À l’occasion d’un webinaire du cabinet LHH portant sur les “enjeux de la population cadre”, Gilles Gateau, DG de l’Apec, décrit les problématiques auxquelles elle sera confrontée en 2021. Des enseignements intéressants pour les dirigeants et les DRH souhaitant recruter (ou retenir) des cadres, alors que la crise du Covid-19 brouille (toujours) les pistes.
Depuis un an, Lee Hecht Harrison (LHH), cabinet de conseil en RH, organise les Conversations Digitales, des débats en ligne destinés à réunir RH et managers, afin de leur permettre de “trouver, ensemble, des solutions pour faire face à la crise”. Pour ouvrir la “deuxième saison” de ces tables rondes virtuelles, le dernier webinaire, organisé le 4 mars dernier, portait sur la population cadre, et sur les enjeux auxquels celle-ci devra faire face en 2021 ; en matière d’emploi, mais aussi de leadership et de formation.
Alors que même les cadres en poste, qui se sentent pourtant menacés, se préparent à changer d’entreprise, comment continuer de les attirer ? Invité à intervenir, Gilles Gateau, directeur général de l’Apec, revient sur une récente étude de son association sur le sujet, et liste les points sur lesquels les dirigeants et les DRH devraient se pencher dès maintenant.
Emploi cadre : des jeunes et des seniors menacés ?
L’économiste prévient tout d’abord que “les cadres ne sont pas plus épargnés que d’autres en matière d’emploi”. Alors que 24 % des cadres se sentent “menacés par un risque de licenciement”, il constate que la possibilité de voir des destructions nettes d’emplois cadres “est de plus en plus probable”.
Mais c’est surtout l’inclusion des cadres jeunes et seniors qui devrait être l’un des enjeux principaux en 2021. “Les mesures pour limiter la casse ont protégé les emplois existants, mais ont aussi fermé la porte des embauches”, note Gilles Gateau. Les offres d’emploi accessibles aux jeunes diplômés sur Apec.fr ont “plongé” et restent “très en-dessous du retour à la normale”. Les plus expérimentés risquent aussi, à terme, d’être impactés : “On ne le voit pas encore clairement, mais quand viendra le moment des ajustements sur l’emploi, les plus de 45 ans seront ceux vers qui les départs seront le plus favorisés dans les PSE”.
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Qualité de vie et télétravail : ce dont rêvent les cadres
Selon l’Apec, les cadres dont l’emploi n’est pas menacé aspirent à une meilleure qualité de vie ; et le télétravail devrait en être la “pierre angulaire”. “L’intrication entre vie personnelle et vie professionnelle, les cadres la vivent déjà depuis longtemps. Mais depuis la crise, mieux l’articuler est au centre de leurs préoccupations. Ils s’attendent pour cela à toujours plus d’autonomie dans le travail, ainsi qu’à la possibilité de télétravailler (dans de bonnes conditions)”, précise Gilles Gateau. “En 2021, un modèle hybride de travail pourrait se consolider, ce qui devrait permettre à nombre de cadres d’optimiser leur qualité de vie, tout en restant au même poste. Les entreprises dans l’impossibilité d’offrir cette possibilité pourraient connaitre un déficit d’attractivité : le fait de pouvoir télétravailler est déjà devenu un critère de choix pour les cadres”, ajoute-t-il.
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Des inégalités persistantes pour les femmes cadres
Selon un récent sondage de l’Apec, 50 % des cadres considèrent qu’il “existe dans leur entreprise des inégalités de salaire entre femmes et hommes cadres, à compétences équivalentes”. L’enquête se penche aussi sur l’accès des femmes cadres au management : “le plus notable, c’est le fait que 35 % d’entre elles sont managers, contre 43 % des hommes ; et que quand elles managent, elles sont peu nombreuses à gérer des équipes de plus de 10 personnes (35 % VS 52 % des hommes)”, indique Gilles Gateau.
Pour le DG de l’Apec, “on se focalise sur la part des femmes dans les instances dirigeantes, mais ce qui se passe juste en dessous est tout aussi important”. Selon lui, il en sera “d’abord de la responsabilité des dirigeants et des DRH de faire avancer les choses” en 2021, sans se reposer seulement sur l’index de l’égalité femmes-hommes.
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Cohésion sociale et réinvention du management
Gilles Gateau perçoit un autre enjeu pour les cadres, sur le terrain cette fois : la nécessité de mieux gérer la cohésion sociale, chamboulée par la crise actuelle. “Elle met à mal les liens au sein des entreprises et des collectifs de travail, qui sont éclatés et qui ne peuvent pas fonctionner comme d’habitude. La question de la cohésion de l’équipe est la principale difficulté dont parlent les cadres managers, avant même la continuité de l’activité. Gérer cela demande des compétences parfois nouvelles pour certains”, explique-t-il.
Autre enjeu, qui découle de ces difficultés à manager à distance : la “réinvention du management”. Ce sujet était déjà au cœur des débats avant la crise, “mais elle accélère les attentes”, observe Gilles Gateau. Il observe que 60 % des cadres managers encadrent des télétravailleurs réguliers, contre 30 % avant le Covid-19 : “Le fait de gérer des collectifs éclatés nécessite, pour 90 % des cadres, une évolution des pratiques managériales. Mais ils sont nombreux à se sentir seuls et démunis, et attendent avant tout d’être formés”.
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Un besoin urgent de formation
Selon Gilles Gateau, “beaucoup de managers ne se sentent toujours pas assez préparés” au management à distance. Ils souhaiteraient ainsi être formés au leadership, à “l’agilité et au digital”, à la gestion des conflits, et à la communication.
“Face à ces enjeux, les entreprises qui chercheront à recruter devront activer des leviers forts d’attractivité : l’accès au télétravail régulier, la recherche d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, mais aussi l’accès à la formation. Les DRH auront un rôle essentiel à jouer dans ces enjeux de recrutement, d’évolution des compétences, et d’accompagnement des managers”, résume le directeur général de l’Apec.