{"id":3415,"date":"2019-10-24T07:00:57","date_gmt":"2019-10-24T05:00:57","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/leonard-de-vinci-perfectionniste-a-la-curiosite-insatiable\/"},"modified":"2023-07-18T10:07:52","modified_gmt":"2023-07-18T08:07:52","slug":"leonard-de-vinci-perfectionniste-a-la-curiosite-insatiable","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/leonard-de-vinci-perfectionniste-a-la-curiosite-insatiable\/","title":{"rendered":"L\u00e9onard de Vinci au travail : un perfectionniste \u00e0 la curiosit\u00e9 insatiable"},"content":{"rendered":"
\u00a0<\/p>
Alors que l\u2019exposition sur L\u00e9onard de Vinci au Mus\u00e9e du Louvre<\/a> ouvre ses portes\u00a0aujourd\u2019hui, 24 octobre, nous vous proposons de d\u00e9couvrir les m\u00e9thodes de travail du ma\u00eetre.<\/em><\/strong><\/p> \u00a0<\/p> Peintre, mais aussi sculpteur, po\u00e8te, ing\u00e9nieur, inventeur, anatomiste : L\u00e9onard de Vinci est un personnage singulier, qui aura toute sa vie jongl\u00e9 avec les disciplines. Mais certains historiens, ainsi que ses contemporains, d\u00e9crivent aussi quelqu\u2019un de dissip\u00e9, qui peinait \u00e0 terminer ses oeuvres. La faute \u00e0 de mauvaises m\u00e9thodes de travail, ou tout autre chose ? Les carnets dans lesquels l\u2019artiste de la Renaissance prenait des notes permettent de reconstituer la fa\u00e7on dont il organisait ses pens\u00e9es, puis les mettait en pratique.<\/p> En 1480, L\u00e9onard de Vinci, jeune peintre florentin, d\u00e9barque \u00e0 Milan. Fils de notaire, il a l\u2019habitude de prendre des notes : il porte en permanence \u00e0 sa ceinture un petit carnet, sur lequel il griffonne id\u00e9es et observations.<\/p> Selon le po\u00e8te Giovanni Battista Giraldi<\/a>, proche de l\u2019artiste, \u201cquand il souhaitait peindre un personnage, il consid\u00e9rait le statut social et les \u00e9motions qu\u2019il devait repr\u00e9senter : noble ou pl\u00e9b\u00e9ien, joyeux ou s\u00e9v\u00e8re, troubl\u00e9 ou serein, vieux ou jeune. Une fois d\u00e9cid\u00e9, il se rendait dans des endroits qu\u2019il savait fr\u00e9quent\u00e9s par ce type de personnes, et observait leurs visages, leurs gestes. Quand il d\u00e9nichait ce qu\u2019il cherchait, il le notait dans son carnet\u201d.<\/em><\/p><\/blockquote> Dans ses journaux de bord, il esquisse aussi des \u00e9tudes pr\u00e9paratoires, et, en bon ing\u00e9nieur, remplit des centaines de pages de ses recherches scientifiques \u2013 croquis sur les oiseaux, la m\u00e9canique, le corps humain, les fossiles, les plantes. Selon Walter Isaacson, professeur d\u2019histoire \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 de Tulane, qui a d\u00e9cortiqu\u00e9 les carnets de L\u00e9onard<\/a>, ceux-ci t\u00e9moignent d\u2019une passion \u201cenjou\u00e9e et obsessionnelle : apprendre tout ce qu\u2019il est possible de conna\u00eetre sur le monde\u201d.<\/em> \u00a0<\/p> En \u00e9tudiant de nombreuses disciplines, en particulier scientifiques, il s\u2019agit en fait pour L\u00e9onard, \u201cslasher\u201d<\/a> avant l\u2019heure, de mieux servir son art.<\/p> \u201cQuand on est artiste, on doit repr\u00e9senter le monde, et pour lui, on ne peut pas le faire si on ne le conna\u00eet pas. Au d\u00e9part, il m\u00e8ne des recherches assez classiques sur le fonctionnement des plantes, mais il finit par aller bien plus loin, car il a besoin de tout comprendre\u201d<\/em>, explique Serge Bramly, romancier, critique d\u2019art et expert du peintre-ing\u00e9nieur<\/a>.