{"id":1127,"date":"2012-07-20T14:43:47","date_gmt":"2012-07-20T12:43:47","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/pierre-emmanuel-taittinger-je-nai-ni-bonus-ni-stock-options\/"},"modified":"2023-07-18T10:02:28","modified_gmt":"2023-07-18T08:02:28","slug":"pierre-emmanuel-taittinger-je-nai-ni-bonus-ni-stock-options","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/pierre-emmanuel-taittinger-je-nai-ni-bonus-ni-stock-options\/","title":{"rendered":"Pierre-Emmanuel Taittinger : "Je n'ai ni bonus, ni stock-options""},"content":{"rendered":"
Pr\u00e9sident du Champagne Taittinger, Pierre-Emmanuel Taittinger n\u2019a pas h\u00e9rit\u00e9 des r\u00eanes de l\u2019entreprise, il s\u2019est battu pour les conqu\u00e9rir. Avec un chiffre d\u2019affaires de 15 millions d\u2019euros en 2011, il nous rappelle qu\u2019esprit de famille et entreprise peuvent faire un tr\u00e8s bel assemblage. Notamment en mati\u00e8re de management\u2026<\/strong><\/p> \u00a0<\/p> Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?<\/strong> La fid\u00e9lit\u00e9 n\u2019est pourtant pas ce qui caract\u00e9rise en premier lieu les salari\u00e9s ou les cadres d\u2019aujourd\u2019hui\u2026<\/strong> Vous parlez \u00e9galement de devoir\u2026 \u00c9tait-ce un devoir pour vous de faire carri\u00e8re dans l\u2019entreprise ?<\/strong> L\u2019h\u00e9ritage est-il parfois un poids ?<\/strong> Cet attachement a rendu la vente du groupe au fonds d\u2019investissement am\u00e9ricain Starwood Capital, en 2005, d\u2019autant plus difficile. Comment l\u2019avez-vous v\u00e9cue ?<\/strong> Y avait-il pour vous une incompatibilit\u00e9 entre un fonds d\u2019investissement et un produit comme le champagne ?<\/strong> Aux yeux de certains, vous n\u2019aviez pas les bons dipl\u00f4mes pour diriger l\u2019entreprise\u2026<\/strong> Quelle place accordez-vous au dipl\u00f4me dans le recrutement des cadres ?<\/strong> Vous \u00eates un homme de famille. Mais les affaires en famille ne sont-elles pas source de tension ?<\/strong>
\nJ\u2019ai fait toute ma carri\u00e8re au Champagne Taittinger et je crois beaucoup aux gens qui ne font qu\u2019une seule entreprise. J\u2019ai d\u2019ailleurs dans ma famille quelqu\u2019un qui a fait de m\u00eame, c\u2019est mon cousin direct et cela ne lui a pas trop mal r\u00e9ussi puisqu\u2019il est pr\u00e9sident de la plus grande entreprise de France aujourd\u2019hui, Total. Christophe de Margerie y a fait toute sa carri\u00e8re depuis sa sortie de l\u2019\u00e9cole. Je crois qu\u2019il y a aussi de l\u2019int\u00e9r\u00eat \u00e0 rester dans la m\u00eame structure quand on l\u2019aime.<\/p>
\nC\u2019est vrai. Je pense que c\u2019est pourtant une tr\u00e8s bonne chose. Chez Taittinger, quand je prends un cadre ou un cadre sup\u00e9rieur, c\u2019est comme dans une partie de tarot : j\u2019aime bien l\u2019emmener au bout. Tout d\u2019abord, cela signifie que l\u2019on ne s\u2019est pas tromp\u00e9 dans le recrutement et deuxi\u00e8mement que l\u2019entreprise pla\u00eet suffisamment \u00e0 ce cadre pour qu\u2019il ait envie d\u2019y rester toute sa vie.
