{"id":3397,"date":"2019-10-16T10:39:36","date_gmt":"2019-10-16T08:39:36","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/freelance-leldorado-ou-le-mirage-dun-nouveau-travailleur-libre\/"},"modified":"2023-07-18T10:07:47","modified_gmt":"2023-07-18T08:07:47","slug":"freelance-leldorado-ou-le-mirage-dun-nouveau-travailleur-libre","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/freelance-leldorado-ou-le-mirage-dun-nouveau-travailleur-libre\/","title":{"rendered":"Freelance, l\u2019eldorado ou le mirage d\u2019un nouveau travailleur libre ?"},"content":{"rendered":"
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On ne peut \u00e9chapper au buzz depuis un moment autour de la notion de freelance et de l\u2019\u00e9volution des statuts des travailleurs de salari\u00e9 \u00e0 entrepreneur de soi-m\u00eame. Imaginez la fi\u00e8vre est tellement importante que l\u2019on parle d\u00e9sormais de CFO \u2013 Chief freelance Officer pour coordonner les freelance qui travaillent pour une m\u00eame entreprise.<\/p>
Mais derri\u00e8re les grandes annonces de basculement du statut de salari\u00e9 vers celui de non salari\u00e9, quelle r\u00e9alit\u00e9 cache cet engouement ?<\/p>
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Selon les d\u00e9fenseurs des vertus de ce statut, la moiti\u00e9 des travailleurs fran\u00e7ais seront des freelance en 2027. Ceci \u00e9tant, on nous disait il y a deux ans que ce serait le cas en 2025 ! Comme en cas de doute il vaut mieux lire les statistiques plus s\u00e9rieuses comme celles de l\u2019Insee c\u2019est ce que nous avons fait.<\/p>
L\u2019Insee nous indique qu\u2019en 2018 les salari\u00e9s repr\u00e9sentaient 88,3 % des 27 millions d\u2019emploi en France, dont 84.2 % en CDI. On est loin des gros titres sur la fin du CDI et le raz de mar\u00e9e des freelances surtout que les 11,7 % des non-salari\u00e9s ne sont pas tous freelance. Nous trouvons dans cette cat\u00e9gorie entrepreneurs individuels, g\u00e9rants majoritaires, professions lib\u00e9rales, agriculteurs, micro-entrepreneurs\u2026<\/p>
Faut-il ajouter qu\u2019en 1999 cette cat\u00e9gorie \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 de plus de 2 millions et qu\u2019il y avait seulement 20 millions de salari\u00e9s pour comprendre qu\u2019il y a dans ces titres bien plus de fum\u00e9e que de feu ?<\/p>
Alors certes les cat\u00e9gories ont \u00e9volu\u00e9 durant cette p\u00e9riode avec une baisse massive du nombre d\u2019agriculteurs et une augmentation de celui des auto-entrepreneurs mais nous sommes loin de la figure r\u00eav\u00e9e du jeune freelance qui choisit en toute libert\u00e9 ses contrats et ses employeurs comme devenant la norme.<\/p>
Pour mieux vendre ce statut on jette un regard m\u00e9prisant sur les travailleurs salari\u00e9s sans ambitions entrepreneuriales, d\u00e9nu\u00e9s de courage et qui acceptent de courber l\u2019\u00e9chine dans un lien consenti de subordination alors que le freelance lui serait tout l\u2019inverse, un h\u00e9ros des temps modernes.<\/p>
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\u00c0 lire des ouvrages comme celui de C\u00e9cile Dejoux (M\u00e9tamorphose des managers \u00e0 l\u2019\u00e9r\u00e8 du num\u00e9rique et de l\u2019intelligence artificielle<\/a>), ou plus r\u00e9cemment de Sylvaine Parrragin (Le Salaire de la peine<\/a>), on se dit en effet que d\u2019\u00eatre salari\u00e9, c\u2019est aussi s\u2019exposer aux organisations et aux managers toxiques, de flirter avec le bore out, le burn out et les bullshit jobs. Mais la r\u00e9alit\u00e9 du travail du freelance n\u2019est gu\u00e8re plus enviable selon les derni\u00e8res enqu\u00eates.<\/p> On vante la libert\u00e9 des freelance de travailler quand ils veulent et pour qui ils veulent mais encore une fois les chiffres disent le contraire. Ainsi 85 % travaillent au moins 8 heures le week-end et 55 % apr\u00e8s 20 heures ! En ce qui concerne leur travail ce n\u2019est pas mieux puisque 2 freelances sur trois travaillent de mani\u00e8re r\u00e9currente pour leurs clients<\/a>. L\u00e0, on se dit que la requalification guette certains donneurs d\u2019ordre, \u00e0 employer un freelance comme un int\u00e9rimaire et non comme un apport ponctuel de comp\u00e9tences particuli\u00e8res.