Lors de son lancement en 2018, la start-up WeeFin, spécialisée dans l’investissement à destination des professionnels, a fait le choix de la transparence salariale totale. « Avant même la directive européenne de 2023, nous avions la conviction que c’était la bonne chose à faire, avec pour but premier de dissiper certaines frustrations liées aux salaires qui existent très souvent en entreprise », assure Grégoire Hug, son CEO. Concrètement, tous les salariés avaient la possibilité de connaître le salaire exact de leurs managers et de leurs collègues. « Nous avions essayé de réduire au maximum les différences salariales », note-t-il.
Cette décision n’a pas été sans conséquences sur le management, précise le dirigeant : « Pour qu’une telle mesure fonctionne, il faut qu’elle soit acceptée par tous. Les managers ont donc un rôle de pédagogie extrêmement fort. Chaque promotion ou augmentation doit être accompagnée d’une explication systématique. Cela modifie leur manière de travailler, de faire évoluer les membres de leurs équipes. »
Déresponsabilisation de la hiérarchie
Mais, après plusieurs années d’expérimentation, Grégoire Hug a dressé un constat amer : la transparence salariale totale serait contre-productive : « Nous n’en avons malheureusement pas perçu les intérêts. Les discussions autour des salaires et les jalousies étaient toujours là. » Dans le même temps, ajoute-t-il, « cela a déresponsabilisé la hiérarchie qui pensait n’avoir aucune prise sur la fixation et l’octroi des salaires. Au lieu de faciliter les choses, ce dispositif a cristallisé les problèmes existants autour des questions salariales. »
La start-up a, donc, fini par rétropédaler en instaurant une transparence salariale partielle (ce à quoi devrait ressembler la transposition de la directive européenne dans la plupart des entreprises françaises). Autrement dit ? Rendre accessibles à tous les collaborateurs des « fourchettes de salaires uniquement, associées à des grilles de compétences. Déterminer ces critères en fonction de soi et du marché est un gros travail. » Mais, selon lui, ce dispositif porte ses fruits et « relève le niveau d’exigence. Les dysfonctionnements internes des entreprises, mauvaises élèves en la matière, vont être dévoilés de manière flagrante. »
C’est pourquoi, le dirigeant recommande aux entreprises – notamment à la traine dans la mise en place progressive de cette directive – de prendre le sujet à bras-le-corps le plus tôt possible. « Il ne faut pas attendre juin 2026 pour s’y mettre, car c’est un travail de longue haleine qui nécessite du temps. Une fois cette directive déployée, il faut rester humble, car des réajustements restent nécessaires au fil des mois. »