{"id":3350,"date":"2021-04-14T07:15:53","date_gmt":"2021-04-14T05:15:53","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/democratie-entreprise-salaries-pouvoir-decision-bicamerisme-isabelle-ferreras\/"},"modified":"2023-07-18T10:07:39","modified_gmt":"2023-07-18T08:07:39","slug":"democratie-entreprise-salaries-pouvoir-decision-bicamerisme-isabelle-ferreras","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/democratie-entreprise-salaries-pouvoir-decision-bicamerisme-isabelle-ferreras\/","title":{"rendered":"D\u00e9mocratie en entreprise : peut-on donner aux salari\u00e9s un \u201cr\u00e9el\u201d pouvoir de d\u00e9cision ?"},"content":{"rendered":"
Tout d\u2019abord, pour une question d\u2019efficience : le mod\u00e8le classique d\u2019entreprises hi\u00e9rarchiques ne r\u00e9pond plus aux besoins d\u2019innovation des organisations, directement branch\u00e9s sur les attentes et motivations des travailleurs. Dans une \u00e9conomie de la connaissance, o\u00f9 l\u2019on cr\u00e9e de l\u2019immat\u00e9riel, il faut des salari\u00e9s motiv\u00e9s, impliqu\u00e9s. Le travailleur est le capital cl\u00e9. Il investit son travail pour exprimer quelque chose. Ce n\u2019est pas le mod\u00e8le \u201ctop down\u201d de division du travail qui permettra de le motiver.<\/p>
Vient ensuite la question de la justice. Au travail, nous perdons notre statut de citoyen. C\u2019est une zone de non-citoyennet\u00e9 au c\u0153ur d\u2019une d\u00e9mocratie. Cette contradiction pose probl\u00e8me. Aujourd\u2019hui, les individus s\u2019envisagent dans un rapport d\u2019\u00e9galit\u00e9 aux autres. Il existe une faim d\u00e9mocratique, l\u2019attente d\u2019un droit \u00e0 peser sur les conditions d\u2019organisation nous concernant au quotidien.<\/p>
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Le mod\u00e8le actuel d\u2019entreprise, gouvern\u00e9e par la soci\u00e9t\u00e9 anonyme, touche \u00e0 sa fin. Il\u00a0concentre la richesse dans les mains de quelques uns<\/a>, tout en produisant des dommages environnementaux consid\u00e9rables. Aujourd\u2019hui, et encore plus avec la crise du Covid-19<\/a>, ce syst\u00e8me bas\u00e9 sur la th\u00e9orie de la valeur actionnariale de Milton Friedman (la production de valeur pour les actionnaires est la priorit\u00e9) est remis fondamentalement en question. En 2020,\u00a0plusieurs centaines de CEO am\u00e9ricains ont d\u2019ailleurs d\u00e9clar\u00e9<\/a> que l\u2019entreprise ne peut pas\u00a0juste\u00a0se pr\u00e9occuper de l\u2019int\u00e9r\u00eat de ses actionnaires, mais qu\u2019elle doit tenir compte de tout son environnement : le bien-\u00eatre des travailleurs, ainsi que l\u2019impact social et environnemental de ses activit\u00e9s.<\/p> Mais la RSE ne permettra jamais d\u2019aboutir \u00e0 des d\u00e9cisions strat\u00e9giques solidement ancr\u00e9es, car il faut sans cesse trouver des compromis entre les soi-disant \u201cparties prenantes\u201d de l\u2019organisation. Or, il faut comprendre que l\u2019entreprise est avant toute chose une entit\u00e9 politique, constitu\u00e9e par deux cat\u00e9gories d\u2019investissement<\/a> : le capital et le travail, qui constituent l\u2019entreprise. C\u2019est pour cela que j\u2019ai propos\u00e9 de les appeler les parties \u201cconstituantes\u201d<\/a> de l\u2019entreprise capitaliste.