Si la Suisse ne figure pas forcément en première place des pays qui font rêver les candidats à l’expatriation, le pays offre pourtant de très belles opportunités aux cadres. A condition de garder en tête que la culture suisse est différente et le marché du travail concurrentiel.
Pour les cadres français en quête d’expatriation, la Suisse est une destination à considérer sérieusement. Même si le marché de l’emploi a été perturbé par la Covid, le taux de chômage s’établit aujourd’hui à 3 %. Une situation qui, il faut l’avouer, laisse rêveur. « Nous sommes dans une situation de plein emploi, traduit David Talerman, auteur de l’ouvrage Travailler et vivre en Suisse et fondateur du site travailler-ensuisse.ch. Il faut savoir que les situations sont différentes en Suisse romande et en Suisse alémanique, où le taux de chômage est encore plus bas. » Un état de fait qui s’est même transformé en problème dans la mesure où le pays ne dispose pas des ressources humaines nécessaires pour soutenir son développement économique. Il est alors important de recruter des profils à l’étranger pour combler les attentes. Il faut également savoir que cette situation est facilitée par les accords bilatéraux qui exigent pour les ressortissants européens un contrat de travail signé ou une promesse d’embauche pour obtenir un permis de travail. Travailler en Suisse pour les Français est donc plutôt facile, comparé à des destination comme le Canada ou les États-Unis.
Attention à la concurrence
Résultat, les opportunités sont nombreuses, et ce dans des domaines très divers. Selon Annalisa von Grünigen, directrice de S&you et Synergie Suisse, les opportunités pour les cadres français sont réelles. Cela concerne notamment les métiers où les formations font défaut dans le pays, comme par exemple dans la supply chain, la qualité et certains profils d’ingénieurs, de l’aéronautique par exemple. Du côté de Page Executive, les opportunités pour les cadres français en Suisse sont plutôt à chercher dans le domaine de la santé, les métiers de la banque d’investissement, la finance, le luxe et notamment dans l’horlogerie et la joaillerie. Des offres d’emploi sont également à saisir dans les métiers de la production et plus particulièrement dans la chimie, mais aussi dans les métiers du e-commerce, du marketing ou encore dans la vente. Au sein du cabinet Wit Partners, les fonctions cadres dans le secteur de la santé en Suisse recherchent des candidats, mais elles nécessitent une parfaite connaissance du réseau de soins en Suisse, qui est bien spécifique.
Nathalie Brodard, fondatrice du cabinet Brodard Executive Search, confirme ces nombreuses opportunités : « Nous ne faisons pas de distinction en fonction de la nationalité, notre rôle est de trouver la bonne personne en fonction de ses compétences et de son expertise. » Les besoins se situent aujourd’hui sur des profils IT et notamment sur des postes de développeurs sur lesquels les ingénieurs français sont plutôt bien positionnés. Nathalie Brodard souligne cependant la nécessité, a minima, de maîtriser l’anglais et si possible l’allemand. S’il y a d’importantes communautés françaises dans la plupart des grandes villes suisses, la pratique de ces deux langues paraît indispensable pour occuper la grande majorité des postes. Cette spécialiste du marché de l’emploi en Suisse souligne également l’importance de prendre en considération le coût de la vie dans le pays. « Parfois, les salaires peuvent faire rêver mais avec le loyer, les assurances, les impôts, il faut vraiment bien faire ses calculs, insiste Nathalie Brodard. Je conseille d’ailleurs de se faire aider par un comptable ou un spécialiste de la fiscalité pour bien se rendre compte du reste à vivre. »
Lire aussi : Expatriation : épluchez les clauses de mobilité !
Un marché du travail qualitatif
De même, afin de réussir son arrivée dans le pays, le plus important reste de comprendre la culture suisse. « La Suisse, bien qu’ayant une langue commune la France, est un pays à part entière, avec une culture et des habitudes de travail très spécifiques. La culture suisse est d’ailleurs plus proche de la culture japonaise que de la culture française« , assure David Talerman. Et l’expert de préciser que le marché reste très exigeant, dans la mesure où les entreprises ont l’habitude d’avoir de nombreuses candidatures. Elles ont souvent le choix entre d’excellents candidats. « Si une entreprise a le choix entre 3 candidats et qu’aucun ne fait l’affaire à ses yeux, elle ne prendra pas le moins mauvais, elle n’en prendra aucun« , glisse David Talerman. Il est donc primordial d’avoir l’approche la plus professionnelle possible. Le marché suisse est beaucoup plus qualitatif que le marché français et les attentes des recruteurs sont différentes. Ils chercheront en général davantage d’informations. « En Suisse, il faut d’abord chercher à rassurer avant de chercher à convaincre : rassurer sur vos capacités à occuper le poste, rassurer sur vos compétences, rassurer sur votre capacité à vous intégrer en tant qu’étranger« , ajoute David Talerman. Selon la majorité des experts que nous avons interrogés dans le cadre de cet article, le marché de l’emploi en Suisse est un tout petit univers, dans lequel tout le monde se connaît. Il est donc indispensable de bien préparer sa démarche.