\nJe me trouve au-dessus des cray\u00e8res de l\u2019Abbaye de Saint-Nicaise, c\u2019est ici que sont nos bureaux. Je tiens \u00e0 ce que tous nos collaborateurs \u2013 et en particulier les cadres, les cadres sup\u00e9rieurs -, qui entrent dans la Maison, participent de ce projet humain au m\u00eame titre que\u00a0les moines de l\u2019Abbaye de Saint-Nicaise travaillaient ensemble pour faire de tr\u00e8s jolis vins.<\/p>
\nOui, cela a beaucoup compt\u00e9. Mais \u00e7a, c\u2019est un peu g\u00e9n\u00e9tique. (\u2026) C\u2019est un devoir pour moi de continuer une \u0153uvre entreprise.<\/p>
\nJe ne l\u2019ai jamais ressenti comme cela, car je ne me pose pas trop de questions. J\u2019ai une devise : \u00eatre s\u00e9rieux sans se prendre au s\u00e9rieux.\u00a0Je suis \u00e9galement un homme de foi et de devoir. Lorsque que vous avez dit \u00e7a, vous avez fait le tour de Pierre-Emmanuel. Pour le reste, j\u2019aime beaucoup l\u2019art brut, l\u2019art singulier, qui n\u2019est pas un art conventionnel. J\u2019ai toujours cultiv\u00e9 un \u00e9tat d\u2019esprit tr\u00e8s personnel. Ma m\u00e8re est ardennaise. Les Ardennais sont des gens qui viennent des grandes for\u00eats o\u00f9 il pleut toujours, j\u2019aime plus la pluie que le soleil. Je dois tenir aussi de cette r\u00e9gion de la France. Mes grands-parents maternels \u00e9taient des industriels de la fonderie, c\u2019\u00e9tait la famille Deville, j\u2019ai aussi cela dans les veines. J\u2019aime l\u2019industrie, l\u2019acier, la fonte, la vieille et noble industrie fran\u00e7aise.<\/p>
\nJe l\u2019ai v\u00e9cue comme une trag\u00e9die personnelle, tout simplement. Avec tout ce que cela a de triste et de beau. Je trouvais que ce n\u2019\u00e9tait pas utile, que ce groupe marchait tr\u00e8s bien. Il portait des fleurons de l\u2019\u00e9conomie fran\u00e7aise, des tr\u00e8s beaux h\u00f4tels et le champagne. Il n\u2019\u00e9tait pas en difficult\u00e9, il \u00e9tait tout \u00e0 fait sain, il \u00e9tait tr\u00e8s bien dirig\u00e9, il n\u2019y avait aucune raison de le vendre.
\nJe n\u2019ai jamais \u00e9t\u00e9 d\u2019accord avec la vente du groupe mais je l\u2019ai respect\u00e9e. C\u2019\u00e9tait un pacte que nous avions, si une majorit\u00e9 d\u2019actionnaires le voulait, la minorit\u00e9 devait l\u2019accepter. Je n\u2019ai d\u2019ailleurs aucun ressentiment pour les gens de ma famille. C\u2019est la loi des entreprises, on a le droit de faire ce que l\u2019on veut de son patrimoine.<\/p>
\nNon, je n\u2019ai pas de commentaire \u00e0 faire sur ceux qui ont achet\u00e9. Celui qui ach\u00e8te fait un ch\u00e8que plus gros que les autres et il prend. D\u2019ailleurs, ils n\u2019ont pas gard\u00e9 le champagne, au bout d\u2019un an, ils ont revendu. Il n\u2019y a eu aucune incidence pour le Champagne Taittinger, pour le personnel\u2026 D\u2019autant plus que le fonds Starwood Capital nous a laiss\u00e9s aux commandes compl\u00e8tes de l\u2019affaire. Si, il y a eu tout de m\u00eame une incidence, c\u2019est que j\u2019ai \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9 de racheter l\u2019entreprise tr\u00e8s cher et que financi\u00e8rement cela lui co\u00fbte.
