de la croissance, les congrès font le plein et les entreprises françaises reprennent goût aux séminaires. Leurs dépenses en matière de tourisme d’affaires ont progressé de 3,8 % en 2017, à 8,37 milliards d’euros, selon le cabinet Coach Omnium. Pour autant, la crise qui a secoué le secteur depuis 2008 a entraîné de profondes modifications, dans les envies des salariés, comme dans les attentes des sociétés ; avec pour leitmotiv l’efficacité au meilleur prix. Focus sur les principales évolutions qui bouleversent le secteur… Par Thierry Beaurepère
Des réunions plus proches, et moins longues !
Oubliez l’idée d’un séminaire à Berlin ou Barcelone ! 10% des entreprises sondées par le cabinet Coach Omnium dans le cadre de son étude annuelle sur le tourisme d’affaires déclarent encore organiser des séminaires, lancements de produits ou voyages « incentives» à l’étranger, quand elles étaient près de 50% en 2002. La crise a modifié en profondeur les comportements et on reste en France, pour des raisons de sécurité, d’image (il est mal vu de partir au bout du monde pour organiser un brainstorming, quand on demande parallèlement aux salariés de se serrer la ceinture !), mais aussi par souci d’économies. Les destinations lointaines sont désormais réservées aux voyages de récompense et aux séminaires de direction.
Corollaire de cette évolution, on part aussi moins longtemps. Les séminaires de deux jours sont deux fois moins nombreux qu’en 2005 ; et une entreprise sur deux déclare désormais organiser des réunions à la journée pour économiser sur l’hébergement. Dans ce cadre restreint, les villes à l’accès facilité (en particulier en TGV) et qui bénéficient d’une bonne image (Bordeaux, Nantes, Lille…) sont les premières à en profiter. Car pour faire passer leurs messages – n’oublions pas qu’un séminaire est d’abord de la communication -, les entreprises recherchent des métropoles dynamiques qu’elles peuvent associer à leur image.
C’est encore plus vrai pour les lieux de réunion. Terminé le séminaire dans la salle sinistre d’un hôtel en zone industrielle ! Il s’agit désormais de surprendre, avec un lieu insolite et gratifiant. Du château fortifié à l’usine désaffectée, du loft branché au chai d’un vignoble… le contenant devient presque aussi important que le contenu. Spécialisé dans l’accueil d’événements, le groupe Châteauform en a fait sa marque de fabrique, avec une soixantaine de lieux à la forte personnalité. Les hôtels n’ont toutefois pas dit leur dernier mot. A l’image du Hoxton, nouvelle adresse parisienne « trendy » dont les caves voûtées ont été aménagées en lieu de séminaires, avec même un salon et une cuisine « comme à la maison » pour les pauses. Les Millennials (18/35 ans), nouvelles forces vives des entreprises, adorent !
A la recherche de nouveaux sens
Le séminaire « bling-bling » a du plomb dans l’aile ! L’heure est à la responsabilité sociale et environnementale et de plus en plus d’entreprises souhaitent associer le développement durable à leur image. Symbole de cette évolution : le terroir et la créativité s’imposent désormais dans les activités annexes proposées en marge des réunions de travail pour fédérer les équipes. «Les relations au sein des entreprises se sont détériorées avec le numérique, on constate une vraie difficulté à créer du lien réel.
Il y a une forte demande pour un retour à des team-buildings « authentiques» estime Julien Hoppenot, chez Connexion Nature. Son agence propose des activités autour de la nature (de la Baie de Somme à la Camargue), accompagnées par des guides naturalistes. « L’expérientiel» prend aussi une place croissante. Ateliers culinaires, séances oenologiques et animations autour des produits locaux se multiplient, tout comme les activités «collaboratives» 2.0 durant laquelle le participant devient acteur. Happy Paint propose par exemple à un groupe de réaliser un tableau, avec l’encadrement d’un artiste. Comble de cette évolution, les séminaires « détox », avec yoga, sophrologie ou randonnée énergétique (par exemple dans la forêt de Brocéliande) sont dans l’air du temps. Bien évidemment, les téléphones sont interdits !