Une démarche de réseautage
Dans cette perspective, David Talerman conseille classiquement de bien vous renseigner sur les secteurs et les entreprises qui vous intéressent. Il est aussi conseillé de vous méfier des annonces dans la mesure où les recruteurs reçoivent en général des centaines de candidatures, ce qui vous met dans une situation de concurrence importante dans laquelle vos chances peuvent parfois être minces, malgré la qualité et la cohérence de votre parcours. On ne le dira jamais assez : avant d’envisager un changement de poste quel qu’il soit, il faut optimiser votre profil LinkedIn avec les bons mots clés afin de vous rendre visible. « Les recruteurs en Suisse sont bien sûr sur LinkedIn et utilisent la plateforme pour rechercher des candidats », commente David Talerman.
Pour préparer au mieux votre expatriation, il est aussi important d’enclencher une démarche de réseautage. Et sur ce point, la Covid a plutôt eu de bons effets car les professionnels, quel que soit leur secteur d’activité, sont habitués à être contactés à distance par des personnes qu’elles ne connaissent pas forcément. Enfin, adaptez tous les supports vous permettant de postuler en Suisse à la culture locale et aux réalités du marché. Votre CV ou encore vos profils sur les réseaux sociaux professionnels doivent être adaptés aux attentes des recruteurs qui seront, à coup sûr, différentes de celles du marché français. Enfin, comme indiqué ci-dessus, n’hésitez pas à vous renseigner sur la culture locale. Il y a de fortes chances pour que le recruteur, au cours du premier rendez-vous, vous demande pour quelles raisons vous souhaitez vous installer en Suisse. Il est donc préférable d’avoir des arguments solides.
Témoignage : Julie Telliez, senior global medical science director chez Roche, à Bâle
“ La qualité de vie est très agréable “
“Je suis venue en Suisse car je travaille chez Roche depuis 7 ans et que le siège monde est implanté à Bâle. Il regroupe presque 10 000 employés. Après 4 ans passés à Paris au sein de la filiale France, je suis arrivée en Suisse pour une mission de plusieurs mois. Il faut savoir que le coût de la vie est élevé en Suisse. Cette période m’a permis de confirmer mon souhait de prendre un poste à l’international et aussi d’apprécier le niveau et la qualité de vie. Mon objectif professionnel était d’être à un niveau de stratégie plus important, notamment dans les interactions avec les autorités européennes et aussi américaines. Au bout de 4 mois, un poste s’est libéré et, avec mon conjoint, nous nous sommes décidés à rester en Suisse. La vie là-bas nous plait énormément. J’ai donc postulé et j’ai eu la place il y a environ 3 ans. J’ai été promue senior l’année dernière. Le fait de m’expatrier m’a permis d’augmenter mon niveau de responsabilités et je trouve qu’en matière de perspectives, il est très intéressant de travailler au siège de l’entreprise car cela ouvre de nouvelles possibilités notamment celle d’intégrer d’autres filiales. Pour autant, il faut savoir que même sur des postes internes, la compétition est intense. Beaucoup de postes sont recrutés en interne et les processus de recrutement sont exigeants avec plusieurs rounds d’entretiens. Les opportunités pour évoluer existent, mais ce n’est pas aussi évident qu’on pourrait l’imaginer. Au niveau de la culture, et du monde du travail, je trouve que tout est plus flexible en Suisse, il est possible d’adapter potentiellement ses horaires et d’aller faire une activité à la pause déjeuner. Les journées peuvent être plus longues du fait de la collaboration avec les pays du monde entier ayant des fuseaux horaires différents. Enfin, la qualité de vie est très appréciable. Le pays n’est pas très étendu et les grandes villes sont bien desservies par les transports en commun. Il est possible, le temps d’un week-end, d’aller faire de belles randonnées ou de passer du temps au bord des lacs.“