<\/p>\n Selon Walter Isaacson, le g\u00e9nie de L\u00e9onard de Vinci \u00e9tait aliment\u00e9 par sa volont\u00e9 et son ambition, et non par une intelligence hors norme : \u201cSon statut d\u2019enfant ill\u00e9gitime l\u2019a emp\u00each\u00e9 d\u2019\u00e9tudier dans une \u00e9cole latine o\u00f9 on lui aurait enseign\u00e9 les lettres et les humanit\u00e9s. \u00c0 la place, il a d\u00e9velopp\u00e9 des facult\u00e9s que nous pouvons nous-m\u00eame cultiver : la curiosit\u00e9 et l\u2019observation fine\u201d<\/em>, \u00e9crit-il.<\/p><\/blockquote> Dans ses carnets<\/a>, l\u2019artiste autodidacte liste ce qu\u2019il doit faire pour accumuler des connaissances et affiner son travail artistique : se procurer des ouvrages sur l\u2019agriculture et la chirurgie ; demander \u00e0 un \u201cma\u00eetre d\u2019arithm\u00e9tique\u201d<\/em> de lui montrer \u201ccomment cr\u00e9er un carr\u00e9 \u00e0 partir d\u2019un triangle\u201d<\/em> ; se \u201cfaire expliquer comment r\u00e9parer une \u00e9cluse\u201d<\/em> par un ma\u00eetre en hydraulique. Il \u00e9tudie avec l\u2019aide d\u2019un g\u00e9ologue la composition d\u2019une grotte, afin de peindre celle de \u201cLa Vierge aux Rochers\u201d. Pour r\u00e9aliser les jeux d\u2019ombre et de perspective qui rendront ses tableaux c\u00e9l\u00e8bres, il explore les principes math\u00e9matiques de l\u2019optique.<\/p> L\u2019historien Pascal Brioist<\/a>, qui r\u00e9\u00e9dite les carnets de L\u00e9onard de Vinci, note de son c\u00f4t\u00e9 que L\u00e9onard de Vinci \u201clisait \u00e9norm\u00e9ment : il avait sans doute l\u2019une des plus grandes biblioth\u00e8ques de son temps<\/a>. Elle \u00e9voluait avec le temps. Au d\u00e9but, il lisait seulement des livres en toscan, puis il a fini par \u00e0 fr\u00e9quenter des personnes qui lui r\u00e9sumaient des oeuvres qui lui \u00e9taient a priori inaccessibles car en latin : des m\u00e9decins, des math\u00e9maticiens, des hommes de guerre\u2026 Tous ces interm\u00e9diaires lui ont permis d\u2019acqu\u00e9rir un colossal savoir. Puis il a fini par apprendre lui m\u00eame le latin et il s\u2019est procur\u00e9 de nombreux ouvrages dans cette langue morte.\u201d<\/em> \u00c0 la fin de sa vie, le peintre avait \u00e0 sa disposition une collection de 300 ouvrages, \u201ctr\u00e8s importante par rapport \u00e0 celles de l\u2019\u00e9poque\u201d.<\/em><\/p><\/blockquote> \u201cToute ma vie, j\u2019ai voulu conna\u00eetre et comprendre la nature humaine\u201d<\/em>, \u00e9crit L\u00e9onard de Vinci dans l\u2019un de ses carnets. Pour cela, il va jusqu\u2019\u00e0 passer des nuits enti\u00e8res \u00e0 diss\u00e9quer des cadavres. Ainsi, il d\u00e9tache la peau d\u2019un visage afin de tracer les muscles responsables du mouvement des l\u00e8vres \u2013 ce qui lui permet ensuite de peindre le sourire de La Joconde.<\/p> \u201cComme tout artiste de l\u2019\u00e9poque, il voulait conna\u00eetre la musculature afin de repr\u00e9senter des corps humains r\u00e9alistes, mais il ne s\u2019est pas content\u00e9 de cela. Il a aussi \u00e9tudi\u00e9 les os, les organes\u2026 Quand vous peignez, vous pouvez vous contenter de peindre l\u2019apparence, mais si vous essayez de comprendre l\u2019int\u00e9rieur, votre peinture sera beaucoup plus profonde\u201d<\/em>, note Serge Bramly.<\/p><\/blockquote> Le Florentin, qui aime se vanter d\u2019\u00eatre \u201cl\u2019\u00e9l\u00e8ve de l\u2019exp\u00e9rience et de l\u2019exp\u00e9rimentation\u201d, d\u00e9veloppe finalement une m\u00e9thode empirique de compr\u00e9hension de la nature, qui pr\u00e9figure la m\u00e9thode scientifique de Descartes.