Le calcul de la retraite est complexe en soi, notamment quand le parcours n’a pas été linéaire. Mais si s’ajoute aux aléas de la vie professionnelle l’expérience d’une expatriation, il faudra être d’autant plus attentif pour ne pas se retrouver en difficulté le moment venu. Par Françoise Kleinbauer, PDG France Retraite.
L’expatriation, c’est un choix de carrière et de vie qui ne va pas sans impacter vos futurs revenus à la retraite. L’espérance de vie à la retraite est aujourd’hui évaluée à 25 ans en moyenne. De quels revenus disposerez-vous pour réaliser vos projets touristiques et culturels mais aussi pour faire face à vos besoins quotidiens, à votre couverture santé ou dépendance ? Avant le départ vers un nouveau pays de résidence, les premières préoccupations portent plutôt sur le logement, la scolarité des enfants ou l’adaptation culturelle. L’expatriation change pourtant la donne en matière de retraite. En effet, rien n’est automatique. Petite revue des points de vigilance avant le départ : il faut se mettre au clair sur vos droits acquis. Vous recevez annuellement, en fonction de votre âge, des Relevés individuels de situation (RIS) qui listent l’ensemble des périodes d’activité prises en compte pour le calcul de votre future retraite.
Cherchez l’erreur
1. C’est le moment de vérifier si des emplois, même de courte durée (intérim, CDD), n’ont pas été oubliés. Les caisses de retraite commettent régulièrement des erreurs dans le report de cotisations, ce seront autant de trimestres manquants au moment de la liquidation de votre retraite.
2. Si c’est le cas, vous pouvez rechercher les bulletins de salaire correspondant à ces périodes manquantes et les adresser à votre caisse de retraite pour rectification. Si vous n’êtes plus en possession de ces bulletins, vous pouvez vous adresser à l’Urssaf de la région d’implantation de l’entreprise qui vous employait en lui donnant un maximum d’informations pour retrouver les cotisations versées pour votre compte. Les chances de retrouver les entreprises et les preuves sont plus importantes si vous vous y prenez dès que vous constatez l’erreur.
3. Si vous avez eu une carrière de poly-pensionné, c’est-à-dire que vous avez exercé votre activité professionnelle en relevant de différents statuts (salarié, travailleur indépendant, fonctionnaire…), votre parcours peut être délicat et fastidieux à reconstituer.
Le cas du conjoint
Ces analyses, contrôles techniques, recherche de justificatifs sont consommateurs d’un temps dont vous ne bénéficiez peut être pas. Dans tous ces cas, un bilan retraite1 peut vous aider dans les démarches, vous donner une vision précise des droits déjà acquis et une projection du montant de votre future retraite. Ce point à date vous permettra de mesurer l’effort de cotisation volontaire à fournir pour préserver un niveau de revenus à la retraite qui soit le moins éloigné possible de celui que vous aviez en activité. Prenez en considération la retraite de votre conjoint. Celui-ci, dans la plupart des cas, quittera son emploi pour vous suivre et n’en retrouvera pas immédiatement un dans votre pays d’expatriation. Il ne cotisera donc pas pour sa retraite. Sur une période de 3 ans (durée moyenne d’une expatriation), ce sont donc 12 trimestres qui lui manqueront pour avoir une carrière complète. Dans 85 % des cas, le conjoint de l’expatrié est une femme. Déjà concernée par une carrière heurtée (temps partiel, interruption pour élever les enfants), elle devra au moment de la liquidation faire face à des situations complexes : comment compenser la baisse significative de sa propre retraite du fait des trimestres manquants ? Comment faire valider des trimestres acquis pendant une partie de sa carrière à l’étranger ?
Continuer à cotiser pour sa retraite
Votre entreprise a l’obligation de vous informer sur votre situation santé, prévoyance et retraite avant votre départ2. Elle n’a en revanche aucune obligation de cotiser pour votre retraite. Vérifiez donc si c’est le cas auprès d’elle. Certaines prennent en charge la cotisation à la retraite de base par l’intermédiaire de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) et même aux régimes complémentaires CRE (équivalent de l’Arrco) et Ircafex (équivalent de l’Agirc) pour les cadres. Sinon, vous pouvez et devez cotiser de façon volontaire, a minima à la CFE, pour être sûr de percevoir les mêmes montants de retraite que ceux que vous auriez perçus en France pour la même période3. Vous pouvez faire de même auprès de la CRE et de l’IRCAFEX pour les régimes complémentaires. Attention, quand vous cotisez volontairement, vous payez à la fois la part salariale et la part patronale, peu onéreuses à la CFE, beaucoup plus auprès de la CRE et de l’Ircafex ! Les mêmes règles valent pour votre conjoint. Sachez que vous pouvez également solliciter un entretien auprès de votre caisse de retraite : c’est un droit qui vous est ouvert depuis le 1er janvier 2015, en cas de départ en expatriation4. Vous pouvez aussi décider, en fonction de votre appétence au risque et de l’étendue de vos besoins, de vous constituer un complément de retraite en souscrivant des contrats d’épargne retraite par capitalisation en France ou à l’étranger et, ou en acquérant un patrimoine immobilier que vous pourrez liquider au moment de votre retraite. Un conseiller en gestion de patrimoine peut utilement vous guider en tenant compte de votre faculté d’épargne.
1 www.franceretraite.fr
2 Directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991 (article R. 1221-34 et R. 1221-35 C. Trav.)
Cass. soc. 25 janvier 2012, n° 11-11374, F-P+B, Cass. Soc. 26 septembre 2012, n° 11-23.706, Cass. Soc. 26 septembre 2012, n° 11-14.083.
3 Si vous êtes expatrié dans un des 28 pays de l’UE, mais aussi en l’Islande, au Lichtenstein, en Norvège et Suisse.
4 Décret n° 2014-815 du 17 juillet 2014 relatif au droit à l’information sur la retraite à destination des assurés ayant un projet d’expatriation.
Voir aussi, S’expatrier, mode d’emploi : préparez votre retraite