Selon la troisième édition de l’étude Télétravail de Malakoff Humanis, le travail à distance est arrivé à maturité. Salariés et dirigeants semblent ainsi convaincus par les bénéfices de cette pratique, tout en déplorant certaines difficultés tenaces. Dans le même temps, les grèves de décembre 2019 et les épidémies hivernales, de la grippe saisonnière au coronavirus, pourraient avoir “boosté” le télétravail.
Les entreprises françaises sont moins frileuses vis-à-vis du télétravail. Pour la 3e année consécutive, Malakoff Humanis a publié son étude sur le regard croisé des salariés, des dirigeants et des managers sur le travail à distance. Selon cette enquête de perception (1), le télétravail se stabilise.
Ainsi, 30 % des salariés le pratiquent, contre 29 % en 2018 et 25 % en 2017. “Les entreprises l’ont progressivement adopté : 32 % d’entre elles donnent la possibilité de travailler à distance, contre 26 % en 2017”, constate Anne-Sophie Godon, directrice de l’innovation chez Malakoff Humanis.
Selon l’étude, le télétravailleur type est cadre et évolue dans une entreprise de plus de 250 salariés, dans le secteur des services. Dans le détail, 69 % des personnels d’encadrement (et 44 % des managers) télétravaillent. Ils représentent 27 % des salariés qui travaillent à distance ; une proportion inférieure à celle constatée l’année dernière (51 %). “L’usage a réduit les réticences de certaines organisations, et a permis à davantage de non-cadres de télétravailler”, indique Anne-Sophie Godon.
Par ailleurs, le nombre moyen de jours de télétravail par mois s’élève à 6,4, contre 7 en 2018. La “durée moyenne idéale” pour les salariés est aussi en baisse, passant de 7 jours par mois à 6. “C’est le signe que le travail à distance est arrivé à maturité avec l’usage, et que l’on a fini par se rendre compte qu’il valait mieux le pratiquer de façon mesurée”, analyse Anne-Sophie Godon.
Horaires, temps de vie et temps de trajet
Qu’est-ce qui motive les salariés à se lancer dans le télétravail ? L’année dernière, il s’agissait de la réduction du temps de trajet domicile – lieu de travail (54 %), de la planification des horaires selon les besoins (36 %), et d’une meilleure efficacité (36 %). Cette année, leurs deux principales motivations restent les mêmes : la baisse des temps de trajet maison-entreprise (46 %) et la flexibilité du temps de travail (39 %). En revanche, ils n’attendent plus que le télétravail les rendent plus efficaces, mais souhaitent qu’il leur permette de mieux concilier leurs temps de vie (37 %, contre 32 % en 2018).
Du côté des organisations, ce qui motive les dirigeants à proposer le télétravail a légèrement changé. Les deux premières raisons restent un meilleur équilibre de vie des salariés (45 %, contre 56 % en 2018), ainsi que le fait de fidéliser les collaborateurs (41 % contre 45 % en 2018). En revanche, l’année dernière, les chefs d’entreprise étaient 34 % à souhaiter faire “évoluer les modes de management et développer une politique de QVT” grâce au travail à distance. Cette année, ils privilégient la réduction des risques liés aux trajets domicile / lieu de travail, à 36 % contre 24 % en 2018.
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Un risque d’addiction au travail ?
Selon les salariés qui pratiquent le télétravail, les bénéfices de ce système sont nombreux : un meilleur équilibre vie professionnelle – vie personnelle (89 %), une plus grande autonomie et davantage de productivité (88 %), une QVT améliorée (80 %), ainsi que des économies financières (79 %). Pour autant, d’une façon assez contradictoire, 58 % des télétravailleurs déplorent des difficultés à “séparer leurs temps de vie”, et 51 % vont jusqu’à parler de risque “d’addiction au travail”.
Pour les salariés qui se sont essayés au travail à distance, cette pratique a d’autres aspects négatifs : des échanges avec les autres collaborateurs plus complexes (57 %), des difficultés techniques (51 %) et une sensation d’isolement (46 %). À noter que 11 % des télétravailleurs déclarent n’avoir “aucun contact” dans la journée avec les membres de leur équipe.
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Des managers encore à la peine
De leur côté, les managers indiquent rencontrer des difficultés de mise en œuvre du travail à distance, notamment pour “ne pas favoriser ou défavoriser des collaborateurs par rapport aux autres” (40 %), pour adapter leur mode de management et pour “maintenir le lien, l’entraide et les échanges” (37 %).
Enfin, 36 % des managers s’estiment insuffisamment formés à l’accompagnement de leurs collaborateurs dans la mise en place du télétravail, et 45 % appellent de leur vœux le soutien de leur entreprise.
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Le télétravail “boosté” par les grèves et le coronavirus
Selon l’étude, 38 % des salariés non-télétravailleurs ont opté pour le travail à distance pendant les grèves de décembre 2019. Ces “primo-télétravailleurs” sont une majorité (90 %) à indiquer être satisfaits par cette expérience, “même si celle-ci a eu lieu dans un contexte un peu forcé”, note Anne-Sophie Godon.
En outre, en février 2020, juste avant que l’épidémie de coronavirus n’entre en stade 2 en France, 36 % des entreprises du secteur privé avaient déjà “incité leurs salariés” à faire du télétravail pour “éviter des risques de contamination”. À l’époque, les réponses étaient davantage liées à la grippe saisonnière et à la gastro-entérite qu’au Covid-19. “Nous devrions sans doute consulter les mêmes salariés et dirigeants dans quelques mois pour appréhender l’impact du coronavirus, mais il y a fort à parier que les chiffres s’envolent d’ici la fin de l’épidémie”, conclut Anne-Sophie Godon.
(1) L’étude CSA pour Malakoff Humanis a été réalisée en “deux vagues”, auprès de deux échantillons représentatifs de 1 610 salariés et 402 dirigeants et DRH d’entreprises du secteur privé, en novembre-décembre 2019, puis en février 2020.