Le séminaire fait sa révolution techno
Si la recherche d’un lieu pour accueillir un séminaire fut longtemps artisanale (annuaire papier, bouche à oreille), la révolution numérique bouleverse les habitudes. Depuis quelques années, les « venue finder » (comme Event Finder ou H&E 4 You) facilitent les demandes. Ils recommandent les lieux les mieux adaptés à un événement, grâce à leurs bases de données. Le gain de temps est appréciable (la recherche se fait en ligne), tout comme les économies réalisées. Le service est en effet gratuit pour les entreprises. Ces « venue finder » négocient les tarifs avec les prestataires, et sont rémunérés par ces derniers en fonction des volumes générés.
Ce sont désormais les startups qui réinventent les codes en répondant à la demande croissante pour des séminaires à la journée, à travers des plates-formes internet toujours plus complètes. Créé en 2013 en tant que spécialiste de location de bureaux, Bird Office vient d’élargir son offre aux journées d’étude, avec des formules clé en main incluant la salle, la restauration et les pauses, voire des activités annexes. Même démarche chez la plateforme collaborative Choose and Work, qui propose de nouveaux packs « journée d’étude » intégrant la salle de réunion et la restauration, ainsi que des services (suivi commercial, personnel durant l’évènement…).
Congrès, la France s’équipe
C’est le plus grand centre de congrès d’Europe, un géant capable d’accueillir 35 000 personnes ! Le Paris Convention Centre a été inauguré fin novembre, au troisième étage du Hall 7 de Paris Expo Porte de Versailles. De quoi permettre à la capitale d’accueillir enfin les grands congrès internationaux qui, jusqu’à présent, ne trouvaient pas nécessairement de lieu à leur démesure et aller voir ailleurs, à Vienne ou Barcelone.
Avec 120 centres de congrès et 80 parcs d’expositions, la France ne manque pas d’équipements. Elle ne pointe pourtant qu’à la quatrième destination en termes d’accueil de congrès au classement ICCA (International Congress and Convention Association), derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Une position insatisfaisante pour un pays leader mondial du tourisme…
Après des années de pause, c’est donc toute la France qui construit et rénove pour monter sur le podium. Non sans raison : un voyageur d’affaires dépense deux à quatre fois plus qu’un touriste ! En quête d’originalité pour se démarquer, et avec l’ambition de doper leur attractivité, les villes n’hésitent plus à confier la signature de leurs équipements à des architectes de renom ou à investir des lieux historiques ; à l’image du Couvent des Jacobins à Rennes, qui vient d’être transformé en centre de congrès aux ambitions internationales. Après Quimper et Le Havre qui ont inauguré leurs équipements en 2017, d’autres ouvertures sont annoncées dans les prochains mois, dont le centre des congrès Robert Schuman à Metz, face au centre Pompidou.
Le développement durable entre en scène
Ce n’est pas encore un raz de marée, mais la prise de conscience est réelle. La responsabilité sociale et environnementale (RSE) prend ses marques dans le tourisme d’affaires. De l’utilisation de matériels de récupération pour la création d’une scénographie à la pause « bio » lors d’un congrès, du tri sélectif des déchets au don des surplus alimentaires aux associations caritatives lors d’un séminaire, les initiatives se multiplient.
Conscients des enjeux de demain, les palais des congrès, lieux de réception et agences événementielles sont de plus en plus nombreux à adopter la nouvelle norme de certification ISO 20121 propre à la filière, qui valorise les engagements en matière de développement durable. De son côté, l’Union Française des Métiers de l’Evénementiel (Unimev) a créé un calculateur de performance RSE. Cette plate-forme informatique invite les organisateurs à entrer des données liées à leur événement afin d’évaluer son impact. A moyen terme, les professionnels qui ne s’engagent pas dans cette voie risquent d’être écartés du marché, de plus en plus d’entreprises et organisateurs ajoutant un volet « développement durable » lors des appels d’offre.
Ce qu’il faut retenir
– Les séminaires à la journée se développement fortement
– Seulement 10 % des entreprises organisent des événements à l’étranger
– Avec la diminution de la durée des séminaires, les activités périphériques sont sacrifiées
– Pour attirer les congrès, Paris et les régions investissent dans de nouveaux équipements
– Le développement durable s’impose doucement dans le tourisme d’affaires