<\/p> Aujourd\u2019hui, nous sommes dans cette situation o\u00f9 l\u2019entreprise est sous le despotisme de la soci\u00e9t\u00e9 anonyme, qui n\u2019est l\u00e0 que pour structurer l\u2019apport en capital<\/a>. C\u2019est comme si on avait d\u00e9velopp\u00e9 l\u2019architecture institutionnelle de la repr\u00e9sentation des int\u00e9r\u00eats des actionnaires, mais tout en sous-d\u00e9veloppant celle des investisseurs en travail. La liste des bienfaits d\u2019une v\u00e9ritable d\u00e9mocratie en entreprise est pourtant tr\u00e8s longue, et va d\u2019une meilleure qualit\u00e9 de vie au travail \u00e0 un impact positif sur la soci\u00e9t\u00e9 en g\u00e9n\u00e9ral. Avec un tout autre partage de la valeur, la donne change : les travailleurs et leurs repr\u00e9sentants pourraient faire valoir dans l\u2019entreprise d\u2019autres mani\u00e8res de travailler, ainsi qu\u2019une autre culture d\u2019entreprise, plus humaine, collaborative, solidaire et tourn\u00e9e\u00a0vers un impact social et environnemental positif de l\u2019activit\u00e9 de l\u2019organisation.<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p> L\u2019entreprise capitaliste, qui pr\u00e9domine aujourd\u2019hui, ressemble \u00e0 une Angleterre qui serait gouvern\u00e9e par la Chambre des Lords, les propri\u00e9taires.\u00a0Face aux propri\u00e9taires des parts de la soci\u00e9t\u00e9 (le conseil d\u2019administration), o\u00f9 sont les travailleurs et la Chambre des communes ? Le bicam\u00e9risme<\/a> est une forme institutionnelle qui permet de faire une r\u00e9volution pacifique. Face au groupe qui dominait, souvent minoritaire (les nobles romains, les lords britanniques), le pouvoir l\u00e9gislatif devient une coproduction, par les repr\u00e9sentants de ce premier groupe, mais aussi par un second groupe, qui \u00e9tait jusqu\u2019alors priv\u00e9 d\u2019acc\u00e8s \u00e0 la repr\u00e9sentation et au pouvoir.<\/p> Quand on regarde qui peuple les conseils d\u2019administration des grandes entreprises, on remarque qu\u2019\u00e0 part quelques si\u00e8ges (gr\u00e2ce \u00e0 la loi Pacte) d\u00e9volus aux repr\u00e9sentants des salari\u00e9s, ils sont dans leur immense majorit\u00e9 peupl\u00e9s par les repr\u00e9sentants des actionnaires. C\u2019est la propri\u00e9t\u00e9 qui d\u00e9termine l\u2019acc\u00e8s au pouvoir et le droit de peser sur les d\u00e9cisions. Aujourd\u2019hui, se pose \u00e0 nous cette question : nous avons affaire \u00e0 des entreprises qui ont un pouvoir colossal sur la vie de leurs travailleurs, mais qui sont aussi constitu\u00e9es par l\u2019investissement de ces derniers. L\u2019id\u00e9e, c\u2019est donc de leur donner les m\u00eames droits de repr\u00e9sentation et de d\u00e9cision que ceux qui poss\u00e8dent le capital. Dans un tel cas de figure, le top management de l\u2019entreprise ne se pr\u00e9occupe plus juste des int\u00e9r\u00eats de ceux qui ont apport\u00e9 du capital.<\/p> On peut imaginer plusieurs formules. Le mod\u00e8le allemand de cogestion regroupe tout le monde dans une m\u00eame chambre, mais la parit\u00e9 est fauss\u00e9e car le pr\u00e9sident de l\u2019assembl\u00e9e vient du banc patronal. En France, le conseil d\u2019entreprise et le \u00ab\u00a0comit\u00e9 social et \u00e9conomique\u00a0\u00bb (CSE) permettent aux salari\u00e9s de dialoguer avec le top management, mais sans pouvoir de d\u00e9cision. Le mod\u00e8le bicam\u00e9ral va plus loin, en offrant au travailleur un pouvoir dans l\u2019entreprise, \u00e0 travers l\u2019instauration d\u2019une \u201cChambre des repr\u00e9sentants des investisseurs en travail\u201d.<\/p> \u00a0<\/p>LIRE AUSSI<\/strong> : \u201cCovid-19 ou pas, il est grand temps de d\u00e9mocratiser l\u2019entreprise !\u201d (Dominique M\u00e9da)<\/a><\/h5>
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Pour \u00ab\u00a0d\u00e9mocratiser\u00a0\u00bb les entreprises, la solution serait pour vous le \u201cbicam\u00e9risme \u00e9conomique\u201d. C\u2019est-\u00e0-dire ?<\/h3>
Comment s\u2019assure-t-on qu\u2019il y a une vraie d\u00e9mocratie en entreprise, \u00e0 partir du moment o\u00f9 les travailleurs ne d\u00e9tiennent pas le capital ?<\/h3>