La fin de l’open space ? Après un an de télétravail généralisé, les collaborateurs aspirent à revenir au présentiel, mais en bureaux fermés, et pas à temps plein, selon une étude Ifop / Julhiet Sterwen. Un défi pour les managers, qui voient déjà leur rôle évoluer.
“Après des décennies d’open space et une année de télétravail, où en est l’engagement des salariés ?”, s’est demandé le cabinet Julhiet Sterwen dans son 5e “baromètre digital workplace”. (1)
Constat : la tendance est au “phygital workplace”. Autrement dit, après un an de crise et de télétravail généralisé, les collaborateurs aspirent à évoluer dans un environnement de travail “hybride”.
L’enquête nous apprend que pendant la première année de la pandémie, 46 % des salariés ont travaillé à distance. Mais alors qu’une étude de Malakoff Humanis indique que les télétravailleurs ont tendance à saturer, Julhiet Sterwen remarque que seuls 50 % des répondants souhaitent télétravailler après la crise. Selon l’étude, les collaborateurs oscillent désormais “entre désengagement et sur-engagement”. Et rêvent de retourner au bureau.
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Désengagement et retour au bureau
55 % des répondants pensent que le travail distant risque de provoquer une diminution du sentiment d’appartenance et une perte de motivation. Et 57 % des managers constatent d’ailleurs que nombre de leurs collaborateurs se désengagent déjà “vis-à-vis du collectif et de la vie de l’entreprise”.
“Sur le terrain, deux risques de désengagement cohabitent : les décrocheurs, dont le désengagement pré-existant s’est renforcé face aux obstacles rencontrés (absence de vie collective, sentiment d’isolement….), et les sur-engagés, qui peuvent sur la durée souffrir d’une forme d’épuisement mais aussi de frustrations face à une absence de reconnaissance. Jusqu’à se désengager eux aussi, comme 3 managers sur 5 l’observent déjà”, alerte Julhiet Sterwen.
Pour toutes ces raisons, le retour au bureau semble demain inéluctable. Mais pas à 100 %. “Demain, l’hybridation”, résume l’étude, à la vue des envies des collaborateurs vis-à-vis de leurs futurs environnements de travail. En effet, s’ils souhaitent encore travailler à distance demain, ils aspirent surtout à pouvoir se connecter dans un environnement “phygital” ; depuis leur domicile (36 %) ou un tiers-lieu (7 %), mais aussi depuis leur entreprise.
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Le retour aux bureaux fermés ?
Et si jusqu’ici, l’open space dominait dans les locaux des organisations, la crise sanitaire et la généralisation du télétravail semblent avoir joué en sa défaveur. Ils ne sont en effet que 7 % à souhaiter continuer d’évoluer dans un espace partagé, contre 36 % dans des bureaux individuels fermés.
“L’émergence d’un environnement hybride redessine l’expérience collaborateur de demain, pour tendre au meilleur équilibre possible entre les frontières physiques et digitales. L’hybridation n’est pas qu’une transition mais tend vers une pérennisation. L’adhésion forte à un meilleur mix entre le présentiel en entreprise et le distanciel confirme que la crise n’a fait qu’accélérer un mouvement préexistant d’éclatement des lieux-travail”, analyse Julhiet Sterwen.
Pour le cabinet, “donner l’envie de revenir sur site passera surtout par la qualité des services offerts et l’animation du vivre ensemble”.
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Seront-ils écoutés pour autant par leurs employeurs ? Olivier Cros, directeur Workplace Strategy de CBRE France, nous expliquait en décembre 2020 que très peu d’entreprises se sont “recloisonnées” depuis mars 2020 : “ce n’est pas du tout la fin des espaces ouverts. Le bureau individuel, ou partagé avec deux ou trois personnes, n’est plus pertinent par rapport aux modes de travail d’aujourd’hui et de demain. Le travail n’est plus essentiellement individuel. Il est collaboratif et imprévisible”. Selon lui, “demain, le poste de travail individuel verra au contraire sa part réduite, et restera massivement ouvert”. Mais l’open space devrait se transformer en un espace “beaucoup plus mutualisé”, dédié au travail collaboratif, où “l’activité primera”.
Pour autant, Julhiet Sterwen alerte sur l’importance d’entendre les aspirations des salariés : “La chute de l’attractivité de l’open space et la démocratisation du distanciel exigent d’intégrer la voix du collaborateur en continu pour co-designer les usages de demain”. Car selon le cabinet, “le désaveu de l’espace partagé dépasse l’enjeu contextuel de réassurance sur le niveau de sécurité sanitaire”, et “démontre que les représentations au regard de l’environnement de travail évoluent”.
“Si l’open space est un espace privilégié de convivialité, beaucoup des griefs qui lui sont portés reposent sur le manque de concentration qu’il défère. La recherche constante de modularité des espaces entre eux, ou de réversibilité de certains sous-utilisés, seront des clés d’adaptation ces prochaines années”, indique l’étude.
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Une “hybridation” du rôle de manager
Pour Julhiet Sterwen, “le nouveau manager sera hybride ou ne sera pas.” Concrètement, les 77 % de chefs d’équipe qui ont réussi à “lâcher-prise” et à accepter une certaine perte de contrôle, “tendent déjà vers un nouveau management”. Ils misent pour cela sur “la confiance, l’autonomisation et la responsabilisation” de leurs collaborateurs.
“Mais des points de vigilance sont à garder en tête dans ce mode de management distanciel / présentiel : comment récréer du collectif à distance, détecter des signaux faibles et favoriser les interactions”, prévient toutefois le cabinet.
(1) Étude réalisée par l’Ifop entre le 27 octobre et le 9 novembre 2020, auprès de 652 salariés et de 637 managers, dans des entreprises 500 de salariés et plus.