Le 14 décembre, le groupe Financière Turenne Lafayette (Madrange, William Saurin, Garbit…) informait les services de l’État de la découverte de pratiques de présentation trompeuse de ses comptes. Bercy a déclaré que “la justice avait été saisie du dossier pour mener les investigations nécessaires, et déterminer les responsabilités et les causes de ces pratiques.” Pour y voir plus clair, nous avons interrogé Jean-Luc Flabeau, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.
Quelles sont les accusations qui pèsent sur le groupe Financière Turenne Lafayette ?
A priori il y a eu un cas de fraude d’une importance relative à la suite d’un audit diligenté par la nouvelle direction. Ce qui m’étonne dans cette affaire, c’est une mise en cause des commissaires aux comptes sans même savoir ce qu’il s’est exactement passé, ce ton accusateur sur une profession et plus largement celle d’auditeur. Il y a une enquête, il est prudent d’en attendre les résultats. Il faut savoir que notre mission première est la certification des comptes et non la recherche de fraude, même si elle est induite. Et il faut reconnaître que nous avons un système assez sécurisé en France car deux cabinets travaillent sur un même dossier.
Dans ce cas, comment est-il possible de truquer des comptes certifiés ?
Par définition, le fraudeur cherche à tromper autrui et aussi et bien sûr ses auditeurs. Nous avons depuis quelques années des fraudes de plus en plus intelligentes avec des montages très complexes favorisés par la cybercriminalité. Il faut bien comprendre que frauder à l’insu de ses auditeurs est plus que possible. Avoir un commissaire aux comptes limite le risque de fraude, mais ne peut pas attester d’un risque zéro. En revanche, s’il y a un défaut de diligence de la part des commissaires, ce sera plus compliqué.
Comment cette fraude a-t-elle été détectée ?
Il semblerait que l’ancienne propriétaire et seule actionnaire du groupe Monique Piffaut ait mis en place cette fraude avec un noyau de personnes autour d’elle. Ces fraudes sont souvent découvertes en l’absence de la personne qui les gère. Ainsi, le décès de cette dame a favorisé la découverte de cette fraude.
Quels sont les risques pour l’entreprise et les commissaires aux comptes ?
L’entreprise risque une défaillance, des difficultés financières… (le gouvernement a obtenu mardi 20 décembre l’accord des 17 banques travaillant avec la maison mère de William Saurin, Financière Turenne Lafayette (FTL), pour abonder le fonds qui garantira le maintien de l’activité de ce groupe, ndlr). Il va falloir définir la responsabilité civile et pénale des commissaires aux comptes s’ils en ont une. L’absence de vigilance pourrait leur être reprochée.