<\/p> C\u2019est d\u00e9j\u00e0 le cas en Californie avec un vote du S\u00e9nat facilitant la requalification si les t\u00e2ches effectu\u00e9es sont centrales \u00e0 l\u2019activit\u00e9 de l\u2019entreprise comme en France avec des d\u00e9cisions de la cour d\u2019appel et des prud\u2019hommes allant dans ce sens.<\/p> Car le client d\u2019un freelance est bien souvent une plate-forme et \u00e0 vouloir contourner la loi ces plate-formes se retrouvent actuellement au centre de vives discussions sur la r\u00e9alit\u00e9 de l\u2019ind\u00e9pendance et de l\u2019absence de lien de subordination avec leurs \u201cpartenaires\u201d. De plus les syndicats et des collectifs s\u2019organisent pour lutter plus efficacement contre les conditions de travail impos\u00e9es par ces m\u00eames plate-formes qui d\u00e9couvrent ainsi apr\u00e8s la disruption la lutte sociale.<\/p> \u00a0<\/p> Alors pourquoi tant de billets envers ce statut qui pose plus de probl\u00e8mes que celui de salari\u00e9 par sa faible couverture sociale, par les pratiques questionnables des plate-formes, par l\u2019ins\u00e9curit\u00e9 intrins\u00e8que de ce mode de travail ?<\/p> Il y a bien sur de multiples r\u00e9ponses comme celles li\u00e9es \u00e0 l\u2019envie de tenter sa chance et faire ce dont on a vraiment envie sans se soucier de son manager mais il y a aussi un tr\u00e8s fort lobby car comme lors de la ru\u00e9e vers l\u2019or et l\u2019eldorado c\u2019est bien ceux qui vendent aux chercheurs d\u2019or, les pelles et les couvertures et qui font fortune !<\/p> Ayez le r\u00e9flexe de v\u00e9rifier l\u2019auteur des articles pro-freelances qui vous expliquent que c\u2019est l\u2019avenir du travail et vous serez surpris que l\u2019une a cr\u00e9\u00e9 une mutuelle pour les freelance, un autre un paquet de services et tout cela bien entendu sans le pr\u00e9ciser dans l\u2019article. Non, ces braves gens tout \u00e0 fait d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9s demandent que les freelances puissent b\u00e9n\u00e9ficier des m\u00eames avantages sociaux que les travailleurs salari\u00e9s qu\u2019ils fournissent mais en \u00e9chappant en grande partie aux cotisations sociales des entreprises arri\u00e9r\u00e9es embauchant encore des salari\u00e9s.<\/p> Le statut de freelance est int\u00e9ressant et ne pose aucun probl\u00e8me pour les personnes qui l\u2019ont choisi volontairement car performantes, autonomes et n\u2019ayant aucun probl\u00e8me pour s\u00e9lectionner leurs missions. Ce n\u2019est malheureusement le cas que pour une minorit\u00e9 d\u2019entre-eux et les autres sont les nouveaux journaliers du XXI si\u00e8cle, corv\u00e9ables \u00e0 merci, ce qui ne semble pas avouons-le constituer l\u2019avenir du travail dont nous pouvions r\u00eaver.<\/p> Le lien de subordination est la contrepartie de la protection du salari\u00e9, il est devenu \u00e0 l\u2019heure de la gestion de chaque talent, de l\u2019exp\u00e9rience collaborateur, du marketing RH\u2026 d\u00e9pass\u00e9 pour nombre de salari\u00e9s sauf les plus faibles. C\u2019est bien l\u00e0 le but de la loi et du Code du travail que de prot\u00e9ger les plus faibles des abus des plus forts.<\/p> La r\u00e9volution actuelle est celle de la qu\u00eate de sens, de lien social, de sentiment d\u2019utilit\u00e9, de reconnaissance et ce quel que soit le statut. Comme l\u2019explique si bien Cynthia Fleury, philosophe, auteure de \u201cLe soin est un humanisme\u201d<\/a>, nous sommes en train de basculer vers la soci\u00e9t\u00e9 du \u201cCare\u201d ou autonomie et vuln\u00e9rabilit\u00e9 sont parfois entrelac\u00e9es mais une soci\u00e9t\u00e9 qui doit rester \u201chabitable\u201d et non une jungle r\u00e9serv\u00e9e aux plus forts, une soci\u00e9t\u00e9 dans laquelle l\u2019individualisme laisse la place \u00e0 l\u2019individuation.<\/p> \u00a0<\/p><\/p>
Les nouveaux journaliers du XXIe si\u00e8cle<\/h3>
L\u2019auteur<\/h4>
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