<\/p> \u201cIl pr\u00e9f\u00e8re l\u2019exp\u00e9rience au savoir acad\u00e9mique. L\u2019observation de la nature et du monde r\u00e9el est sa principale technique de travail\u201d<\/em>, explique Serge Bramly. Selon lui, \u201csa force, c\u2019\u00e9tait qu\u2019il voulait tout v\u00e9rifier par lui-m\u00eame, car il ne faisait pas confiance ni la tradition, ni \u00e0 ce qui avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 \u00e9crit\u201d.<\/em><\/p><\/blockquote> \u00a0<\/p> D\u00e9crit par ses contemporains comme une personne facilement distraite, L\u00e9onard de Vinci a laiss\u00e9 malgr\u00e9 tout plusieurs oeuvres inachev\u00e9es, dont l\u2019Adoration des Mages et Saint J\u00e9r\u00f4me. Certains historiens comme Walter Isaacson l\u2019expliquent par son perfectionnisme : \u201cconfront\u00e9 \u00e0 des d\u00e9fis que nombre d\u2019artistes auraient choisi de ne pas relever, il ne peut se r\u00e9soudre \u00e0 les ignorer, et pr\u00e9f\u00e8re abandonner ses pinceaux\u201d<\/em>.<\/p> Pendant toute sa vie, le peintre ajoute des d\u00e9tails et des am\u00e9liorations \u00e0 certaines de ses oeuvres, dont Saint Jean Baptiste et La Joconde, qu\u2019il ne livre pas \u00e0 ses commanditaires et perfectionne de fa\u00e7on obsessionnelle.<\/p> \u201cSon id\u00e9e de la peinture comme \u2018miroir parfait\u2019 de la nature nous incite \u00e0 penser que l\u2019inach\u00e8vement n\u2019est que fortuit, que ses oeuvres \u00e9taient constamment peaufin\u00e9es, et que certaines sont rest\u00e9es inachev\u00e9es parce que la mort l\u2019a surpris\u201d<\/em>, \u00e9crit Vincent Delieuvin<\/a>, conservateur en chef au d\u00e9partement des Peintures du mus\u00e9e du Louvre.<\/p>\n Pour Johannes Nathan, historien de l\u2019art \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de Berlin, il s\u2019agirait d\u2019une procrastination intentionnelle, une v\u00e9ritable technique : \u201con peut se demander s\u2019il ne pensait pas que ses oeuvres \u00e9taient plus int\u00e9ressantes dans leur \u00e9tat non fini. Mais il essayait surtout de trouver la formule parfaite pour chacune de ses oeuvres. C\u2019est ce qui explique pourquoi, lorsqu\u2019il a r\u00e9alis\u00e9 La C\u00e8ne, un proche raconte que certains jours il peignait sans cesse, que d\u2019autres fois il regardait son tableau sans rien faire, et que parfois, il prenait son pinceau pour effectuer de toutes petites retouches\u201d<\/em>.<\/p><\/blockquote> Dans ses carnets, L\u00e9onard de Vinci explique que pour \u00eatre cr\u00e9atif, mieux vaut prendre son temps et laisser ses id\u00e9es mijoter.<\/p> \u201cLes hommes au g\u00e9nie ambitieux r\u00e9alisent parfois leurs plus grandes oeuvres quand ils travaillent le moins, car leur esprit est accapar\u00e9 par leurs id\u00e9es et la perfection de leurs conceptions, auxquelles ils donnent ensuite forme\u201d,<\/em> \u00e9crit-il.<\/p>\n De son c\u00f4t\u00e9, Pascal Brioist tient toutefois \u00e0 nuancer, concernant ses oeuvres inachev\u00e9es : \u201cEffectivement, L\u00e9onard \u00e9tait ultra-perfectionniste. Mais concernant l\u2019Adoration des Mages, il s\u2019agissait d\u2019un travail si ambitieux et si colossal, que dans le temps qui lui \u00e9tait imparti, c\u2019\u00e9tait pratiquement impossible de rendre cette oeuvre dans les temps\u201d. Selon l\u2019historien, \u201cil n\u2019\u00e9tait pas d\u00e9sordonn\u00e9, mais avait simplement une pens\u00e9e extr\u00eamement riche et une fa\u00e7on de penser diff\u00e9rente, avec une fa\u00e7on de travailler au contraire extr\u00eamement m\u00e9thodique. Il voulait avant tout comprendre le monde, d\u2019o\u00f9 sa propension \u00e0 passer constamment du coq \u00e0 l\u2019\u00e2ne\u201d.<\/em><\/p>\n \u00a0<\/p><\/blockquote> \u00a0<\/p><\/p>
Curiosit\u00e9 et observation fine<\/h3>
<\/p>
L\u2019art de la procrastination<\/h3>
<\/p>
Travail collaboratif<\/h3>