\nJe souffre de voir qu\u2019en France on ne privil\u00e9gie pas plus les structures familiales. Les Allemands font beaucoup de soci\u00e9t\u00e9s en commandite. Des familles qui connaissent bien les entreprises, avec un bon management, continuent de se d\u00e9velopper et de prosp\u00e9rer. M\u00eame si elles n\u2019ont plus 50 % de leur capital, elles peuvent continuer \u00e0 diriger leurs affaires. En France, on pr\u00e9f\u00e8re vendre cela \u00e0 des fonds \u00e9trangers, qui apr\u00e8s revendent souvent par appartement. Je ne porte pas de jugement l\u00e0-dessus, mais je crois qu\u2019il faut prot\u00e9ger le tissu des entreprises familiales.<\/p>
\nJe n\u2019\u00e9tais pas hyper dipl\u00f4m\u00e9 et nous \u00e9tions dans une France (nous y sommes toujours !) o\u00f9 le dipl\u00f4me est tout. J\u2019ai fait le CPA (Centre de perfectionnement aux affaires, ndlr) de Paris, le Centre de formation aux affaires de Reims, mais je n\u2019ai fait ni l\u2019\u00c9na, ni Polytechnique, ni Sciences Po\u2026 Je n\u2019ai jamais eu le go\u00fbt de l\u2019\u00e9cole. En revanche, j\u2019avais un grand esprit de famille, j\u2019\u00e9tais un commer\u00e7ant, un animateur\u2026 Finalement, j\u2019\u00e9tais ravi de ne pas avoir de dipl\u00f4mes, cela me permettait d\u2019avoir une vision peut-\u00eatre un peu plus paysanne, moins marqu\u00e9e par des \u00e9tudes, des sch\u00e9mas pr\u00e9con\u00e7us.<\/p>
\nCe n\u2019est pas un crit\u00e8re absolu. Quelques dipl\u00f4mes ne me d\u00e9plaisent pas mais ce qui m\u2019int\u00e9resse surtout, c\u2019est le rayonnement personnel. J\u2019ai beaucoup de respect pour les dipl\u00f4mes, simplement, comme je le dis toujours, ce n\u2019est pas dur d\u2019entrer dans une grande \u00e9cole, la difficult\u00e9 est d\u2019en sortir.
\nEn revanche, j\u2019aime m\u2019entourer de gens que je consid\u00e8re plus intelligents que moi. Et j\u2019ai une vision tr\u00e8s personnelle des choses : je me mets au service de mes cadres et de mes employ\u00e9s. Chez Taittinger, je suis au service de ma femme de m\u00e9nage.<\/p>
\nLes affaires tout court, comme la politique ! J\u2019ai remarqu\u00e9 que le principal sujet \u2013 qu\u2019il faut traiter avec beaucoup de d\u00e9licatesse -, c\u2019est la question de la limite d\u2019\u00e2ge. Je crois que dans toutes les entreprises fran\u00e7aises (famille ou pas), il faut fixer des r\u00e8gles. Je pense que dans les affaires familiales, la retraite ne devrait jamais \u00eatre prise apr\u00e8s 70 ans, que ce soit dans les conseils d\u2019administration ou dans les postes de directoire. Pass\u00e9 cet \u00e2ge, on reste un homme ou une femme brillante, mais on est plus frileux sur l\u2019avenir, on \u00e9coute de plus en plus les gens qui vous cirent les chaussures. On voit des r\u00e9flexes dus \u00e0 l\u2019\u00e2ge qui sont tr\u00e8s classiques. C\u2019est la m\u00eame chose en politique, dans tout. Un g\u00e9n\u00e9ral de l\u2019arm\u00e9e fran\u00e7aise prend sa retraite avant, heureusement !
\nJ\u2019ai beaucoup de respect pour l\u2019\u00e2ge mais je pense que la personne peut faire des tas d\u2019autres choses pour la soci\u00e9t\u00e9 plus fondamentales. Elle peut aussi s\u2019occuper de sa famille, former ses enfants, ses petits enfants qui ont besoin de l\u2019exp\u00e9rience d\u2019un a\u00een\u00e9. Cela fait \u00e9galement partie de la transmission d\u2019une entreprise familiale que d\u2019avoir du temps \u00e0 consacrer aux membres de sa famille.<\/p>