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Qui n\u2019a pas connu ce grand \u00e9cart, o\u00f9 apr\u00e8s un s\u00e9minaire pr\u00f4nant innovation, exploration, cr\u00e9ativit\u00e9 ou prise d\u2019initiatives, la dure loi du contr\u00f4le de gestion nous demande de justifier toute baisse de performance en nous rappelant l\u2019imp\u00e9rieuse n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019atteindre nos objectifs qu\u2019ils se nomment chiffres d\u2019affaires, indicateurs cl\u00e9 de performance, productivit\u00e9 ou marge brute ?<\/p>
Longtemps l\u2019\u00e9conomie dite classique a cru na\u00efvement que le monde de l\u2019innovation et de ses r\u00eaveurs qui peuplaient ce pays de cocagne, appel\u00e9 alors la nouvelle \u00e9conomie, allaient se r\u00e9veiller et affronter la dure r\u00e9alit\u00e9 du monde r\u00e9el et ses exigences de performance. Le r\u00e9veil a eu lieu. Des pans entiers de l\u2019\u00e9conomie classique aussi performants \u00e9taient-ils se sont effondr\u00e9s. Certes beaucoup de r\u00eaveurs sont rest\u00e9s dans les limbes de leurs projets imaginaires, \u00e0 d\u00e9faut d\u2019avoir su les partager avec succ\u00e8s. Mais d\u2019autres ont r\u00e9ussi \u00e0 donner une telle r\u00e9alit\u00e9 tangible \u00e0 ce pays de cocagnes de l\u2019imaginaire et de l\u2019innovation qu\u2019ils ont attir\u00e9 \u00e0 eux les jeunes, les meilleurs talents et les entrepreneurs les plus dynamiques au d\u00e9sespoir de beaucoup de grandes organisations, anciens temples de la performance d\u00e9sormais d\u00e9sert\u00e9s par leurs fid\u00e8les.<\/p>
Cette fable est, bien s\u00fbr, quelque peu caricaturale. Des entreprises classiques se sont effectivement effondr\u00e9es mais souvent \u00e0 cause justement de leur moindre performance. Des acteurs de la nouvelle \u00e9conomie ont fait de l\u2019utilisation du digital et de la data des leviers extr\u00eamement puissants pour gagner encore plus en performance op\u00e9rationnelle \u00e0 l\u2019instar d\u2019Amazon qui est devenu l\u2019un des acteurs si ce n\u2019est l\u2019acteur le plus performant dans la gestion op\u00e9rationnelle de ses flux logistiques. Il n\u2019en reste pas moins que l\u2019innovation et la recherche de la performance op\u00e9rationnelle restent deux sujets antinomiques mobilisant des types de management finalement tr\u00e8s diff\u00e9rents. La grande difficult\u00e9 est de pouvoir les faire coexister au sein d\u2019une m\u00eame organisation.<\/p>
Il y a longtemps que l\u2019innovation s\u2019est \u00e9mancip\u00e9e de la pens\u00e9e des premiers \u00e9conomistes classiques qui la cantonnaient \u00e0 une sorte de moyen d\u2019am\u00e9liorer la productivit\u00e9. Le vieux d\u00e9bat d\u2019alors \u00e9tait de savoir si l\u2019innovation allait d\u00e9truire ou non \u00e0 terme les emplois par la constante augmentation de la productivit\u00e9. Il est d\u2019ailleurs int\u00e9ressant de constater que le d\u00e9veloppement rapide de l\u2019intelligence artificielle recr\u00e9e cette peur antienne que l\u2019innovation va \u00e0 terme tuer le travail humain. En 1942, Schumpeter avec sa fameuse hypoth\u00e8se de la destruction cr\u00e9atrice avait d\u00e9j\u00e0 constat\u00e9 que l\u2019innovation cr\u00e9e de nouvelles entreprises qui vont remettre en cause les rentes des anciens leaders dominants. Les travaux de Kim et Mauborgne avec la publication en 2004 de leur ouvrage \u00ab\u00a0Strat\u00e9gie Oc\u00e9an bleu\u00a0\u00bb, et plus encore l\u2019explosion du capital risque ont fini de nous convaincre que l\u2019innovation ne se cantonne pas seulement \u00e0 un processus d\u2019am\u00e9lioration de la performance et donc de la productivit\u00e9 des entreprises existantes, mais qu\u2019elle est bien \u00e0 l\u2019origine m\u00eame de la cr\u00e9ation de valeur en ouvrant de nouveaux march\u00e9s.<\/p>
En 2014, l\u2019entrepreneur am\u00e9ricain Peter Thiel a d\u00e9crit cette ouverture de nouveaux march\u00e9s comme l\u2019innovation qui permet de passer de 0 \u00e0 1 (le titre de son livre), l\u2019opposant aux m\u00e9canismes de croissance qui permettent de passer de 1 \u00e0 beaucoup. La nouvelle \u00e9conomie a d\u2019ailleurs concr\u00e8tement mis en pratique ce concept en distinguant le monde des \u00ab\u00a0start-up\u00a0\u00bb qui inventent de nouveaux mod\u00e8les de celles des \u00ab\u00a0scale up\u00a0\u00bb qui d\u00e9multiplient les mod\u00e8les. Le plus souvent, le passage de l\u2019un \u00e0 l\u2019autre demande d\u2019ailleurs des comp\u00e9tences, et des organisations manag\u00e9riales diff\u00e9rentes. La question qui se pose alors serait d\u2019accepter ou non cette sorte de nouvelle division du travail avec une valse en trois temps, le temps de l\u2019innovation exploratoire, le temps du \u00ab\u00a0scale up\u00a0\u00bb puis le temps de la diffusion de l\u2019innovation souvent par de grands groupes performants. Si les financiers ont tendance \u00e0 \u00eatre s\u00e9duits par un tel s\u00e9quen\u00e7age, c\u2019est moins s\u00fbr que cela soit toujours le cas pour nos collaborateurs et nos entreprises qui risquent d\u2019\u00eatre de plus en fragilis\u00e9s par l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du tempo de cette danse de l\u2019innovation. \u00a0<\/p>\n \n \n <\/div>\n \n
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