Portés par des voyageurs d’affaires “millénials” aux exigences nouvelles, les hébergements alternatifs s’imposent doucement, de l’appart-hôtel au logement collaboratif. Par Thierry Beaurepère.
Ringards, les hôtels ? S’ils restent plébiscités par les travel managers, ils sont sous pression ! Face à des salariés millénials (18/35 ans) qui abusent des plates-formes collaboratives, mêlent travail et loisirs et réclament des lieux de vie plutôt que des chambres impersonnelles, des offres alternatives émergent et obligent les entreprises à repenser leurs “politiques voyages”. Apparus dans les années 80, les appart-hôtels ont longtemps mis en avant leurs studios équipés de kitchenettes combinant confort et indépendance pour séduire les voyageurs d’affaires (65 à 70 % de leur clientèle). Aujourd’hui, les principaux opérateurs présents en France (Citadines, Adagio, Appart’ City, Residhome, Odalys…) préfèrent parier sur une “expérience” renouvelée.
Tous rénovent leurs établissements, avec des chambres relookées et équipées d’une zone de travail dédiée, et des espaces communs repensés en lieux de co-working ou de détente, afin de favoriser les rencontres après le travail. Adagio propose même à ses clients de personnaliser leurs chambres avec des objets de décoration en libre-service ! Il est vrai que les appart-hôtels répondent plus particulièrement aux besoins des voyageurs d’affaires qui séjournent plusieurs jours, parfois plusieurs semaines, sur place (sociétés de conseils, avocats, professions libérales…) et ont besoin de se sentir “comme à la maison”. Si les prix sont comparables avec l’hôtellerie jusqu’à 3 nuits, ils deviennent dégressifs à partir de 4 nuits (comptez alors 20 % de moins qu’un hôtel de standard comparable). Et au-delà de 28 nuits, l’économie dépasse 30 %.
Comme à la maison
En rénovant leur offre, les appart-hôtels entendent aussi contrer la montée en puissance des hébergements collaboratifs. Selon un sondage réalisé en marge du salon londonien Business Travel Show en février, 58 % des acheteurs (contre 26 % en 2015) estiment que l’économie collaborative est une bonne chose pour le voyage d’affaires, et un quart des entreprises britanniques auraient ajouté l’un de ses acteurs à leur offre. Au-delà des prix (inférieurs de 15 à 20 % à un hôtel), c’est l’ambiance ancrée dans la vie locale et l’offre abondante au cœur des villes qui séduisent les voyageurs.
Airbnb a créé “Airbnb for Work” en 2015 pour capter ce marché professionnel. Le leader du logement collaboratif a sélectionné 150 000 logements (4 % de son offre totale) présentés comme adaptés aux voyageurs d’affaires : Wifi haut débit, espace de travail, conditions d’annulation flexibles, check-in 24h/24… Il a aussi créé des outils répondant aux besoins des travel managers : réservation centralisée, moyens de paiement adéquats… Résultat : 15 % des séjours réservés sur la plate-forme seraient des voyages d’affaires selon Jon Liebtag, directeur pour l’Europe de “Airbnb for Work”. Il annonce également 150 000 comptes de voyageurs d’affaires en France, essentiellement des PME car les grandes entreprises se font encore tirer l’oreille.
Dans l’ombre du géant, Magic Stay entend se démarquer avec une offre qualifiée. Plate-forme française dédiée à 100 % au voyage d’affaires, elle propose 100 000 appartements dans 92 pays, gérés essentiellement par des agences de location professionnelles, pour une qualité de services optimale. La start-up a par ailleurs développé un outil de réservation dédié aux entreprises, qui intègre la politique voyage, le paiement par carte ou virement ou le reporting détaillé. La révolution du “logement alternatif” est en marche…
Le défi de la distribution
L’accès aux stocks de chambres, la consolidation des données et la facturation centralisée constituent des enjeux essentiels pour les entreprises. Airbnb a signé des accords avec les leaders de la gestion des déplacements professionnels (American Express, Carlson Wagonlit Travel, BCD Travel…) afin d’intégrer leurs outils de réservation. De son côté, Magic Stay est notamment référencé par Havas Voyages. Les centrales hôtelières (ou HBA, pour Hotel Booking Agent) constituent un autre élément clé, à l’instar d’H Corpo (marque de Gekko Group, racheté en 2017 par Accorhôtels) ou de HRS. Elles agrègent plusieurs centaines de milliers d’hôtels dans le monde, avec des tarifs négociés, ainsi que des process de réservation et de règlement optimisés.